“E-Scape 2015 est une compilation surprenante qui cache plus qu'un ou deux gros titres. C'en est plein!”
1 Ride the Beach (6:04)
John Dyson & Michael Shipway 2 Song for a Friend (4:34)
David Wright 3 Strange Escapism (5:25)
Eric van der Heijden 4 Hymne (5:14)
Dreamerproject 5 Berlin Thunder (10:27)
Ron Boots 6 The Last Toy Emily Broke (4:34)
Paul Ward 7 Beautiful Day (Live) (7:01)
F.D. Project 8 Walking with Ghosts (Ambient Remix) (5:15)
David Wright 9 Escape the T.N.B.C (7:47)
Glenn Main 10 Slow Flow (21:10)
Ron Boots AD Music | AD144CD (CD 77:38) (Mix of England, Berlin and Netherlands School)
Je suis assez divisé lorsque j'affronte une compilation. Trop souvent, il s'agit d'une brochette de titres assez ordinaires qui cache un ou deux bons morceaux de musique. Parfois ce sont les genres qui y sont tous pêle-mêle. Mais en tout temps il y a un truc ou deux qui sonne bien, ou bien il y a une pièce d'un artiste de qui on est un fan fini. Suivant le dernier E-Scape Electronic Music Festival, E-SCAPE 2015 est une compilation qui regroupe une pièce de musique originale, mise à part pour F.D. Project, de la part des 10 artistes ayant participé à ce festival qui a eu lieu le 30 Mai dernier au Cut Arts Centre à Halesworth en Angleterre. Cette compilation, qui est dédicacée à Edgar Froese et Steve Roberts, un personnage très important dans l'échiquier de AD Music, se démarque des compilations usuelles d'AD Music en offrant une MÉ qui s'éloigne un peu de la signature sonique du label Anglais. Si on y trouve toujours cette musique harmonieuse aux délicats parfums du New Age on y retrouve aussi une musique plus lourde, plus audacieuse par des artistes dont le berceau est résolument le Berlin School. Ce faisant, E-SCAPE 2015 navigue entre ces deux pôles en offrant ce qui se fait le mieux dans chacun d'entre eux. Une belle compilation où je n'ai jamais été divisé...
Et ça débute avec les délicats arpèges qui tintent fragilement dans l'ouverture de Ride the Beach. Les premières harmonies du synthé sont pleureuses et effleurent celles d'un saxophone solitaire. Au début, le rythme est nerveux et statique avec une série de touches qui virevoltent sous les coups éparses de percussions. Le synthé change de tonalité, mettant en scène un beau duel de solos et d'harmonies entre Shipway et Dyson sur une structure de rythme qui finit par devenir plus enlevante, même emmitouflée d'un bon banc de brume céleste. Il s'agit d'un bon rock électronique à la sauce Anglaise teinté des armoiries de John Dyson et Michael Shipway. Song for a Friend est une très belle ballade que David Wright a composé pour son ami Steve Roberts. Le rythme est doux. Un bon down-tempo orné par des harmonies très mélancoliques d'un synthé dont les solos très touchants tournoient dans des arrangements électroniques très éthérés. C'est très bon, même si ça sonne un brin New Age. Moins sombre, Hymne de Dreamerproject est un peu dans le même genre. La guitare acoustique remplace le synthé, on peut y entendre des souffles de saxophone à la Linda Spa. On dirait du Liona Boyd sur du Enigma. J'avais bien aimé l'album Dal Segno d'Eric van der Heijden. J'avais trouvé son écriture musicale très près de Vangelis. Strange Escapism est dans la même veine. C'est un titre aux intenses ambiances d'une jungle païenne qui suit une lente évolution avec de bonnes percussions dont les roulements, les tam-tams, structurent un rythme ambiant où sifflent des harmonies soutirées d'une genre de sarbacane. Ces 4 premiers titres sont de bons amuse-gueules pour ce qui va suivre. On connait le légendaire Ron Boots? Il est présent deux fois plutôt qu'une sur cette séduisante compilation. Et mettons que Berlin Thunder est dans une classe à part. Ce joyau caché dans cette compilation débute dans des brumes ondoyantes. Ce brouillard est vite dissipé par un train de pulsations lourdes qui martèlent un frénétique rythme gravitationnel. Des harmonies d'un genre tribal caressent ce rythme dont le squelette convulsif laisse entendre maintenant des séquences vives qui tourbillonnent comme des ions concassés dans une turbine. Certains hoquètent et d'autres chevrotent, mais la violente nuée forge un Berlin School violent et noir happé par une tornade minimaliste dont la vitesse semble variée dans ces denses bancs de brouillards électroniques. C'est du grand Ron Boots que nous avons dans les oreilles.
Et on peut dire la même chose de The Last Toy Emily Broke par Paul Ward qui est de l'Électronica sauvage et très créatif. Ces deux titres sont le nirvana d'E-SCAPE 2015. Et Beautiful Day (Live) de F.D.Project n'est pas en reste. Il s'agit d'un bon blues cosmique avec de juteux solos de guitare. C'est un titre qui a beaucoup de MorPheuSz dans le corps, notamment de la session Tantalizing Thoughts at the Dawn of Dreams. Très bon. Nous sommes littéralement dans le pinacle de cette compilation. Le remixe ambiant de Walking with Ghosts offre une variance plus synth-pop de ce classique de David Wright. J'aime bien et en toute honnêteté, il m'apparait quasiment impossible de tourner au vinaigre cette petite perle. Escape the T.N.B.C est une belle ballade de Glenn Main qui change de peau continuellement, alliant ballade éthérée à un bon slow cosmique avec une guitare aussi incisive que celle de Frank Dorittke avant de mourir dans une phase ambiocosmique. Slow Flow est le 2ième titre de Ron Boots sur cette compilation. Et il faut l'écouter plus d'une fois avant de se laisser emporter par les charmes de ce long fleuve sonique linéaire et minimaliste. L'ouverture est de tumulte, un peu comme celle de Berlin Thunder. Mais un tumulte paisible, ambiant. Des percussions de bois et des larmes de synthé traînent des bribes d'harmonies et de rythmes égarés dans un champs de brume d'où s'échappent des arpèges qui ont perdus du lustre. Peu à peu, Slow Flow dévoile ses charmes comme un papillon émergeant d'un cocon de brume. Des arpèges tintent comme des séquences blafardes. Tranquillement ils tissent un délicat down-tempo morphique qui ondule paresseusement dans les tintements métalliques d'accords de clavier aux parfums de piano électrique. Les synthés soufflent des airs absents qui sont embuées de mélancolie. Et toujours imperturbable, le rythme de Slow Flow dérive dans un cosmos de sérénité où Ron Boots ajoute des bribes de mélodies et des variances dans la texture de ce rythme ambiant qui devient un vrai beau slow lunaire gorgée de poussières de prisme et de larmes de synthé qui étire ses soupirs comme des longues traînées d'embrun dans l'âme. C'est très beau. Ça me rappelle les grandes compositions de Ron Boots dans ses albums tel que Dreamscape ou encore son célèbre Acoustic Shadows. Et quelle façon de conclure une superbe compilation dont l'éclectisme de la MÉ n'aura jamais été aussi rendu de façon si attrayante.
Sylvain Lupari (11/06/11) ****½*
SynthSequences.com
Disponible au AD Music web shop
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