“Je dois admettre que j'ai été très impressionné par la musique d'AeroGRAPHIC dont la complexité dans les arrangements finie par trouver sa façon de séduire”
1 AeroGRAPHIC 6:07
2 Children play in the Sand 2:32
3 Fatamorgana 4:45
4 Slow-motion in Darkness 8:52
5 Running Old Boy 7:52
6 Voices 3:36
7 Admiral Kolchak 7:45
8 Dance of the Dead 11:57
(CD/DDL 53:30)
(Cosmic Electronic Jaaz-Rock)
Il m'arrive parfois de recevoir des courriels d'artistes en MÉ afin de savoir si je pouvais chroniquer leur musique. C'est ainsi que j'ai reçu ce petit truc à découvrir d'un artiste Croate, Mario Rosando, si l'univers de Jean-Michel Jarre vous interpelle. Réalisé en 2014 sur étiquette indépendante, AeroGRAPHIC est un album fortement influencé par les visions cosmiques et rythmiques du célèbre musicien Français. Tout y est! Décor cosmique, nappes orchestrales et de violons astraux, bigoudis et allégories sonores, arpèges luisants qui suivent les courbes des séquences ou des percussions ainsi que des rythmes entraînants. Et malgré tout ce décor très réaliste, Aero2graph conserve une identité qui devrait ravir les fans d'une MÉ qui sollicite une plus grande ouverture d'esprit que d'emprunter les corridors trop connus de celui à qui l'on doit les plus belles odes cosmiques de l'univers.
Un vent d’Orion et ses poussières d'étoiles, une couverte tonale que l'on repousse vers le cosmos; l'ouverture de la pièce-titre est en tout point conforme à celles du genre des années 70. Des pads de violons et une autre nappe qui circule en faisant ses cascades et hop, le rythme de AeroGRAPHIC se prépare à conquérir nos oreilles en attente. C'est la première surprise d'AeroGRAPHIC! Si le rythme est entraînant avec de sobres percussions en boîtes et des pads de violons saccadés, la mélodie qui y niche est déconstruite. Un peu comme si le piano la jouait à l'envers. Nous sommes donc bercés par ce rythme cosmique aux forts parfums de Jean-Michel Jarre, orchestrations et effets de nappes en cascade compris, alors que le piano couche une mélodie du genre Free-Jazz. Ça détonne au début, sauf que l’hallucinant décor cosmique des années 70 permet de nous habituer peu à peu à ce titre, ainsi qu'à d'autres titres du genre comme Fatamorgana qui est un véritable bijou si on aime les percussions et un solo de synthé aussi rêveur que ceux de Frédéric Mercier dans Music from France. Parlant de Frédéric Mercier, c'est à lui que je pense lorsque j'entends le court et harmonieux Children play in the Sand. Ce ne sont pas tous les titres qui sont marqués du sceau de Jarre. Prenons Slow-motion in Darkness et sa structure alambiquée qui se développe avec des élans rythmiques saccadés qui se fondent dans des phases plus ambiantes. Encore ici, le jeu des percussions est étonnant pour des percussions électroniques. Il promène cette lente structure de rythme ambivalente entre ses bons effets sonores et cette enveloppe de Jazz cosmique qui est à l'origine d'une approche mélodieuse évasive. Ça commande quelques écoutes…
Running Old Boy est un titre en deux phases. Son ouverture scintille avec de grosses nappes de neige tonale qui flottent entre deux sphères. Imbibées de voix stridentes, cette couverture de glace que l'on secoue dans le cosmos libère des particules cosmiques et des lignes de synthé aux tonalités apocalyptiques. Le rythme qui se dessine est du genre rock électronique statique. Il se libère de cette enveloppe pour devenir un court rock qui frappe un mur d'ambiances nourries par des oscillations gargantuesques. Des accords limpides sont les premiers à porter secours au rythme éteint de Running Old Boy qui se redresse et vogue toujours dans une enveloppe statique imbibée des armoiries cosmiques de Jean-Michel Jarre. S'il y avait un hit FM à sortir de cet album, ça serait Voices et son alliage Vangelis/Jarre sur une structure aussi entraînante que la fascinante beauté de sa vision mélodieuse. Et toujours, Mario Rosando tisse un noyau de complexité qui enchante l'oreille à chaque nouvelle écoute. Admiral Kolchak est un titre lent structuré sur des nappes flottantes et des percussions. Sans rythme précis, la musique est nappée de solos aussi mélancolique qu'un saxophoniste exorcisant son spleen sur une pointe du tiers de la Lune. Et comme rien n'est coulé dans la facilité dans AeroGRAPHIC, les ambiances se réveillent avec un jeu de batterie dans un style de Free Jazz. Dance of the Dead termine ce fascinant rendez-vous avec la musique de Mario Aero2graph Rosando avec une vision qui est conforme aux marches funèbres. Le mouvement est las, peu enjoué et martelé par une cadence lente. Si parfois ce rythme s'octroie des attributs cahoteux, les synthés exaltent ces chants funestes qui s'apparentent à ces marches des lendemains de la Toussaint dans une vision autant festive que très austère.
Je dois admettre que j'ai été très impressionné par la musique de Aero2graph et par AeroGRAPHIC qui serait son troisième album. Pour le plaisir des oreilles curieuses de découvrir ce monde d'illuminations tonales de la MÉ, Mario Rosando nous en met plein les oreilles avec une musique dont la complexité finie par trouver sa façon de séduire. Une chose est certaine, c'est qu’elle est très bien écrite et bien restituée dans son cocon alambiqué. Depuis cet album, Aero2graph a produit une série de E.P. et/ou de singles qui respirent de ces pôles contradictoires qui font les charmes de cet étonnant album qui vaut certes que l'on y jette une oreille.
Sylvain Lupari (24/09/19) ***½**
Disponible au Aero2graph Bandcamp
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