“Landscapes fait partie de ces albums qui ont marqué une époque”
1 Hymalaya 2:31 2 Symfonieën 5:40 3 Landscape 5:31 4 Electronics 3:38 5 La Corde D'Argent 9:13 6 Plage 4:41 7 Ritmo 3:45 8 Tides 5:41 (Bonus Tracks) 9 AGE in Concert 1 9:11 (Bonus Tracks) 10 AGE in Concert 2 7:26 (Bonus Tracks) Groove | GR-248
(CD 58:03) (Cosmic Rock Music)
AGE! Le nom me dit vaguement quelque chose pour l'avoir vu sur une pochette de disque d'un ami au tournant des années 80. Il y avait parmi les disques de Jean-Michel Jarre, Synergy, Earthstar et Space Art ce truc nommé AGE. Et la mémoire s'est éveillée lorsque j'ai entendu la splendide mélodie cosmique de Symfonieën. C'était donc LANDSCAPES que nous écoutions! Quelques 35 ans plus tard, Groove rallume cette vieille flamme oubliée dans l'échiquier du temps, permettant ainsi à une toute nouvelle génération, même 2 ou 3 c’est selon, de découvrir comment était construite la MÉ de cette époque. Pas de MIDI et une banque d'échantillonnages assez rudimentaires, genre bruits cosmiques. Des synthés, des oscillateurs, un séquenceur, un vocodeur et des percussions! LANDSCAPES était dans la foulée de ces essais sonores qui resplendissaient auprès d'un public friand d'aventures musicales bien plus que de structures conventionnelles. Et pourtant ce duo, composé des musiciens Belges Emmanuel D'haeyere et Guy Vachaudez, avait tous les éléments requis afin de séduire un public qui était à la fois près de Space et de Jean-Michel Jarre.
Est-ce que Vangelis se serait inspiré de Hymalaya pour poser les bases de son album Antartica? La question se pose puisque la musique de ce titre ouverture à LANDSCAPES, notamment ces accords de claviers qui flottent de froid, n'est pas vraiment loin de Antartica Echoes. Mais peu importe! Hymalaya rayonne de la dimension de son titre avec une procession sobre, genre escalier roulant, où scintillent des prismes gelés. Ces prismes tissent une mélodie flottante, en parfait équinoxe avec le rythme ambiant. Je me souviens de Symfonieën. De ce carrousel d'accords scintillants qui tournoyaient comme ce manège de cheval où les chevaux de bois galopaient mollement à tour de rôle. Magnétisante avec ses milles reflets imaginaires dans ma tête, la mélodie est cristalline et était surtout la pierre angulaire de la Face A du vinyle de l'époque. La pièce-titre dégage ces parfums de cette période avec une lointaine nappe de voix qui se fait avaler par la complainte d'un synthétiseur seul sur une banquise de la Mer de la Tranquillité. Un séquenceur loge une portion harmonique un peu avant la deuxième minute, me donnant ce goût irrésistible de réentendre un autre classique de cet époque; French Skyline du groupe Allemand Earthstar. La mélodie, alors que le rythme reste toujours passif, sera propulsée par des poussées de nappes de synthé, donnant ainsi beaucoup de mouvement pour si peu de temps. Plus on écoute et plus on aime ce titre. Electronics est un titre d'ambiances soniques qui rentre avec fracas entre nos oreilles. À l'époque, on ne se rendait pas jusqu'au bout. On faisait jouer la Face B tout de suite après Landscape. Pourtant, c'était un des premiers titres de musique d'ambiances noires avec de bonnes nappes d'orgue chthoniennes où se greffait une chorale de spectres errant entre deux univers parallèles et ses bruits inexplicables.
La Face B débutait avec La Corde D'Argent. Un titre plus progressif inspiré des structures moroses de Thierry Fervant, que j'ai découvert quelques années plus loin, et dont la vision théâtrale a sans doute inspiré Jean-Pierre Thanès, que j'ai découvert en même temps que Fervant, dans son Lux Terrea. Le synthé est très séduisant ici et ses boucles harmoniques tissent une rythmique cosmique picoré par des riffs de clavier et qui deviendra plus entraînant lorsque le séquenceur mord dans la musique vers sa 7ième minute. À l'époque, les synthétiseurs tissaient plus d'harmonies que de nos jours. Donc après les boucles de La Corde D'Argent, Plage suit avec ses échantillonnages de vagues agitées et sa mélodie synthétisée qui est bien soutenue par le rythme motorique du séquenceur. L'approche fait ainsi très Kraftwerk, période Autobhan. Une superbe mélodie émerge d'entre les collisions des vagues surfant sur la mer agitée autour de la 3ième minute, tissant le 2ième ver-d'oreille de LANDSCAPES. Ritmo est un bon rock électronique entraînant, et assez commercial, soutenu par des percussions et des riffs de clavier et où le synthé est toujours dominant dans sa texture harmonique. Cette réédition de Groove comprend 3 titres bonis. Tides n'a pu se tailler une place dans l'album. C'est un titre qui propose une longue introduction ambiosphérique avant de faire éclore une structure de rythme taillée par des riffs de clavier et des accords rapides et successifs du séquenceur, tandis le synthé lance des faiblardes lamentations spectrales. Je comprends la décision de l'époque! Par la suite, on a droit à un véritable petit chef-d'œuvre, soit une prestation de AGE mise sur une cassette par KLEM en 1986. AGE in Concert 1, ou Listen to the Music, débute avec un beau mouvement du séquenceur qui ondule comme le mécanisme d'un carrousel musical pour personnes âgées. Hyper mélodieux, le mouvement est nappé d’une voix sur vocodeur récitant Listen to the Music. Des riffs de clavier, très Pink Floyd, des nappes de synthé brumeuses, une ligne de basse et des percussions accompagnent une authentique procession de rock cosmique où le synthé se déchaine en libérant des solos fougueux et tonitruant, amenant AGE in Concert 1 vers un impressionnant pinacle d'émotions à faire dresser nos poils sur les bras et dans le dos, tout en faisant vibrer cette membrane émotive qui nous indique que nous vivons un moment très particulier. Très intense, ce titre jette par contre beaucoup d'ombre à AGE in Concert 2 qui pourtant est un bon rock électronique très Düsseldorf School, pour l'approche saccadée et motorique du séquenceur. Les percussions labourent tant que bien ce chemin de rythme électronique alors que le synthé, plus discret, plante ses riffs afin d'accentuer la férocité d'un mouvement électronique aussi froid que cette sensation qu'Emmanuel D'haeyere, Guy Vachaudez et Marc Vachaudez, aux percussions, étaient des Cyborgs. Ce premier album de AGE est un élément incontournable dans votre bibliothèque de musique, pour autant que vous aimez le rock cosmique des années 70-80. Le réentendre après près de 30 ans m'a procuré une énorme sensation de plaisir et ce goût de réentendre les vieux classiques de ces mêmes années. Une excellente initiative de Groove, qui élargit son catalogue avec des rééditions d'albums vinyles perdus dans le temps. Et je n'ai rien contre, car comme bien d'entre vous, j'ai découvert les délices de la MÉ sur le tard et qu'il manque encore bien des trésors dans ma discothèque! Et cette réédition de LANDSCAPES vient juste d'atterrir sur une de mes tablettes.
Sylvain Lupari (31/05/18) ****½*
Disponible chez Groove
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