“Voici une collection judicieuse de musique que Airsculpture a interprétée lors d'une autre tournée sur la côte est américaine en 2011”
1 Systole (19:12)
2 Boardwalking (13:46)
3 Ranger Station (11:08)
4 Necrophone (25:45)
5 Jersey Greys (10:40)
(CD/DDL 80:31)
(Berlin School, England School)
Des sifflements de stries allégoriques et des ondes de Mellotron aux soupirs très patibulaires ouvrent le cérémonial de Systole. L'intro est embuée de nébulosité avec des tonalités de vieil orgue et de leurs parfums analogues, nourrissant des lignes qui se meurent et qui renaissent de leurs derniers souffles. Le Mellotron lance des harmonies flûtées qui peinent à émerger de ce dense brouillard où les ombres des harmonies se désagrègent sur la naissance d'une ligne de rythme qui pulse paresseusement. L'ambiance est savoureusement noire. Des percussions claquent avec indiscipline autour des battements qui peu à peu dominent les ambiances avec une bonne vélocité. La trajectoire du rythme devient objet de désir pour les oreilles avec un mouvement biphasé qui répond aux échos de l'autre dans une parfaite désynchronisation. Et ce rythme se nourrit de ses ombres afin de forger une lourde et vive spirale qui court après son dernier battement, comme un chien fou après sa queue, dans les sillons de sa résonance sous un ciel immobilisé par une avalanche de lignes dont quelques-unes s'échappent afin de forger des harmonies spectrales. Systole donne le coup d'envoi à VANISHING POINT Vol.1; une collection de titres qu'Airsculpture a performé lors d'une tournée sur la Côte Est des États-Unis en 2011. Et le trio Anglais y a mis le paquet, tant au niveau des ambiances riches en brumes mellotron, qu'en rythmes riches de séquences désordonnées. L'univers d'AirSculpture est majoritairement basé sur des sessions d'improvisation. Au fil du temps, Adrian Beasley, John Christian et Peter Ruczynski ont su développer une fascinante complicité au travers de longs corridors soniques exploratoires où chacun fini par trouver le repaire de l'autre. Et à chaque fois la question demeure: Vont-ils encore surprendre? Charmer? Dans un style où tout a été entendu, le trio Anglais réussit toujours à se démarquer et séduire. Certes ça prend des oreilles qui cherchent plus qu'une esthétique plastifiée, car la musique de VANISHING POINT Vol.1 est en tout point conforme avec la signature d'AirScuplture qui n'a jamais fait dans la facilité et qui pourtant réussit toujours à estampiller nos oreilles de parfums que l'on recherche souvent ailleurs.
Boardwalking est un titre ambiant nourri des mêmes parfums qui encerclaient la naissance de Systole. Des parfums qui flotteront tout autour des ambiances, quasiment nocturnes, de VANISHING POINT Vol.1. Ici le rythme pulse de ses battements sourds sous de denses nappes de Mellotron. Si le mouvement est vif, il reste passif. Un peu comme un cœur qui bat vite dans un corps endormi mais galvanisé de rêves perturbants. Des percussions dansent tout autour, entremêlant leurs frappes dans des accords qui flânent pour se métamorphoser en éphémères scintillements, rappelant le lien qui existe entre la musique progressive anglaise et son école électronique. Des bruits et des gazes de machines cryogénique ouvrent le très ombrageux Ranger Station; un bon titre agrémenté d'une belle finale. Les larves de synthé coulent des cieux et flottent comme des spectres qui crissent dans un univers où les machines possèdent les âmes. Le décor est fabuleux et le rythme s'y installe aisément avec des séquences mouillées qui se dandinent sous les cliquetis incessants des élytres de métal. Le rythme cogne et résonne sur un linceul rempli de brindilles qui éclatent en de tonalités organiques. Je vous l'ai dit; le décor est incomparable. Des strates ululent comme des spectres maudits alors que la structure de rythme bondit continuellement dans un passage qui change constamment de tons. Le ciel sonique est continuellement cuivré de nappes de Mellotron et de strates qui par moments embrassent les arômes philarmoniques du Dream. Et le rythme devient plus vif. Plus rapide, il martèle une marche linéaire et on dirait que chaque coup fait lever sa nuée de strates et de nappes jusqu'à ce qu'il se flétrisse pour laisser flotter des savoureuses nappes de Mellotron remplies de charmes analogues.
Necrophone est la pièce de résistance de VANISHING POINT Vol.1. Son intro est tissé dans l’ambiguïté avec une ruade de séquences qui étouffe dans de lourdes nappes d'un Mellotron nourri à l'oxyde de carbone. Peu à peu le rythme se meurt, étalant ses pulsations de plus en plus sourdes pour laisser flotter des immenses larves soniques qui fleurissent comme les rayons de bleus qui maculent un ciel ténébreux avec de longs cris agonisants. Les nappes de Mellotron sont aussi enveloppantes que saisissantes. Les impulsions et les lents mouvements qu'elles projettent se déplacent comme une nuée de nuages qui enserrent nos sens. Des voix absentes fredonnent dans la richesse des nappes qui irradient de ses couleurs aussi contrastantes qu'un ciel qui se vire à l'envers. Et c'est dans cette enveloppe que la superbe structure de rythme éclot. Superbe est un superlatif bien mince! Dès que les dernières nappes ont fui, la horde de séquences naît à partir de touches qui scintillent de tonalités limpides. Certes des nappes de violon agacent le délicat mouvement, mais ce sont ses ombres qui se détachent, se multiplient et résonnent qui deviennent un véritable objet de convoitise pour mes oreilles. Le rythme est lourd, avec des ombres à la fois vives et lentes. Il irradie la pièce avec un effet d'écho et de résonances qui nourrit inlassablement cette horde de séquences et pulsations qui déborde continuellement de tonalités et d'axes directionnels connexes. Plus ça avance et plus le mouvement crache sa rage dans un pattern de rythme comme j'ai rarement entendu, tant l'intensité égale la créativité. C'est plus de 11 minutes incendiaires que nous offre Necrophone qui tranquillement se réfugie dans ces denses et étouffantes nappes d'une intro qui en aucun moment ne laissait présager une telle tempête. Après un tel acte les oreilles ont soif de tranquillité. Et c'est justement de quoi est fait Jersey Greys. Nappes de mellotron par-dessus nappes, lignes et chants de flûtes par-dessus des voix absentes dans une finale où les spectres des nuits de la Côte Est américaine semblent enfin avoir retrouvé le repos.
Magique et imposant, VANISHING POINT Vol.1 est du grand AirSculpture. Et le meilleur reste à venir, car la prestation au Gatherings, si enthousiastement rapportée sur les réseaux sociaux, est à l'agenda du volume 2. En attendant, VANISHING POINT Vol.1 possède tous les attributs pour plaire aux amateurs d'une MÉ qui refuse toutes les étiquettes. Du AirSculpture c'est du AirSculpture. Évidement qu'on peut entendre ici et là les parfums de ses influences, mais juste assez pour faire un clin d'oeil et jamais trop pour perdre son identité. Ouais...Du grand AirSculpture. Et Necrophone...Les qualificatifs me semblent trop pâles ici. Faut entendre!
Sylvain Lupari (3 Juin 2015) ****½*
Disponible au AirSculpture Bandcamp
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