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Writer's pictureSylvain Lupari

ALBA ECSTASY: Black Velvet (2022) (FR)

Je ne me lasse pas d'entendre la musique d'Alba Ecstasy. Nouvelle comme vieille!”

1 Black Velvet I 14:58

2 Black Velvet II 16:53

3 Black Velvet III 11:00

4 Black Velvet IV 7:55

(DDL 50:48)

(New Berlin School)

Un peu plus et j'allais oublié cet album! Même si BLACK VELVET est apparu deux mois après son décès, il est intimement lié à Klaus Schulze. Sauf que Alba Ecstasy ne voulait pas que cela devienne un album-hommage. Il ne voulait surtout pas que les opinions pensent qu'il tirait profit de la situation afin d'inciter les fans du maître Allemand à se procurer l'album. En contrepartie, il ne faut pas oublier que la musique du musicien-ingénieur Roumain est habitée par les influences de Schulze depuis le tout début de sa carrière. Certes que le titre de l'album peut faire référence à Velvet Voyage du sublime Mirage. Sauf qu'ici, le velours à la couleur du néant. Des abysses. BLACK VELVET n'est pas un album-hommage à Schulze, ni à Vangelis bien que des parfums de ce dernier soient omniprésents dans Black Velvet I. BLACK VELVET est le chagrin de Alba Ecstasy sur 4 longues structures minimalistes dont les sombres nappes sont le bourdonnement de sa peine. Il y a un côté sombre dans la musique avec des arrangements et des textures qui simulent une forme de vie après la mort. On sent qu'il y a une forme de lutte à cet effet, notamment dans l'ouverture de Black Velvet I.

C'est avec une nuée d'oscillations aux contours dessinés grossièrement de réverbérations que le titre attaque nos oreilles. Des effets de synthé, nés dans les visions psychédéliques des années Blackdance de Klaus Schulze, amplifient cette ouverture dont le thème sonore peut aussi bien rappeler la période Albedo 0.39 et Spiral de Vangelis. Des ombres sombres et des ondes de synthé qui s'émiettent sont des éléments adjacents qui, avec l'ajout d’une nappe de voix absentes, donnent une vision dramatique aux premières minutes de ce titre évolutif. Ces voix finissent par diminuer la force sonore du rythme oscillatoire des boucles, conduisant Black Velvet I vers sa première phase de mutation. Une phase atmosphérique où les effets vintage du synthé deviennent des flèches sonores dont les formes en arche s'évaporent dans des orchestrations cosmiques, laissant loin derrière cette empreinte de l'ouverture qui épuise de plus en plus sa portée rythmique devenue lointaine à l'oreille. Mais elle résiste toujours à la nouvelle orientation du titre. Les lamentations de synthé ici, autour de la 8ième minute, ne peuvent trahir la dimension que Vangelis occupe dans ce titre. Un lointain tintement argenté émerge une 50taine de secondes plus loin. Son apparition sonne le glas au rythme fantôme qui occupait plus ou moins les 9 premières minutes du titre. Il se subdivise en deux lignes distinctes dont les tracés s'entrecroisent et zigzaguent, sur une distance de plus ou moins trois minutes, sous un concerto pour voix astrales qui conduira Black Velvet I vers sa finale.

Des nappes d'orgue sont à l'origine du rythme pulsatoire, dominé par un ion sauteur qui saute en effectuant des zigzags aléatoires, de Black Velvet II. Il y a un délicieux effet caoutchouteux dans ce mouvement qui revient sur ses traces d'origine sous un ciel sonore qui se remplit d'ombres bourdonnantes. Ce plus long titre de BLACK VELVET est moulé dans les influences de Schulze, on peut en dire autant d'ailleurs de Black Velvet III. Mais ce n'est pas une nouveauté chez AE puisque ce modèle de rythme ambiant spasmodique nourrit son répertoire depuis des années. Ça reste que c'est toujours séduisant pour les oreilles friandes de ce style, surtout que Mihail-Adrian est devenu un maître dans l'art d'exploiter ces rythmes minimalistes. Il insère des percussions sur les derniers effets boomerang du rythme, quelques 30 secondes après la 6ième minute. Le séquenceur roule toujours plus vite que les percussions, restructurant le rythme saccadé en un effet de transe modérée sous un ciel qui se remplit maintenant de woosshh et de wiisshh. Il y a quelque chose de résolument plus magnétisant dans le panorama de Black Velvet III. Structuré sur un armada d'accords de clavier/synthé aux tonalités dominées par des effets de gazouillis et aux effets aussi bigarrés que séduisants, son rythme sautille comme s'il était propulsé par des ressorts qui sont ajustés sur différents niveaux de tension. Des arpèges ayant une tonalité acoustique orientale s'ajoutent pour devenir une belle ligne de mélodie rythmique qui ondule en mode ascensionnel sur cette structure minimaliste. La nature élastique des bonds lui donne un effet sautillant qui est finement stroboscopique, tandis que la ligne de basse structure une apparence furtive que des percussions manuelles amènent à un beau niveau de transe méditative. Black Velvet IV termine ce très bel album avec une ligne d'ions sauteurs qui roule en boucles. Son approche de Berlin School ascensionnelle est délicieusement chancelante et est traversée par une autre ligne d'arpèges dont l'évasive mélodie se perd sous une nuée de solos artistiques. Leurs timbres sombres et sobres laissent deviner toute la peine de Mihail-Adrian Simion dont l'inspiration est tout simplement divinatoire ici.

Alba Ecstasy a longuement hésité avant de rendre ce BLACK VELVET disponible au grand public. Je comprenais l'objet de sa réticence, mais en même temps je me disais qu'il était injuste que seulement mes oreilles puissent entendre Black Velvet II! Son hommage à Klaus Schulze s'entend depuis des années dans sa musique et son influence est nettement sentie dans l'évolution de sa carrière. Même si la présence de Schulze, toutes époques confondues, étend son emprise sur cet album-téléchargement, ce ne sera pas la première fois qu'elle domine l'éthique musicale du musicien Roumain. Et je suis convaincu que ça ne sera pas la dernière fois! Au final, ce BLACK VELVET est un autre très bel album qui ne fait que confirmer que AE domine un style vieux de 50 ans et qu'il sait aussi le faire évoluer dans les paramètres que les nouveaux instruments et techniques d'enregistrements rendent toujours évolutifs, toujours d'actualité. Autrement dit; on ne s'en lasse jamais!

Sylvain Lupari (09/07/22) ****½*

Disponible au Alba Ecstasy Bandcamp

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