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Writer's pictureSylvain Lupari

ALIEN NATURE & HAJO LIESE: Authentics (2013) (FR)

“Alors que nous nous attendons une ode flottante avec des ombres morphiques, Authentics nous saute à la figure avec ses formes rythmiques inextricables”

1 Part I 11:56 2 Part II 8:08 3 Part III 27:32 4 Part IV 6:42 5 Part V 10:20 6 Part VI 8:53 SynGate/Luna | CD-r ANHJ 01

(CD-r 73:31) (Experimental Berlin School)

Voyage sonore au bout de l'insondable et incursion dans les sphères les plus abstraites des rythmes expérimentaux, AUTHENTICS est tout sauf banal. Créchant dans le sein de la nouvelle entité ambiosphérique et expérimentale du label Allemand SynGate/Luna, cette première collaboration entre Wolfgang Barkowski (Alien Nature) et Hajo Liese (il a déjà collaboré sur le projet El-Ka avec Till Kooper) offre 6 mouvements de séquences qui explosent de rythmes anfractueux dans des atmosphères scindés dans la beauté perdue des années analogues de Klaus Schulze et de Tangerine Dream. Des rythmes pour un label qui cible les œuvres ambiantes! C'est justement la très grande beauté de AUTHENTICS; l'inattendu, l'imprévisible.

Mouvement de masse de particules sonores irisées se déplaçant dans des vents occultes mugissants de gongs chamaniques où les voix se lamentent dans l'abandon, Part I chatouille nous oreilles avec une flûte perdue dans des résonances caustiques et des battements de tambour nomades. Un cercle d'accords tintant s'arrime à ces pulsations qui subtilement changent la mesure de la cadence en l’accélérant dans le sillage des cliquetis des cymbales mnémoniques. Tournoyant dans des vents creux et mélodieux, ces accords fascinent et façonnent une mélodie porteuse de vers d'oreille qui change de ton tout en suivant l'évolution d'un rythme devenu plus insistant même si toujours légèrement chaotique. Un rythme qui peu à peu s'évanouit pour se taire dans d'intenses couches d'un synthé aux arômes d'un orgue noir qui crache ses brumes suspicieuses. Les restes d'une mélodie sombre suivent les voix nuancées et le rythme furtif de Part II qui emprunte la même romance entre le rythme et les atmosphères glauques, mais avec une approche plus Teutonique. Ce rythme sautille sur une ligne de basse aux implosions organiques et s'accouple aux élytres des cymbales pour suivre une tangente plus féroce avec l'arrivée de séquences qui dansotent dans un désordre harmonieux, dessinant une séduisante et tranquille approche minimaliste unique aux mouvements de la Berlin School. Et Part II se dépèce peu à peu de ses harmonies et de son rythme résonnant pour finir comme un squelette désossé dans les noires atmosphères de Part III où seuls des accords pulsatoires errent dans des vents froids. Ces accords suivent un pattern rythmique flou, qui ressemble à la partie précédente, et se greffent à une lente ascension ambiosphérique où pulsations sourdes et accords résonnants dansent dans un néant aromatisé de vapeurs d'iode, de couches de synthé mortuaires et de pulsations gazeuses. Et peu à peu, Part III s'enfonce dans le silence des atomes disloqués où règnent les grands vents du vide. Même dans la quiétude du froid interstellaire, nos sens sont constamment sous le charme d'un mouvement d'hypnose cérébral qui suit toujours sa quête du magnétisme auditif. Tranquillement la vie reprend forme sur Part III avec ces séquences qui sautillent dans une mare d'azote, pavant la voie à un rythme égaré qui revient à ses racines accompagné par une étrange faune organique et des couches de synthé aussi nasillardes que fantomatiques. Et ainsi se déroule AUTHENTICS. Part IV met en scène cette procession de séquences qui forgent des rythmes évolutifs dont la course zigzaguée évolue dans un pattern toujours minimaliste où les brumes cristallines et les souffles flûtés font contrepoids à ces explosions de tonnerres qui secouent un rythme devenu plus désarticulé. Part V évolue dans un même concept mais avec un parfum très prononcé pour les influences du Dream de l'ère Baumann, alors que Part VI conclût avec une phase rythmique plus agressive. Nappé de belles couches de synthé qui rappellent les formes sonores expérimentales du Farfisa de Klaus Schulze, le rythme est furieusement libéré par un séquenceur qui fait sautiller ses ions sur place. D'autres séquences ajoutent au panorama schizophrénique d'un rythme aux permutations endiablées dont les chevauchements et entrecroisement sont de la haute voltige rythmique qui défile dans nos oreilles avec la lourdeur de son mouvement que des nappes aux tonalités de vieil orgue maîtrisent dans leurs habitats irréels.

AUTHENTICS du duo Alien Nature et Hajo Liese est une très belle surprise. Alors que l'on s'attend à une ode planante aux ombres morphiques, la musique nous pète dans la face avec ses inextricables formes rythmiques. Des rythmes aux incessantes évolutions avec de formes aussi pluralistes que les insondables possibilités des séquenceurs et de leurs ions forgeurs d'invraisemblance. Du minimaliste Teutonique à une mosaïque de rythmes polyvalents, AUTHENTICS étale sa richesse dans une ambiance surréaliste où une faune organicosmique et ses couches de synthé aux sonorités sulfurisées envahissent un envoûtement qui croît à chaque nouvelle orientation des rythmes et à chaque souffle de synthé aux arômes des années analogues. Un très bel album et une agréable surprise.

Sylvain Lupari (23/05/13) ***½**

Disponible au SynGate Bandcamp

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