“Who Goes There? est un album extrêmement puissant où toutes les couleurs tonales des équipements numériques sont exploitées au maximum”
1 Mind Bridge 15:52 2 Pattern of Chaos 11:10 3 Tomorrows Children 10:23 4 The Radiant Dome 18:08 5 Galactic Corridors 12:11 6 Torrent of Faces 9:10 SynGate | CD-R AN06
(CD-R 77:05) (Sequencer-based Berlin School)
Pour ce sixième album, Alien Nature brode des thématiques de guerres spatiales dans un époustouflant canevas musical. Inspiré par 6 nouvelles et/ou romans de science-fiction, WHO GOES THERE? déchire nos oreilles et fait suinter nos murs avec des rythmes fougueux qui martèlent des scénarios musicaux de duels intergalactiques. Robots, extra-terrestres et créatures cybernétiques ornent les ambiances d'un cosmos imbibé d'atmosphères iodés où Wolfgang Barkowski livre un furieux combat à la sérénité et ses pièges morphiques.
C'est dans des halètements qui dégagent un sentiment de frayeur ou d'extase que les premières lignes de synthé flottent au-dessus de Mind Bridge. Ambiosphérique et musicale, malgré les chuchotements de paranoïa, cette intro dégage un doux parfum d'abandon avec ces lignes de synthé dont les charmes langoureux s'amplifient avec les fines pulsations d'une ligne de basse suggestive. Les cliquetis de cymbales qui bataillent sur ce champ de désir allument des percussions qui frappent un doux tempo aux allures de groove cosmique. Le rythme est finement saccadé, voire un peu jazzé, avec de très bonnes percussions. Il hoquète avec sérénité sous les chants des beaux solos de synthé, amenant Mind Bridge vers une période de transition où tintent des accords aux souffles de verre contractés dont les gargouillis imagent un dialogue de robots dans une ambiance séraphique. On sent nettement une tendance plus dramatique qui se dessine tout au long de la progression de Mind Bridge qui se termine dans une finale anarchique avec les grosses ondes orageuses et nasillardes d'un synthé menaçant. Un subtil chaos se terre derrière la pluie des vents acides qui sifflent sur le dos des ondes filantes. S'extirpant de ces ambiances de dévastation, Pattern of Chaos, qui reflète l'esprit d'une bataille spatiale, allume notre intérêt avec une suite de séquences qui se faufilent derrière les éclats d'obus cosmiques et des cognements sourds pour gigoter en tandem avec des pulsations et des riffs organiques. Le rythme devient alors violent. Comme une intense chevauchée dans les méandres du cosmos, il court à vive haleine avec de puissantes percussions et des séquences chevrotantes, dont les trémolos dessinent des riffs de guitares, alliant ainsi une vélocité qui aliment constamment la force et l'agressivité des vifs solos d'un synthé qui est le clairon de la cavalerie. Après cette violence de rythmes, Tomorrows Children atterrit dans nos oreilles avec douceur. À tout le moins pour sa 1ière partie qui est un délicieux down-tempo tournoyant lascivement entre les soporifiques lignes de synthé et des pulsations aux lourds gargouillis organiques. Le synthé lance de suaves solos qui flottent dans une atmosphère d'abandon alors que tranquillement le rythme bouffe les ambiances avec une latente progression pour finalement épouser une structure aussi nerveuse, mais plus poétique, que Mind Bridge.
Plus long titre de WHO GOES THERE?, The Radiant Dome est aussi celui qui a le plus de difficulté à décoller. Mais quand ça part, attacher votre tuque avec de la broche. Son intro est lente et embrassé d'une tempête cosmique bourrée de souffles creux et de grésillements acides qui sont les témoins des étranges symphonies de cliquetis organiques. Un cocktail soporifique qui peu à peu s'emplit de lourds drones aux torsades douteuses pour faire le lien entre l'abstrait et le lourd rythme concret qui fustige les cendres de cette intro. Et le rythme est pesant. S'appropriant toutes les tonalités et séquences qui peuvent onduler avec fureur, il est lourdement tabassé par des percussions dont les frappes débridées tempêtent dans une faune organique et ses pulsations qui vomissent des refrains partagés avec des solos aux boucles hypnotiques. Et ce rythme s'arrête brusquement après une course folle de 4 minutes pour embrasser une phase plus atmosphérique. Les croassements des pulsations organiques qui tapissent les hymnes et ambiances de WHO GOES THERE? moulent une étrange approche funky où les synthés sont suaves. Ils dessinent des solos nasillards et des ambiances morphiques, accompagnés d'une guitare acoustique dont les harmonies et riffs errent dans ce magma d'antibiotiques pour aliens dépressifs, alors qu'insidieusement le rythme fiévreux qui nous avait abandonné refait surface, grugeant une finale qui s'éteint dans un concert de bruits blancs. Cette tranquillité cosmique se dirige vers l'intro de Galactic Corridors et de ses doux vents musicaux qui étendent leurs sérénités sur un doux rythme organique. On croirait entendre les vaisseaux orchestraux de Tomita sur cette intro dont les charmes des solos de synthé camouflent ces frappes de percussions manuelles qui aliment de plus en plus le doux rythme tribal-cosmique de Galactic Corridors qui embrasse sa période transitoire avec de langoureux solos plaintifs avant de trébucher sur un rythme plus nerveux. Un rythme un brin funky dont les contours saccadés tracent un arc stroboscopique, le confinant à un rythme piégé dans son axe circulaire. Là où trônent les brumes de Vénus et les chants nasillards d'un synthé et de son enivrant parfum d'orgue. Torrent of Faces reprend la chevauchée rythmique de The Radiant Dome. Sauf que cette fois-ci, la course gruge les 9 minutes. C'est un titre puissant qui nous fait taper du pied et courir du cou où les solos de synthé tournoient sans cesse sur cette structure dont on ne sait si ce sont les riffs et séquences chevrotantes ou les percussions déchaînées qui aliment un tempo d'un marathonien courant à haute vitesse et qui, au final, court après un souffle perdu dans un enchevêtrement rythmique que seul une MÉ bien calibrée peut forger.
Ouf! Faut que je m'excuse auprès de mes voisins! WHO GOES THERE? ne fait pas dans la dentelle. C'est un album extrêmement puissant où toutes les couleurs musicales des équipements numériques sont exploitées dans un feu d'artifice de rythmes explosifs qui broient des ambiances et des approches mélodiques finement détaillées. C'est un album de MÉ progressive qui n'a rien à envier aux œuvres avant-gardistes de King Crimson, ou encore Van Der Graaf Generator, tellement c'est hyper lourd et hautement débridé. À écouter les oreilles aussi grandes que notre ouverture d'esprit. Puissant, entraînant et pesant!
Sylvain Lupari (23/03/13) *****
Disponible au SynGate Bandcamp
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