“Boards of Stringana prouve encore que Alluste (Piero Monachello) possède un sens inné du rythme et de la mélodie”
1 Boards of Stringana 6:27
2 Elektro Scape 7:44
3 Diamonds in the Sky 5:30
4 Lost in the Tunnel 6:22
5 Quantum Reality 8:20
6 Pulse my Head 8:08
7 Wavetable Dreams 10:14
8 It will not be the Same as Before 8:21
Alluste Music (DDL 61:08)
(Sequencer-based New Berlin School)
Je sais que ça peut surprendre les néophytes, mais la MÉ gagne de plus en plus d'adeptes et parmi ceux-ci nous retrouvons des artistes de salon qui composent et produisent leur musique à partir de logiciels de synthés et de synthés séquenceurs virtuels. Alluste est sans doute la plus belle réussite dans cet univers parallèle où des créateurs boudés par les grands labels s'isolent dans leurs fantasmes, tissant un univers de fantaisie aux bouts de leurs doigts. Pour Alluste, l'aventure dure depuis près de 8 ans. Année après année, même que deux fois l'an passé, le synthésiste Italien offre le fruit de ses réflexions numériques en format téléchargeable via son compte Bandcamp. Et chacun de ses albums enracinent cette perception que nous avons sous les oreilles un étonnant compositeur qui a un sens inné de la mélodie et du rythme. BOARDS OF STRINGANA offre 8 titres qui sont dans la lignée de Euphemisms & Aphorisms, mais avec une approche plus noire où des ambiances de psybient cernent des schémas rythmiques et harmoniques qui peinent à rester de marbre.
Comme tout bon album de MÉ, des vents noirs soufflent et murmurent sur l'intro désertique de la pièce-titre. Un préambule obligatoire pour réveiller les premiers accords d'un séquenceur lourd qui fait vaciller son axe harmonique avec force dans pattern rythmique aussi pesant que zigzagant. Un doux filet d'un synthé harmonique étend une mélodie spectrale qui flotte comme de l'encens numérique sur un rythme qui emmagasine une autre ligne de séquences dont le mouvement circulaire est noyé par l'arrivée des riffs de clavier résonnants. Lourd et ondulatoire, le rythme de Boards of Stringana offre deux thématiques contradictoires avec une ligne finement hachurée qui côtoie un mouvement furtif où chaque pas semble précaire, épousant ainsi une approche mélodieuse dont les reflets évasifs en sont le miroir alors que les ambiances restent toujours d'une nébulosité astrale. Ces structures et ces mouvements de séquences en perpétuels mouvements sont la force de ce dernier opus du synthésiste Italien. Si la pièce-titre segmente son rythme, tel les serpents de la tête de Méduse, en d'autres segments rythmiques, il en va de même pour des titres comme Lost in the Tunnel et son approche de rodéo impétueux qui s'éclate dans un puissant maelström de séquences ainsi que les très sombre Wavetable Dreams qui charme avec ses harmonies arabiques. Après une tempête des vents creux, Elektro Scape cambre sur un rythme désarticulé avec des séquences aux vives oscillations. Axé sur cette structure rythmique, le titre est surplombé d'une délicate ligne de synthé aux harmonies brouillonnes alors que des percussions électroniques découpent un rythme plus sec, plus nerveux qui effleure les démarches robotiques de Kraftwerk. Une autre tempête, cette fois-ci de gargouillements et de tonnerres mystiques tonnant dans un univers psybient, introduit une deuxième partie plus enjouée et nettement plus harmonieuse avec des synthés qui chantent des hymnes électroniques accrocheurs.
Les ambiances psybient ajoutent une profondeur de nébulosité inaccoutumée sur ce dernier opus du synthésiste Italien. Sur Diamonds in the Sky elles recouvrent une délicate ballade électronique qui épouse la lascive ondulation d'une ligne de basse dont les accords sont tambourinés dans les scintillements d'une ligne de séquence et de ses ions sautant dans le cercle de leurs échos. De nerveux cliquetis accompagnent cette procession onirique qui se vêt d’un nuage de brume mellotronnée et de menaçantes réverbérations noires, alors que les séquences subdivisent leurs ombres en sautillant frénétiquement dans les ombrages de leurs cercles. Quantum Reality offre une lourde intro maquillée d'une sombre ambiance de désespoir où soufflent les anges noirs sur des mouvements embryonnaires. La structure rythmique perce ces intenses vents après plus de deux minutes de tempête cosmique, offrant un rythme qui gambade de ses pulsations de basse et de ses séquences scintillantes pour se scléroser dans une approche minimaliste qui étouffe sous ces vents et brumes d'Orion et ces souffles perdus de synthé aux solos brefs et harmoniques. Nourrie d'accords impulsifs sautillant sur place, Pulse my Head offre une chevauchée rythmique sous un ciel occis de nuages réverbérants. Les séquences sont à la fois sombres et limpides. Ils sautillent et sautent côte à côte, respectant leurs formes et couleurs dans un décor électronique plus que sombre. It will not be the Same as Before termine BOARDS OF STRINGANA avec une belle ballade lunaire. Le rythme palpite avec une douceur poétique de ses séquences et percussions qui déboulent tel un tapis rythmique sous les harmonies d'un synthé, nettement plus visible ici qu’ailleurs sur ce dernier album d'Alluste, dont les solos rêveurs nous conduisent au dernier souffle noir de cet album.
Œuvrant à l’intérieur de ses paramètres rythmiques aux structures très similaires, BOARDS OF STRINGANA devient un intense monument de mouvements hypnotiques forgés dans des séquences qui divisent ses rythmes et dessinent ses harmonies dans un canevas musical beaucoup plus sombre de ce que Alluste a l'habitude d'offrir. Il y manque un peu de synthé, mais en revanche les séquences sont juteuses.
Sylvain Lupari (11/04/13) ***¼**
Disponible au Alluste Bandcamp
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