“L'œuvre ultime de Alpha Lyra”
1 Leaving to Dream 15:38
2 A Beautiful Escape 18:01
3 Draw me a Cloud... (in the shadow of the sun) 13:42
4 Sailing Over the Sea 18:21
(CD/DDL 65:43)
(Berlin School Ambient)
Oh que j'écoute de la très belle musique dernièrement. Je diminue le nombre de mes chroniques et je choisis donc des albums qui méritent qu'on en parle. Comme celui-ci! Voici le tout dernier album de Alpha Lyra. Et ça en est tout un! S'inspirant d'un voyage en avion au-dessus de l'océan Atlantique, Christian Piednoir met brillamment en musique les paysages aériens de son vol vers l'Angleterre. Des bancs de nuages à n'en plus finir aux éclaircies proposés par le soleil, le musicien-synthésiste Français compose une musique où nos sens se connectent aisément à ses visions. Nous flottons au-dessus de ces nuages dans des ambiances qui ne sont pas sans rappeler l'univers de Klaus Schulze. Nos oreilles voient les éclaircies comme les danses sédentaires des cumulus qui se remplissent d'opacité. Contrairement à ce qu'un titre comme SAILING OVER THE SEA peut laisser penser, la musique proposée sur ce 11ième album d'Alpha Lyra surfe sur celle de l'excellent Full Colours, un album paru il y a 2 ans, mais avec une fascinante dimension qui se colle à la réalité de voir le ciel et son décor ouaté du haut des airs. Bref, un superbe album qui débute lentement, comme lorsqu'un avion s'installe dans les cieux.
Leaving to Dream débute ce voyage en musique avec une onde réverbérante où ronronnent d'autres nappes de synthé aux torsades quasiment lyriques. Le synthé domine cette ouverture purement atmosphérique avec de belles orchestrations lunaires et des bancs de brume aussi dense que ces cumulus qui accumulent de la masse en transitant sur différents niveaux aériens. On entend des filaments plus translucides, un peu comme si l'oreille entendait des éclaircies, et des filets de voix discrets dans ce mélange de réverbérations et de pureté céleste. Des palpitations grouillent secrètement tout au fond de ce décor tonal. Elles bondissent de plus en plus, étalant leurs couleurs et monnayant leur emprise sur ces bancs d'orchestrations brumeuses où filtrent toujours des nappes de voix et ces raies translucides ainsi que des solos qui apparaissent timidement à mesure que le titre progresse. Le rythme est ambiant, peu importe si il coule par saccades, et dansotte légèrement, effectuant de courtes spirales qui virevoltent à l'envers dans ce décor où on flotte et dérive comme si nous étions dans un flotteur. A Beautiful Escape sort du silence avec de gracieuses ondes de synthé bourdonnantes qui se disputent l'obscurité et son contraire. Des woosshh dérivent jusqu'à ce qu'une tonalité mélangeant flûte et voix émerge autour de la 3ième minute. C'est le signal pour le séquenceur qui délie une ligne de rythme ascensionnelle. Le pas feutrés des séquences est léger et arpentent une structure en colimaçon qui nous ramène à la période Body Love de Schulze. Le rythme est balayé par des woosshh puissant, lui donnant cette progression rapide où se greffent aussi des accords miroitants qui tintent en symbiose avec l'ascension rythmique de A Beautiful Escape. Hormis les différents effets de brume et de vents, le synthé lance de très beaux solos qui sifflent et chantent tout au long des 6 minutes que dure cette première phase de rythme. Un nuage de bourdonnements, un peu comme si l'avion ronflait en hauteur dans la nuit, éteint ce rythme qui renait avec discrétion vers la 9ième minute. Sa tonalité est différente et son mouvement spiralé aussi, faisant entendre une belle modulation dans son axe circulaire où son effet miroir est plus enveloppant, plus scintillant. Les solos de synthé y sont aussi très beaux et l'acuité plus poignante.
Draw me a Cloud... (in the shadow of the sun) met en lumière des belles harmonies du synthétiseur avec des solos saisissants qui s'entrelacent au-dessus d'un lac imaginaire faisant miroiter ses arpèges limpides. Les percussions dansent et tintent entre nos oreilles une 20taine de secondes après la 2ième minute. Bien que le rythme soit entraînant pour les neurones, il demeure un accessoire pour le synthé qui tisse ces énormes nuages sédentaires et pour le clavier qui fait tinter une mélodie aussi évasive qu'évanescente. Des voix se terrent dans ces nuages et font entendre régulièrement leurs fredonnements, donnant une texture de brume ténébreuse aux ambiances du plus court titre de SAILING OVER THE SEA. Tranquillement, les percussions prennent l'ascendant sur les destinées de Draw me a Cloud... (in the shadow of the sun). Inspiré par les talents de percussionniste de Schulze, Alpha Lyra tambourine un rythme circulaire qui impose sa présence jusqu'à ce que le séquenceur fasse entendre le miroitement de ses séquences virevoltantes. Une seconde ligne du séquenceur, les accords sont plus dans un timbre bas, s'invitent, créant une spirale plus tangible qui tournoie dans une splendide structure de rythme céleste ambiant. La texture des tam-tams tribaux réapparait vers la 8ième minute, donnant momentanément plus de tonus au rythme qui s'évaporera complètement dans sa finale aérienne que le titre embrasse autour de la 11ième minute. Lorsque je mentionnais avoir l'impression d'être dans un planeur, c'est un peu cette état de grâce que procure l'ouverture de la pièce-titre. Une belle introduction de 6 minutes avant que le séquenceur fasse alterner le miroitement de ses séquences dans une structure de rythme finement circulaire. Les nappes de brume continuent d'exploiter le visage atmosphérique du titre avec leurs poussées élégiaques qui fredonnent autant que chantent la musique avec des moments qui remplissent notre âme de frissons. Le rythme! Il reste de nature ambiante avec un second mouvement du séquenceur qui tisse une ombre dormante avant de s'évaporer dans ces nuages musicaux dessinés par la magie du synthé et du mellotron. Il revient sous une autre forme vers la 10ième minute pour s'évaporer à nouveau et revenir encore. Bref, le séquenceur reste actif, créant des liens rythmiques qui vont et viennent dans des apparences somme toutes ambiantes et des teintes nuancées pour une finale aussi céleste que sibylline. Un peu comme si nous volions bien plus haut que les nuages.
Avec sa tonalité analogue qui flirte avec les textures plus contemporaines et avec une essence musicale qui transcende légèrement la poésie de Full Colours, SAILING OVER THE SEA est l'œuvre ultime de Alpha Lyra. Je l'ai saisi dès la 1ière écoute! La dimension musicale de l'album nous envahit dès que les premiers souffles de Leaving to Dream s'empare de notre attention. Le reste est magique! De titre en titre, les onomatopées de stupéfaction, de contemplation se joignent à la musique pour un délicieux 66 minutes de pur bonheur auditif. De la très belle musique qui allie les ambiances méditatives modernes à des rythmes qui nous rappelle combien Schulze était en avant de son temps.
Sylvain Lupari (31/07/23) *****
Disponible chez Alpha Lyra Music
(NB: Les textes en bleu sont des liens sur lesquels vous pouvez cliquer)
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