“Complexe? Certes mais on découvre ses charmes écoute après écoute. Un signe indéniable de son immense profondeur”
Cold I to Cold XIII 67:33
(CD 67:33) (V.F.)
(Abstract, Ambient)
Aquavoice est le projet musical du synthésiste Tadeusz Luczejko qui a trouvé sa niche au sein du label Generator.pl, un intéressant label polonais de MÉ qui regorge d'artistes très intéressants. Septième album du musicien polonais, COLD est une déconcertante symphonie ambiante dont le syncrétisme des tonalités ajoute une dimension surréelle à un collage sonore issu de toutes les possibilités des équipements et surtout de l'imagination de Luczejko. Complexe, COLD est un étonnant voyage de musique électronique (MÉ) abstraite dans un univers musical aussi ambiant qu'une tempête de vent sur une plaine cristalline.
Cold I à Cold III ouvrent cette œuvre pour le moins anarchique avec des sonorités éclectiques qui abondent entre des nappes soyeuses et ondoyantes. Elles ululent et s'entrecroisent telles des masses spectrales parmi de fine gouttelettes qui ruissèlent sur les parois d'une grotte sans sol. Déjà le contraste des lieux et le paradoxe des sens sont mutuels. Le mouvement est superbement tendre et l'ambiance est délicieusement reposante alors que des pulsations aux résonnances nasillardes martèlent une étrange procession des sons qui dérivent vers le néant de Cold II. Un néant aromatisé de nappes immobiles qui sont assaillies par de légers riffs d'une guitare discrète et des serpentins organiques qui dénouent leurs sonorités dans un univers sonore à la croisée de Brian Eno, Robert Fripp, Markus Reuter et certains avanceront même le nom de Harold Budd que je ne connais malheureusement pas. COLD appartient autant à l'imagination de l'auditeur qu'à conception de son créateur. Prenez exemple sur Cold III où on entend égrainer du bois dans une forêt Kitaro, alors que des nappes de guitares circulent en boucles entre des sporadiques accords minimalismes de claviers, reléguant aux oubliettes un étrange murmure d'une voix féminine à peine compréhensible. Cold IV est tout simplement envoûtant avec ses accords de clavier pianoter à la dérive et qui reviennent en boucle sur une fine ligne de basse et un xylophone en verre dont les notes frétillent comme les élytres d'un grillon métallique. Le tout crée une étonnante pulsation sensuelle même si totalement abstraite. L'intro de Cold V pourrait sortir tout droit des rituels d'un exorcisme de Martien qu'on en serait pas surpris. Des stries métalliques déchirent la quiétude d'un ronronnement industriel alors qu'une voix hurle un dialecte inconnu. Cette phase devient source de tapage infernal qui s'assouvit graduellement vers la 3ième minute, laissant planer échappant une rare tranquillité qui se berce à l'ombre tour de cristal. Cold VI enchaîne sur cette douceur éthérée avec de fines nappes d'un synthé solitaire. Elles errent parmi de belles et soyeuses lignes flottantes et flûtées, ramenant COLD dans le giron d'une œuvre plus accessible. Cold VII offre une approche morose où une voix d'homme marmonne en Polonais sur une lente structure triste et mélancolique.
Un peu à la Vangelis sur Blade Runner, Aquavoice aime laisser ses notes sombrer dans le néant. Des notes qui flottent et errent pour se mouler aux formes et fantaisies du musicien polonais. Avec ses élans d'orgue qui bordent des vagues chimériques, Cold VIII est le plus animé des titres de cet album. Une belle pièce où les sonorités scintillent sur le dessus des mers lunaires. Des sons tressés par un synthé aux ondes flâneuses et aux solos torsadés qui défilent dans un bal de sonorités bariolées s'entrechoquant dans une ouate forgée de l'acier. Un des bons titres dans cet album. Une douce et discrète incantation accompagne un synthé dont les ondes et les stries spectrales errent sinueusement parmi des notes d'une guitare à la tonalité japonaise, Cold IX est tout aussi intrigant que Cold X. La musique emprunte un sentier troublant et angoissant avec des bruits furtifs, des faibles ululements et des grincements de portes dans une étrange nébuleuse cosmique. Un titre qui noue la gorge, tout comme l'intrigant Cold XIII. Avec ses bruits de fond incongru et ses cercles résonnants flottant autour d'accords minimalistes, Cold XI nage dans une belle et chaleureuse nappe de basse. Point de rythmes, ni même l'ombre d'un battement tant tout est en suspension comme sur Cold XII dont la limpidité s'appuie sur de belles boucles morphiques qui ondulent dans cette aura psychédélico-électronique qui entoure COLD depuis ses premiers accords. Et cette vision se conclut avec un Cold XIII et sa lourde structure éthérée dont les souffles poussent notre imagination aux portes des ténèbres qui sévissent bien au-delà de nos frontières.
Cette 1ière expérience avec Aquavoice m'a laissé aussi perplexe qu'elle m'a aussi charmée par moments. COLD est un album difficile à apprivoiser, car nous sommes constamment immergés par cette sonate pour bruits de fond qui se ressource dans une constante quête pour harmonies désarticulée. Il y a de bons moments. Des moments forts et troublants, je pense notamment à Cold IV, VI, VIII et XIII qui font qu'on cherche à en découvrir toujours un peu plus à chaque écoute. Un signe indéniable de son immense profondeur
Sylvain Lupari (29/08/10) *****
Disponible chez Generator.pl
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