“C'est 60 minutes intenses où la magie et la musique communient dans la plus belle tradition de la Berlin School des années vintage”
1 Darkened Mirrors 21:06
2 House on the Barren Hill 5:26
3 Sunrise 1877 6:58
4 The Portrait 9:14
5 A Tale of Unease 8:28
6 Stone Tapes 6:30
(DDL 57:43)
(Berlin School)
Vous y croyez? À ces couloirs, ces brèches dans le temps qui s'ouvrent dans le moment présent et débouchent dans un univers parallèle? Mythe, légende ou artéfact scientifique? Toujours est-il que dans les années 70, une porte s'est ouverte et un artiste s'y est perdu. Sa musique, très d'actualité, charme des nomades qui traversent des comtés mirifiques et, de temps en temps, on peut en entendre des bribes si on colle nos oreilles attentivement aux portes de nos rêves. Un brillant scénariste des sons fait parti des rares élus qui y ont accès. Et dans les recoins de ses studios il mastérise ces œuvres afin de rappeler aux nostalgique que le temps n'a pas d'emprise sur l'art. Arcane est un des nombreux projets du mythique Paul Lawler; un musicien de MÉ chevronné qui est doté d'un incroyable sens pour les histoires, les mythes et les mystères et qui est fortement inspiré par Tangerine Dream des années Encore et par la musique d'Edgar Froese au sommet de sa créativité. Oh… que je vous vois froncer les sourcils et vous entend soupirer; Encore un prétendant au trône laissé vacant par Baumann, Franke et Froese! Encore un artiste qui vit dans le passé et qui nous refile du réchauffé! Non! Pas du tout. L'originalité du projet Arcane est que l'on a la véritable impression qu'il est cet artiste perdu entre ces univers parallèles, là où la créativité n'a pas d'époque. A TALE OF UNEASE est déjà le 7ième album d'Arcane. Et, comme vous allez l'entendre, c'est un album sorti tout droit d'une période où la MÉ vintage avait encore tant à offrir.
Darkened Mirrors nous ramène tout de go dans le temps avec un titre épique aux arômes psychédélicosmiques des années vintages. L'intro est d’atmosphère avec des carillons et des clochettes qui sonnent et tintent dans des remous électroniques, dans des vents sifflants aux tonalités disparates et des lourdes réverbérations qui laissent des empreintes sonores tonitruantes embrasant la faune industrielle et électro-organique qui rampe dans la lente intro agonisante de Darkened Mirrors. Une première ligne de flûte s'élève au dessus de ce tintamarre un peu avant la 5ième minute, désobstruant l'atmosphère glauque pour laisser place à une superbe ligne de séquences qui fait danser ses ions dans un zigzagant mouvement ondulatoire. Des solos de synthé aux tonalités nasillardes et aux formes ondulatoires embrassent ce rythme escarpant un escalier circulaire invisible. Des percussions aux cliquetis de machine à écrire en assaisonnent la diversité rythmique alors que la faune électronique se fait plus musicale. Et là on peut dire que Darkened Mirrors prend son véritable envol; solos torsadés aux boucles qui roucoulent dans la noirceur et une trajectoire rythmique légèrement zigzagante dont les ruades spasmodiques refusent les étreintes d'une ambiance glauque. Le rythme s'éteint vers 9ième minute et la sordide ambiance électro-organique cristallise Darkened Mirrors dans une vision apocalyptique où les vents caressent de leurs brises saccadées un champ de bataille où les âmes déchus s'agrippent à des chevaux spectraux dont les piétinements de sabots errent dans les cerceaux d'un synthé aux arômes Floydiennes et aux hurlements noirs. Le rythme reprend vie un peu avant la 15ième minute. Un rythme qui trottine de ses fines ruades suspendues entre deux cadences sous les morsures des riffs d'un synthé qui est la première véritable incursion dans l'univers du Dream. Oh…est-ce que le synthé est magique? Il tresse des solos plaintifs qui larmoient et caressent la délicatesse d'un rythme et de ses ions qui palpitent et papillonnent en parallèle dans une dryade électro-organique qui nous berce jusqu'aux reflets de l'immobilisme. House on the Barren Hill éclate dans nos oreilles avec une démarche lourde et menaçante, comme les lents martèlements de négriers fustigeant les rameurs qui poussent les galères. Les pulsations résonnent dans les cliquetis des cymbales argentées, alors que des couches d'orgue ténébreuses tissent les pans d'une sinistre mélodie que des vents flûtés tempèrent de leurs chants angéliques qui se perdent dans de superbes orchestrations babyloniennes. C'est un très bon titre théâtral doté d'une fascinante progression. Ces remous électroniques qui flottent comme des cerceaux gélatineux moulent les ambiances cadavériques de l'album. Comme des murmures de ventouses électro-plasmiques, ils ouvrent le très ambiant Sunrise 1877 dont la faune organique crache des bruines de mélodies errant dans des tristesses mellotronnées aux effluves très Dreamienne.
Si à date nos oreilles sont enchantées à l’extrême par A TALE OF UNEASE, The Portrait nous jette par terre. Toujours tissé dans les méandres de l'angoisse, l'intro regorge de ses tonalités molles qui roucoulent dans des vases boueuses. Avec ces hélices d'hélicoptères qui virent au ralenti, le départ de The Portrait est aussi sinistre que flottant. C'est une sylvaine ornementale sonore aux tonalités patibulaires biscornues qui errent dans les corridors d'une folie latente. Mais il se passe quelque chose de magique. Ces murmures gutturaux se détachent peu à peu du brouillard cauchemardesque pour former une étrange approche rythmique que des séquences attrapent au passage, édifiant l'étonnante structure d'un rythme qui papillonne de ses ions sautant sur place. Ce rythme est aussi envoûtant qu'hallucinant. Pianoté par un entêtement cadencé qui n'a d'égal que son magnétisme hypnotique, il plonge dans les ambiances métissées des années vintage où les flûtes mellotronnées surplombent les cognements de métaux et les riffs harmoniques de clavier qui s'harmonisent aux grognements de pulsations aux échos érodés. Et de nulle part surgit une guitare et ses solos évasifs qui rappellent tellement l'univers d'Edgar Froese. The Portrait est le genre de titre qui laisse des traces indélébiles et qui vaut à lui seul le prix de son œuvre. Après une lente intro qui brille de tous les artifices ambiosphériques de A TALE OF UNEASE, la pièce-titre étend son rythme furtif qui avance sous le mysticisme d’un intense brouillard bleuté. Des séquences et percussions crépitent tout autour de cette hypnotique ascension minimaliste qui crache son venin charmeur par le biais d’un suave Mellotron et ses souffles morphiques. Si on pense qu'Arcane ne plagie que Tangerine Dream, Paul Lawler démontre tout le contraire avec Stone Tapes qui est une authentique incursion dans l'univers du Dream. Tout y est; ambiance mystique tissée dans la flûte mellotronnée, ruisselet d'arpèges scintillant sur un lit de sable et une structure rythmique nourrie de fines ruades qui oscillent sous les charmes riffs de clavier et chœurs chtoniens, embrassant à pleine musicalité les réminiscences d'Edgar sur Stuntman et Pinnacles. Stone Tapes est vraiment sculpté dans les sillons de Tangerine Dream, alors que les 50 autres minutes de A TALE OF UNEASE, c'est du Arcane que Tangerine Dream aurait sans aucun aimer faire!
Superbe, musical et envoûtant A TALE OF UNEASE est un pur chef d'œuvre qui voyage allègrement entre ces deux univers que nous ne voyons mais entendons depuis le début de l'invasion Teutonique. C'est 60 minutes intenses où la magie et la musique communient dans la plus belle tradition de la Berlin School des années vintage. À posséder sans fautes!
Sylvain Lupari (05/03/13) *****
Disponible au Arcane Bandcamp
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