“Gather Darkness est un must dans toute collection de MÉ du genre Berlin School”
1 Dystopian Fictions 16:09
2 Gather Darkness 15:48
3 Flight from Time One 14:59
4 Requiem 12:14
5 Time Will Run Back 9:31
(DDL 68:44) (V.F.)
(Vintage Berlin School)
Selon la légende, Arcane aurait vu le jour lors d'une froide soirée hivernale de 1970 à Dusseldorf. Le réalisateur de film expérimental Gerhard Shreck et l'auteur d'œuvres de science-fiction, Max Richter composent de la musique de film dans un sous-sol froid et humide. Ils travaillent avec de l'équipement analogue et la majorité de cet équipement est construite par Shreck. Un 3ième membre se greffe au duo en 1973, Hans-Ulrich Buchloh disciple de la philosophie Stockhausen. Ensemble ils ont assez de matériel pour réaliser un 1ier album, Alterstill, qui sera ré édité une première fois en 2001 et une deuxième en 2006. Ce premier opus d'improvisations électroniques reçoit les éloges de la presse, mais est ignoré du grand public. Le trio gagne en popularité avec la parution de leur 2ième album, Teach Yourself to Crash Cars en 1976. Une tournée Européenne suit. Arcane se produit dans des petits clubs. Les amateurs sont enthousiasmes devant ce nouveau trio qui joue de la musique hautement atmosphérique avec des structures rythmiques de Tangerine Dream, mais avec une sonorité plus ténébreuse. Le nom circule. Arcane est sur toutes les lèvres. La réputation du trio dépasse les frontières Européennes. Alors que le groupe trône au sommet en 1977 et qu'il est reconnu internationalement, une tragédie secoue son monde bien obscur. Max Richter est retrouvé mort dans une chambre d'hôtel de Budapest. Le verdict du coroner est stupéfiant, Richter s'est donné la mort par immolation. Sous le choc, les nombreux fans, ainsi que plusieurs médias doutent de cette possibilité. Après tout Richter était un étrange qui avait ses idées bien arrêtées et qui fricotait avec du drôle de monde. D'autres versions circulent, alimentant encore plus la légende. Richter aurait été assassiné à cause de ses orientations et allégeances politiques, ou autres obscures raisons. Incapable de poursuivre plus loin, Shreck et Buchloh abandonnent leurs carrières musicales. Quelques 20 ans plus tard et afin d'honorer la mémoire de Max Richter, Arcane reprend vie. Produit avec un sens profond de respect pour leur compatriote disparu, Gather Darkness reprend dans la même direction qui a fait les délices des premiers adeptes de ce groupe culte. Des lignes de séquences qui roulent sur elles-mêmes construisant de longues tirades répétitives et hypnotiques, des ambiances chthoniennes poussées par un mellotron envahissant, des harmonies spectrales et des solos de synthé courant dans les airs en symbiose avec les rythmes. Le nouveau Arcane emprunte les mêmes décors analogues des années 70. Un croisement entre les rythmes soutenus par des percussions et des basses séquences. Des sphères musicales qui épousent des cadences aux ambiances torturées par des mellotrons aux saveurs de flûtes et aux effluves de trompettes. Bref, du bon Berlin School à la Tangerine Dream. Et quand vos oreilles auront croisés l'excroissance musicale d'Encore sur Time Will Run Back, vous aurez compris qu'Arcane est entré, et avec raison, dans la légende par la grande porte. Évidemment, nous sommes en 2006 et le mythe d'Arcane a été maintes fois revu, remâché et corrigé. Selon des preuves amassées ici et là, Arcane ne serait qu'un seul individu; Paul Lawler. Une histoire à suivre…
Je vais être honnête; je ne savais pas vraiment par où commencer cette chronique de ce premier album d'Arcane. J'en avais déjà parlé sur GOD, il y a bien 8 ans (en Juillet 2006 pour être plus précis), et je n'ai pas vraiment le goût de refaire ce long préambule qui explique l'abracadabrante histoire de ce groupe fantôme mis sur pied par l'unique Paul Lawler à la toute fin des années 90. Je relis ma chronique et je m'aperçois que j'avais à peine effleuré la musique, concentrant plutôt mon texte sur les mythes et légendes de (TD/OUPS!!) Arcane! J'ai redécouvert la musique d'Arcane avec le brillant A Tale of Unease (paru en 2012). Cet album m'a littéralement donné le goût de replonger dans la discographie de cet artiste qui a littéralement plusieurs cordes à son arc. Les stocks ayant été épuisés, GATHER DARKNESS se fait peau neuve via le site Bandcamp de Paul Lawler. Une excellente initiative et une excellente occasion de renouer avec un superbe album qui transcende les périodes du Dream, de 1973 à 1982.
Une grosse cloche résonne au loin. Sa réverbération entraîne une série de tintements ainsi que des accords tout à fait perdus qui bruissent dans des brises vaporeuses aux chants autant sibyllins que divins. C'est avec un doux Mellotron flûté et de passives voix chthoniennes que Dystopian Fictions dévoile ses ambiances. Le chant des flûtes artificielles flottent sur des pulsations sourdes, étendant des airs séraphiques dont les harmonies éthérées se fondent à une délicate chorale sombre. Nous sommes dans les terroirs du Dream et de leurs années analogues. Une belle ligne de séquences étale ses ions qui sautillent fragilement, un peu comme Bambi dans une mare glacée, dans les chants de moines errants et ceux plus séraphiques des souffles flûtés. Le rythme se développe doucement, comme un doux rodéo poétique, avec une série de séquences où les touches dansent et sautillent avec leurs ombres. Des riffs résonnent ici et là. Des wha-wha se font aussi entendre. On y entend ces accords perdus, et leurs échos qui tintent dans les ombres des pulsations sourdes. Des percussions s'invitent dans cette passive ritournelle ambiante qui tranquillement sort de son état morphique pour forcer un mouvement d'une tête qui épouse un rythme tranquille mais continuellement invitant. Paul Lawler collige tous ces éléments, et même plus, afin de coordonner une structure de rythme qui galope sur les plaines de la MÉ vintage. Le maillage des percussions et des séquences est stupéfiant, les riffs de synthé se donnent une profondeur harmonique alors que les séraphiques chants philharmoniques se chamaillent avec des solos aux arômes du Dream. Et parmi tous ses imitateurs, Arcane est, et de loin, le plus crédible. Tant par sa fameuse histoire, qui relève d'un mythe aussi gros que celui du Dream, que par la façon dont Paul Lawler a d'approcher ses compositions.
Seul aux commandes, il réussit l'impressionnant pari de structurer les approches rythmiques, les ambiances et les harmonies du trio Allemand avec soit Peter Baumann ou Johannes Schmoelling. Si des artistes tels que Redshift, [´ramp], Air Sculpture ou Arc ont pris des phases bien spécifiques de la musique de Tangerine Dream, Arcane survole les périodes de Ricochet à Logos sans trop de difficulté. La pièce-titre offre une introduction savoureusement ambiosphérique où une flûte magique charme de menaçantes réverbérations. On se croirait à l'époque de Sorcerer. Le rythme s'extirpe de ces ambiances un peu désertiques et se dandine peu à peu pour finir par épouser une structure plus vigoureuse que celle de Dystopian Fictions. Une sinistre onde laisse planer un menaçant voile sur les premières secondes de Flight from Time One. On se croirait dans les ambiances méphistophéliques de Stratosfear. La flûte est superbe et les percussions empreintes de gaz à la Mojave Plan tintent aléatoirement dans une belle intro aussi ambiosonique qu'ambiosphérique où accords de piano électrique errent comme des âmes en peine. C'est très cinématographique et on sent cette unique empreinte que Paul Lawler laissera au fil de ses futures réalisations. Une pulsation résonne lourdement aux abords de la 5ième minute, initiant le rythme linéaire et tranquille de Flight from Time One qui prend la forme d'une course modérée dans une forêt sonique illuminée de ses milles inquiétudes et inondée des charmes d'un synthé aux chants spectraux et à la flûte enchantée. Les ambiances chthoniennes de Requiem respirent à plein nez l'esprit de son titre. On peut entendre une étrange oraison suinter entre deux dimensions. L'intro évolue entre deux pôles; le passé comme le futur, les ténèbres comme la civilisation. Une messe pour l'enfer avec des éléments sphériques. Une superbe séquence ondule comme des claquettes qui volètent dans des nuages de ouates. Le mouvement est évanescent et caracole dans des ambiances autant astrales que psychédéliques avant de trouver refuge dans des chants papaux. Une séquence aux réverbérations menaçantes résonne dans cette quiétude. Ses pulsations secouent un nid de séquences qui se met à palpiter en tout sens, guidant ce rythme quelque peu incohérent à travers des champs flûtés et les bisbilles de séquences organiques qui foutent un bordel sonique dans une finale somme toute relativement paisible. Parler à propos de Time Will Run Back sans faire liens étroits avec Encore et ses trompettes angéliques est faire preuve de méconnaissance ou de mauvaise foi. Non, Lawler ne cherche pas juste à copier un style, mais plutôt à unir deux ponts avec des séquences rythmiques, ou des percussions électroniques, plus modernes qui rejoignent les deux légendaires combinaisons du Dream; époques Encore et Logos. Le rythme? Les ambiances? Les mélodies? Bien dosées et surtout agencées sur une structure qui allie un rythme fougueux à des ambiances plus éthérées où la flûte mellotronnée respire d'une candeur virginale.
Sylvain Lupari (05/07/06) *****
Disponible au Paul Lawler Bandcamp
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