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Writer's pictureSylvain Lupari

AWENSON: Aweena (2020) (FR)

Voici un album fascinant de MÉ où même ses moments les plus difficiles ont cette noblesse de l'art attachée à leur éclosion

1 Romantic Lovers 15:58

2 Lovedance 7:56

3 Lovers 10:33

4 Trilogy 9:46

5 Strange Behaviour 11:02

6 Nacht Musik 5:16

7 Running 16:15

(CD/DDL 76:46)

(Berlin School Psychedelic area)

C'est avec un sifflet venant du Cosmos et avec une touche dramatique à la Klaus Schulze que Romantic Lovers tente un abordage de nos oreilles. Prenant maintenant une austère tonalité de vieil orgue, le titre s'enfonce dans une drame musical qui flirte avec le Fantôme, le vrai, de l'Opéra. Des gazouillis électronique se sont invité pour être chassés aussitôt par cette procession gargantuesque dont les marches du Palais des Douleurs nous font trembler jusqu'à ce point de rupture où tout s'éclairci un peu après la 5ième minute. Des guirlandes sonores se mettent alors à chatoyer. Une petit concerto de glaçons allégoriques dont chaque filandre est reliée à un noyau organique qui pulse et qui créé un rythme dominé par d'incomptables chutes qu'au final on se demande si ces glaçons tombent ou remontent. La première fois, nos oreilles sont suspicieuses devant cette continuelle ondée sonore. C'est lorsqu’elles perçoivent ces nappes de brumes éthérées qu'on se laisse absorber par cet étonnant Berlin School arythmique qu'est devenu Romantic Lovers. Parce que oui, on peut entendre Romantic Lovers sous les couvertes. Préparez-vous à un vrai festin sonore avec ce dernier album de Awenson!

Eh boy! Autant vous le dire tout de go, AWEENA n'est pas pour toutes les oreilles, quoique toutes les oreilles, peuvent s'y adapter et découvrir un étonnant album sculpté dans nos souvenirs des années 70. Parce que tout tourne autour de ces mythiques tonalités du Farfisa et su merveilleux monde de l'analogue. Il y a de l’intensité, de la chaleur humaine et de la créativité au pouce-carré dans ce nouvel album de Joël Bernard. Étant un grand fan de Klaus Schulze et Edgar Froese, Awenson a décidé de créer une œuvre à la hauteur de ses influences. Chaque note est sculptée ici dans des suites minimalistes trempées dans l'audace. L'auditeur transite entre la musicalité et la cacophonie avec une étonnante facilité. Aweena est une divinité cosmique, imaginée et personnifiée par la musique de Awenson, qui apporte à l'humanité le réconfort versus la pandémie liée à la Covid 19. Humm…Ça se tient! Quoique je dirais plutôt; qui apporte aux oreilles de l'humanité un nouveau concept de MÉ où se laisser absorber est un des excellents moyens d'échapper pendant 77 minutes à la réalité dans un merveilleux voyage temporel sur les racines de la MÉ de style Berlin School progressif.

Parlant Berlin School, Lovedance est tout simplement majestueux avec un séquenceur en mode monter un escalier en colimaçon. Les pas sont tantôt légers et tantôt maladroits, parfois lourds comme de temps en temps zigzagant sous les couleurs d'un synthé illuminé par la tendresse et ses solos enjôleurs. Nous arrivons à un point où les solos sont comme des chants de sirènes astrales. C'est à ce moment que l'escalier se transforme en plaines imaginaires où le rêveur alterne son pas entre une course et une marche rapide dont le but visé est de rencontrer ces sirènes aux chants si adorables et tellement sibyllins. Un excellent titre puisé à l'ombre de Body Love de vous savez qui. Si vous connaissez Jean-Pierre Thanès, vous allez vous sentir connecter avec l'ouverture de Lovers. Un lointain grisaillement perce le silence entre Lovedance et Lovers. Il avance vers un cœur mécanique qui vit de ces bruits blancs et qui laisse filtrer un bel horizon musical dont le vaste panorama de vielles terres arides et fissurées, où vivent des chauves-souris électroniques, est à la portée de nos yeux fermés et de nos oreilles ouvertes. Le cœur doit repomper de ces effets réverbérants pour que toujours ce panorama puisse se transformer au gré de ses sons et de nos illusions. Un lent mouvement se dessine, comme une lente procession remplies d'ondes sinueuses et réverbérantes qui sert de nid pour une faune sans destin. Et bang! Veux, veux pas, on sursaute lorsque qu'un lourd accord d'une basse résonnante, Joël joue aussi de la basse comme de la guitare, nous tombe dans les oreilles. La métamorphose de Lovers passe par cette basse qui dévoile une pénible ascension sous la grisaille des poussières de musique. C'est dans ce panorama granuleux que nos oreilles devinent cette corrélation entre ces bruits et des lignes de trompette et de vieil orgue dont les chants métissés deviennent obsédants. C'est très psychédélique, entre la musique théâtrale de Thanès et du vieux Pink Floyd, et on accroche aussitôt qu'à la deuxième écoute. Et veux, veux pas! Cette ligne de basse y est pour quelque chose! Si on aime flotter avec des particules sonores et entre les lentes vagues ondulantes de synthé aux parfums d'orgue de Edgar Froese, l'ouverture de Trilogy vous est destinée. La musique est lourde et chargée d'émotivité avec ce tapis de réverbérations où coulent des laves sonores comme des plus musicales. Il y a des impulsions qui rappellent Jean-Michel Jarre comme Thierry Fervant qui sont projetées sous formes de gros bourdonnements intenses. Sans bouger, nous montons vers des cimes où nos yeux ne voient pas les mêmes choses que nos oreilles entendent. Des aboiements!? Des meuglements! Ou des ricanements démoniaques? Toujours est-il que nous montons toujours et nous sentons dans les modulations des impulsions, que le rythme désagrégé renait de ses poussières dans un court moment de folie où les yeux des insoumis nous dardent de rayons réverbérants. Une étrange excursion que ce Trilogy!

Des gongs! Un concerto de gongs ouvrent nos oreilles à cette ruée de pulsations tournoyant comme des frondes de Strange Behaviour. Nous entrons dans la portion la plus complexe de AWEENA avec une sculpture sonore qui nous entraine dans un univers psychédélique du début des années 70. Le psychédélique Européen avec des mouvements secs qui sont liés à la distorsions d’un mariage entre orgue et guitare et qui reviennent à la queue-leu-leu, se répétant jusqu'à la dislocation du cou ou que nos pieds soient vissés dans le sol. Mais ici comme dans Trilogy, une ombre de tranquillité souffle derrière cette fronde tonale. Éparpillant ces chants à la Vangelis, le synthé recouvre et apaise cette masse avec une harmonie flottante avant que ses exercices de vocalises d'exorcisme se mettent à défier notre tolérance. Mais il faut persévérer, car la finale vaut bien ses maux! Comme musique de nuit, Nacht Musik est pour ces insomniaques qui se créent des jeux vidéo avec tellement de ferveur qu'ils en créent une trame sonore qui déborde de leurs visions. Considérons la chose sur un autre angle; nous sommes au Musée des sons et Nacht Musik nous y entraine. Nous entendons une onde réverbérante où les parasites initient une pulsation qui se dérègle. Les spliiichts et les splaaachts sont ces cordons ombiliques qui nourrissent la matière alors que explosions et toutes formes de déformations sonores s'invitent à ce banquet de schizophrène somnambule. Plus long titre de AWEENA, Running ramène les deux derniers titres à l’ordre avec une zizanie stylisée qui n'est que pure euphonie sur la dissidence. Le tout débute avec des formes de tintements qui se mutent en pulsations circadiennes des ombres et de leurs échos. Des petits pas s'excitent dans l'oubli rythmique pour stimuler deux courses en parallèles avec des tintements qui y cherchent leur place. Superbe morceau de Berlin School progressif, Joël Bernard joue avec les modulations et la vitesse de cette course improbable où les acteurs des jeux vidéo de Nacht Musik ressortent pour cracher du feu sonore dans un impressionnant delirium musica où le rythme est débordé par ce qui sortait des poussières de ces pas de course sur la route de la démence. Il y a plusieurs éléments sonores qui se greffent à ce rythme infernal et soutenu qui rince nos oreilles jusqu'à l'orée de la 8ième minute. Ses démons restant, Running se met à dériver dans une phase méditative avec de lourds vents qui nous amène dans un pré où les paons chantent comme des divas et où les insectes pépient dans l'herbe.

AWEENA est un superbe album qui nous fait visiter toutes les routes, musicales comme dissonantes, de la MÉ de style Berlin School du début des années 70. De Conrad Schnitzer à Jean-Michel Jarre, Awenson s'abreuve de la créativité de ces pionniers pour nous livrer un étonnant album où même ses moments les plus difficiles ont cette noblesse de l'art d'attachée à leur éclosion.

Sylvain Lupari (09/12/20) ****¼*

Disponible chez Groove nl

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