“Peut-être que je me suis habitué au style de Bart, mais je n'ai trouvé aucune difficulté à apprivoiser les dimensions de cet opus”
1 Telemachus and Eucharis 6:39
2 The Alchemist's Dream 10:17
3 Going Back in Time Moves You Forward 7:13
4 Message From a Distant Star 8:04
5 Vestal Virgins and Rebel Angels 8:59
6 Owls and the Exuberant Brilliance of Unity Makes me Smile 7:29
7 The Moon Tunnel 6:35
8 An Ancient Lullaby 7:33
9 The Unanswered Question Still Lingers On 8:50
10 Susanna at Sunset 7:09
(DDL/CD-(R) 78:52)
(Experimental ambient Drone)
Des tintements résonnent au travers des clapotis de bruits. Par la suite, des orchestrations érigent un couloir de soie où scintillent des sons et murmurent des voix sans âme. Telemachus and Eucharis glisse ainsi entre nos oreilles dans une chute sans fin où les parois gémissent de milles artifices sonores. On y entend des vers en guitare. Des accords d'harpe déboulés vertigineusement. Il y a une course entre le synthé et ses fantaisies sonores. C'est la foire aux tonalités composites qui se mettent soudain à virevolter dans un axe plus musical légèrement secoué par des spasmes sans direction rythmique. C'est lors d'une visite au célèbre The Getty Center à Los Angeles que le musicien-synthésiste de l'Oregon a trouvé son inspiration pour composer les 10 toiles musicales qui jalonnent son premier album à paraître sur le label Cyclical Dreams. Et contrairement à ce que j'ai entendu du répertoire de Bart Hawkins, je n'ai rencontré aucune difficulté à apprivoiser les dimensions de NONLINEAR CROSSROADS. Peut-être que je me suis habitué à son style! Ou encore, peut-être que ce second opus à paraître en 2023, l'autre étant Entering the Axis Mundi paru en janvier sur le label Spotted Peccary Music, suit justement ses traces. On y retrouve ces structures de rythmes spasmodiques, mais avec des élans plus assourdis. On dirait des codes rythmiques secrets! La musique voyage avec ses milliers de petits points scintillants qui se raccordent en de lentes sérénades secouées par des spasmes de rythme non-rythmique. C'est un peu comme observer ces infinis vaguelettes qui miroitent sur une eau agitée. Ou comme être magnétisé par ces rayons de soleil qui se décomposent en prisme pour faire danser leurs reflets à travers une fenêtre sur un plancher ciré. C'est avec ces images connectées à mes oreilles que je vous partage mes réflexions sur ce fascinant album aux dimensions rythmiques étouffées sous une mare moirée.
Plus long titre de cet opus, The Alchemist's Dream suit avec une lente évolution à partir de bourdonnements orchestraux qui déploient des ailes ronronnantes, et par la suite sifflantes, dans une dimension sonore remplie de tintements et de sons qui s'entrechoquent sur un tapis de feutrements cadencés. Ce rythme tachycardique étend graduellement la férocité de ses convulsions dans une ambiance plus électronique qui est inspirée par les vieilles explorations musicales des synthés, alors que les orchestrations amplifient leur mainmise sur les ambiances. Des ondes Martenot s'échappent pour ululer librement, comme des coyotes mécaniques, tandis que subtilement le rythme secret de The Alchemist's Dream dévoile le chemin de sa procession astrale. Paisible qu'il était, le titre augmente le niveau d'intensité des éléments qui composent ses ambiances, alors que le rythme, conçu maintenant dans les riffs des cordes d'un ensemble de violons/violoncelles, suit cette tangente dans NONLINEAR CROSSROADS en devenant plus spasmodique. Voire violent dans une finale qui assourdit les tympans. Going Back in Time Moves You Forward est le premier titre à offrir un rythme séquencé dès son ouverture. La structure modifie sa texture en prenant l'apparence d'un train qui cahote et crache difficilement ses gaz d'échappement, tel un train dans un dessin animé. Le rythme évolue d'une façon soutenue et dans un cadre minimaliste qui restera docile tout au long de ses 7 minutes. L'enveloppe sonore se remplit de stries, de petits bouts de mélodies évasives qui roulent en boucles et d'autres tonalités puisées dans de complexes arrangements orchestraux. Message From a Distant Star séduit d'emblée avec sa structure de rythme ambiant qui flirte avec une danse cérébrale tribale. Le rythme s'appuie sur des battements séquencés sourds. Ils dansent dans une galaxie qui se défait des orchestrations introductives pour remplir son plafond des chants d'étoiles et de scintillements célestes. La finale se gorge de ces émotions tardives qui donnent une intensité en sons et images sonores à la musique de NONLINEAR CROSSROADS. Les arrangements orchestraux planent aussi dans l'ouverture de Vestal Virgins and Rebel Angels. Des bruissements, des chuchotements et des couches de violons éraillées accompagnent son éclosion qui se traduit par une source de rythme secret qui s'agite avec des spasmes orchestraux. Cette ossature finement convulsive est le reflet des autres structures de l'album avec un rythme sans rythme qui sautille sur place, encadré qu'il est par une masse de sons qui virevolte paisiblement sur son axe sédentaire. La couleur des sons et leur texture légèrement criarde reflète ces différentes peintures sur le sujet. La dernière partie du titre étend un beau miroitement des séquences qui compose un chant astral déroutant. Cette finale inattendue, on s'attend toujours à une implosion d'intensité ténébreuse, m'a procuré de bons frissons à l'âme.
Des accords chatoyants brillent dans l'ouverture de Owls and the Exuberant Brilliance of Unity Makes me Smile. Cette danse de prismes moirées, qui sautillent autant que claironnent, s'attache à un mouvement rampant d'une lente texture de basse vampirique. Le synthé laisse entrer des pads tranchants qui gambadent avec une luminosité lustrée dans une fascinante danse circulaire. Peu à peu, le rythme devient plus fluide avec des oscillations qui boitillent dans une spirale qui se remplit des différents échos des sources de sons. La musique et son idée jaillissent avec plus d'intensité à partir de la 5ième minute, laissant ainsi passer les seules moments de cacophonie tangible de cet album. Un léger écart sur 79 minutes de musique! Ce n'est pas si mal. The Moon Tunnel nait aussi d'un tissu d'orchestrations lunaires pour développer une ligne de mélodie cadencée qui serpente à travers une masse de vents bourdonnants. Des stries acérées, des sillons de poussières d'étoiles, des mugissements et des voix perdus dans les effets de drone compactent cette mélodie serpentine qui devient plus perceptible après la 3ième minute. Disons que la musique et ses ambiances sont en symbiose avec le titre qui se termine dans une lourde tempête de woosshh. Insaisissable sensation d'être transporté dans les cieux, An Ancient Lullaby propose une ritournelle ascensionnelle qui respire aussi pleinement le sens de son titre. Les orchestrations et les arrangements féériques, comme les voix discrètes vers la finale, sont aussi efficaces que cruciaux dans cette procession circulaire qui avance dans une brume assez opaque sur des accords aux tonalités acoustiques, genre cordes de harpe, avec un léger support du séquenceur. Le rythme est tangible, mais délicat comme un vieillard gambadant et traçant des 8 au ralenti dans un champs de mousse. L'enveloppe sonore scintille de mille prismes qui dansottent et enserrent fermement cette berceuse astrale qui peu à peu s’en défait pour devenir une spirale spasmodique. Splendide! On flotte entre les dimensions de M'Ocean et Chronos de Michael Stearns. The Unanswered Question Still Lingers On fait entendre une autre procession astrale avec une ritournelle séquencée qui est plus harmonique que rythmique. La masse de sons est faite de bourdonnements, d'orchestrations et d'effets de synthé qui dessinent un univers apocalyptique. Plus on avance dans le titre et plus les effets de bruissements étouffent la limpidité de la mélodie qui restera toutefois ancrée entre nos oreilles. Susanna at Sunset termine NONLINEAR CROSSROADS avec majestuosité. Second titre à offrir une structure de rythme, toujours plus mélodieuse qu'animée, dès ses premiers accords, la musique virevolte au gré de ses arpèges chatoyants qui tourbillonnent dans des orchestrations remplies de nostalgie. Les prismes qui y chantent ondulent et scandent aussi un rythme aussi léger que dramatique dans les staccatos des violons chimériques. Ils ont cette couleur lyrique des séquences miroitantes de Mike Oldfield dans son album Incantations et, encore et toujours, celle qui miroite de poésie dans M'Ocean. On imagine aisément les rayons d'un coucher de soleil danser sur une eau vive qui est encore troublée par les activités aquatiques.
Oui, un très bel album de Bart Hawkins qui est à la dimension de son excellent Entering the Axis Mundi, tout en étant plus réservé au niveau des rythmes mais plus poétique au niveau de ses ambiances et mélodies.
Sylvain Lupari (19/07/23) *****
Disponible au Cyclical Dreams Bandcamp
(NB: Les textes en bleu sont des liens sur lesquels vous pouvez cliquer)
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