“Un album intéressant qui s'adresse avant tout aux amateurs de tonalités analogues”
1 The View From Vega (Part I) 6:43
2 The View From Vega (Part II) 5:07
3 The View From Vega (Part III) 6:13
4 The View From Vega (Part IV) 6:53
5 The View From Vega (Part V) 5:20
6 The View From Vega (Part VI) 7:32
(CD/DDL/Vinyl 37:52) (V.F.)
(Dark vintage psybient Cosmic)
Avec la direction que le label DiN explore de plus en plus depuis le Tone Science de Ian Boddy en 2016, chaque parution d'un nouvel artiste est une curiosité que l'on découvre les oreilles grandes ouvertes. Et ce THE VIEW FROM VEGA ne fait pas exception! Tout d'abord, qui est Benge? De son vrai nom Ben Edwards, cet artiste des sons explore les aspects de la musique électronique (MÉ) depuis les années 70. Diplômé d'école d'art en 1990, il a tout de suite créé son propre studio de musique aujourd'hui connu sous le nom de Memetune Studio Complex. Il commence aussitôt à composer et enregistrer de l'électronique expérimental pour réaliser son premier album Electro-Orgoustic Music en 1995 sur son propre label Expanding Records. Depuis, c'est tout près de 30 albums que Benge a produit pour son label, en plus d'avoir collaboré avec plusieurs artistes sur une 20taine d'autres projets. Sa musique reste toujours très innovatrice. Avant-gardiste, elle inspire l'art expérimental sous toutes ses formes. Ne plissez pas des yeux et ne mettez pas vos doigts dans vos oreilles, THE VIEW FROM VEGA fait dans la musique expérimentale avec une approche plus accessible. L'album est très court, à peine 38 minutes, pour répondre aux standards des albums vinyles. Comme à la belle époque! Et parlons-en de la belle époque, puisque THE VIEW FROM VEGA ouvre une porte sur les années 70 avec une vaste sélection de synthétiseurs analogues dans un univers de psychédélisme cosmique rempli de torsades, d'effets de réverbérations, de décalage (tape delay) et d'autres effets électronique qui créent les 6 tableaux sonores très opaques de cet album. Exception faite du plus tranquille The View From Vega (Part IV), l'album tourne sur des séquences de rythme qui sont propulsées par des séquenceurs, cette fois-ci l’analogue et le digital joignent leurs tonalités, en mode oscillatoire. Les fréquences sinusoïdales varient d'un tableau à l’autre. Certaines sont modérées, en mode atmosphérique, alors que d'autres sont plus saccadées, voire hyper syncopées.
Une onde de synthé de brume ocrée dessine d'amples mouvements de valse astrale pour débuter The View From Vega (Part I). Une séquence se met à faire des ruades dans son sillage alors que des accords tombent avec désintéressement. Une ombre de basse se joint à cette disparité entre le séquenceur et le clavier. Sa nappe enveloppante ajoute à la profondeur autant atmosphérique que rythmique du titre. Ben Edwards met la table pour que nos oreilles soient en appétit. La séquence se transforme en une ligne de rythme stationnaire ardente, comme un vif ruisselet argenté d'arpèges tumultueux qui virevolte, monte et descend dans une course sinusoïdale. Les accords du clavier et du piano tintent avec une forme de dissonance, emportés par les muets élans de la basse. La séquence continue de serpenter, de zigzaguer entre les différentes couches d'ambiances de The View From Vega (Part I) en miroitant de froideur par moments ou en se faisant toute discrète à d'autres, alors que le titre continue d'explorer les contrastes de sa discordance avant de flotter doucement vers l'ouverture de The View From Vega (Part II). Le décor est plus lugubre ici, avec des effets sonores qui flirtent avec les films d'horreur. La basse étend son rayon de bourdonnements qui sont autant passifs qu'agressifs. Une onde oscillatrice sautille constamment dans cette ambiance sombre où d'étranges hurlements de vapeurs saisissent nos sens. Des effets sonores analogue, du temps de Klaus Schulze, s'accrochent à nos lobes alors que le mellotron tisse des orchestrations cinématographiques. Le titre est riche de sa texture sonore qui camoufle par moments cette constante avancée de la ligne d'oscillations cadencées dont la tonalité varie en fonction des fluctuations. Et ici comme dans The View From Vega (Part I), cette exploration rythmique par effets sinusoïdaux est parfois dominante mais plus souvent qu'autrement son ascension est camouflée par les multiples effets de flanger, de décalage et de réverbération qui accentuent la masse sonore de THE VIEW FROM VEGA.
The View From Vega (Part III) arrive à nos oreilles avec cette rivière d'arpèges oscillants de The View From Vega (Part I). Les ambiances sont plus posées avec ces milles reflets argentés qui irradient autour d'un piano solitaire. C'est comme entendre un piano sous de multiples vaguelettes de sons. Une pulsation basse sautille laconiquement, structurant une impulsion rythmique qui donne le goût de taper du pied. Ce rythme entrainant voyage dans le même spectre d'intensité, variant son impact sonore au gré des textures d'ambiances qui sont dominées ici par le piano et cette nappe de basse aux variations vibratoires. C’est très musical avec une touche de Berlin School, surtout lorsque la séquence de rythme accentue la cadence vers la finale. The View From Vega (Part IV) propose une ambiance gothique avec une nappe où voix et filtres de synthétiseurs balaient les horizons. Le piano laisse aussi ces notes songeuses. Elles meurent dans cette texture qui ondoie comme un gros voile d'éther. Les effets de réverbérations et de décalage trainent comme une ombre cherchant son corps au milieu de la nuit noire. Nous somme dans de la musique d'ambiances ténébreuses avec ces chants fantomatiques où seuls l'éclat des notes de piano est le phare de nos émotions. Un très beau titre à ne pas écouter si on a le mouron. La musique se termine dans une poussée de wiisshh torsadés qui se contorsionne comme un serpent à moitié endormi. Ces effets débordent jusque dans The View From Vega (Part V) et son rythme pulsatoire frénétique hyper saccadé. L'intonation et la puissance est en variation, comme les autres structures de ce premier opus de Benge sur DiN, et progresse à travers une tempête de woosshh et de wiisshh. Les vents du Cosmos éveille la structure hyper saccadée de The View From Vega (Part VI). Les arpèges cadencés sautillent vivement et en alternance, miroitant sur une ligne aux lentes évolutions oscillatoires d'une énorme nappe de brume qui jette son venin résonnant. Toujours animée par cette séquence syncopée, la seconde partie nous entraîne dans des ambiances plus ténébreuses.
THE VIEW FROM VEGA s'adresse avant tout aux amateurs de tonalités analogues. Benge nous entraine dans son univers par la douceur avant de faire comme un toréador et de conquérir nos oreilles à grands coups de rythmes convulsifs. Dans une mosaïque sonore qui est comme de la lave volcanique tiède, ces rythmes vivent sur des variations magnétisantes qui force notre ouïe à prendre connaissance de cette incroyable faune des sons qui colore ces phases d'ambiances en mutation. Une autre très belle réalisation du label Anglais!
Sylvain Lupari (27/11/23) *****
Disponible chez DiN Music
(NB: Les textes en bleu sont des liens sur lesquels vous pouvez cliquer)
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