“Antimatter est un chef-d'œuvre que l'on écoute comme on lit un conte ou un livre de poésie!”
1 Preparations 1:38
2 Rising 2:20
3 Caverns of Knowledge 8:00
4 Injection 2:04
5 Acceleration 10:05
6 Filling the Emptiness 5:02
7 They Call it Soup! 9:48
8 On The Shoulders of ATLAS 9:30
9 What's the Matter? 7:00
10 It Doesn't Matter 4:29
11 Large Hadron Collider 7:21
12 Where Is Higgs? 5:59
(CD/DDL 75:16)
(Symphonic EM)
Lorsque Bernd Kistenmacher renouait avec ses synthés en 2009 il entreprenait un cycle trilogique qu'il appellera la Trilogie de l'Univers. Celestial Movements étant une ode pour les étoiles et Beyond The Deep une réflexion sur la Genèse. Et ANTIMATTER boucle la boucle avec comme thème musical la reproduction du Big Bang en laboratoire et par le fait même les fondements de notre existence. Ces 3 albums sont liés par une fusion symphonique et électronique où le synthésiste Allemand redéfinit ses frontières de la MÉ en composant une superbe symphonie électronique. Là où le Berlin School n'a de racine que son approche minimalisme et ses solos de synthé créatifs, alors que la mélodie et ses nappes de brume éthérées qui en recouvrent les prémices nourrissent la gourmandise des orchestrations monstres et ses perpétuels crescendos. Composé en 1 long morceau segmenté en 12 segments, ANTIMATTER débute comme il se termine; avec une fine source d'énergie musicale qui va captiver notre intérêt pour les 75 délicieuses minutes à venir.
Des ondes alternatives, un peu comme d'oblongs bips électroniques, roulent comme des vagues sur le dos du néant. Elles amassent des poussières d'antimatières et sculptent les prémisses orchestrales de Rising qui naît du vide de Preparations pour valser mollement dans les abysses du cosmos. Là où des réverbérations glauques courtisent de somptueuses envolées violonées dont les secs coups d'archets introduisent Caverns of Knowledge. Doucement ANTIMATTER confronte ses mélodies aux tourments de ses structures. Si les riffs des violoncelles de Caverns of Knowledge sont durs et hachurés, les souffles mélodiques des synthés, les fragiles accords aux tonalités de guitares et la kyrielle de violons de soie qui chante sous les coups répétitifs des violoncelles entêtés témoignent de cette nuance et de cet équilibre entre la fragilité des deux extrêmes. Après une petite Injection de sonorités électroniques bigarrées et d'orchestrations métissées, Acceleration amorce les premiers rythmes séquencés de l'album. Des séquences scintillantes et sautillantes s'agrippent à des pulsations sourdes qui amplifient leurs tonalités sous le couvert de strates de synthé menaçantes. Le rythme s'arrime à des cordes de violoncelles labourées avec force, décuplant la rage de Acceleration qui devient transpercé par des couches d'orchestrations violonées alors que les séquences pianotent bien discrètement un rythme qui diminue son intensité pour laisser des accords de piano errer dans un bref passage méditatif. Mais les coups d'archets veillent sur leur structure rythmique. Déchirant l'approche onirique, ils martèlent les cordes chimériques avec passion détalant les plaines de l'imaginaire dans un étonnant crescendo de passion et d'émotion où des souffles de cors sur dimensionnent la mélodieuse structure philarmonique de Acceleration qui termine sa chevauchée orchestrale dans une somptueuse finale cinématographique. Du grand art musical! Le piano romanesque de Bernd Kistenmacher revient hanter nos émotions avec le très beau Filling the Emptiness et ses notes hésitantes qui flânent dans une mélancolique brume éthérée. Une fine mélodie en émerge, berçant tant nos rêves que transportant nos émotions mais aussi dressant une ligne harmonique directrice qui déborde sur la 2ième portion de ANTIMATTER.
Avec ses pulsations sourdes qui résonnent autour des séquences carillonnées et des vestiges harmoniques de Filling the Emptiness, They Call it Soup! épouse un peu la même ligne introductrice que Acceleration. Le rythme endormit s'éveille peu à peu pour éclater avec de violents soubresauts orchestraux, libérant de superbes solos de synthé qui survolent une rythmique obstinée. Des notes de piano déferlent sur cette approche minimalisme saccadée, pilonnée par un ensemble d'ions séquencés qui font du sur place alors que de magnifiques solos de synthé aux tonalités plus philarmoniques entourent ce rythme qui s'efface peu à peu dans l'oubli pour se perdre dans les laboratoires du LHC (Large Hadron Collider). On the Shoulders of ATLAS est le joyau de cet album. D'hésitantes notes de piano mélancoliques en tracent l'introduction. Elles dessinent une belle mélodie qui résonne dans nos oreilles et qui se fraye un chemin jusqu'à l'âme à mesure que les violons et violoncelles en appuient sa fragilité. Les coups d'archets qui suivent et cet espèce de trémolo qui s'en dégage écrasent l'écoute et paralyse notre jugement tant c'est beau. Et subitement, on bascule au plus profond de nos émotions avec cette propension que Kistenmacher a à juxtaposer ses ornements orchestraux et ses discrètes vocalises en une immense toile émotive où tout se confond et plus rien n'affecte la raison. Et On The Shoulders of ATLAS de progresser en un magnifique crescendo, alliant cette fine approche cinématographique et cette influence de Vangelis chez le synthésiste allemand qui ceinture ANTIMATTER et qui en cimente toute sa beauté. What's the Matter? nous entraîne dans les dédales de l'antimatière avec des couches de synthé qui s'enlacent et fusionnent dans une lente valse sans mouvement. Une fine pulsation perce le silence de l’immobilisme. Son débit ajoute une toute autre dimension à What's the Matter? qui devient aussi musical que mystérieux avec ses ondes de synthés qui roucoulent d'une tonalité aussi spectrale que stridente pour se perdre dans les riffs secs et violents des violoncelles chimériques de It Doesn't Matter, dont le rythme croissant est bercé de suaves solos de synthé. Et c'est de ce rythme évolutif que naît Large Hadron Collider. Un rythme moulé dans des orchestrations sèches et brèves, accompagné d'accords de piano et surplombé de solos de synthé et où les séquences alternent leurs frappes subtilement et tracent une rythmique nerveuse qui s'égare dans des brumes éthérées et des notes de piano romanesques, étalant la perpétuelle dualité des rythmes, ambiances et mélodies qui entourent l'album. Where Is Higgs? conclût ANTIMATTER avec une mélodie solitaire jouée sur un piano électrique aux sonorités d'un vague clavecin. Bernd Kistenmacher règne en maître solitaire sur sa finale trilogique où rien ne se perd ni ne se crée mais où tout est de beauté et tout se termine comme ça débuté.
Superbe! ANTIMATTER est un superbe album qui s'écoute comme on lit un conte ou un livre de poésie. Tout au long de sa découverte on embarque dans l'imaginaire de Bernd Kistenmacher et de ses émotions. C'est un puissant album qui fusionne à merveille les approches électroniques et philarmoniques ainsi que les aspects poétiques et harmoniques. Si c'était Vangelis qui aurait composé ANTIMATTER on crierait au génie et l'album serait le sacre du printemps. Alors, faisons comme tel. C'est un chef d'œuvre de musique contemporaine et il est temps que l'on reconnaisse le génie de Kistenmacher qui n'a pas son pareil pour écrire de la musique.
Sylvain Lupari (30/11/10) *****
Disponible chez Mirecords Bandcamp
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