“J'avais oublié à quel point Music from Outer Space était un très bel album où solos, séquences et effets révèlent toute la richesse de l'EM”
1 Music from Outer Space Part I 37:45 2 Music from Outer Space Part II 41:38 Green Tree Records GTR 091 Bernd Kistenmacher Music
(CD 79:26) (V.F.) (Vintage Berlin School)
Bernd Kistenmacher a été sans doute l'un des plus beaux secrets de la scène musicale électronique Allemande pour de nombreuses années. Opérant dans l'ombre des grands, à tout le moins de ce côté-ci de la planète, il a composé depuis 1984 une quinzaine de cassettes, albums et cd, gardant ses œuvres les plus percutantes, les plus accomplies, pour les années 2010. Mais auparavant, cet énigmatique synthésiste un brin romantique proposait une musique aux effluves d'une Berlin School aussi poétique que chaotique. Ses premières œuvres sont fortement inspirées par l’univers analogue de Klaus Schulze, periodes Blackdance et Body Love, mais avec un soupçon de douce anarchie qui coule comme du miel encore vierge. D'abord réalisé en format cassette, MUSIC FROM OUTER SPACE propose 2 longs titres minimalistes avec des suites d'harmonies et d'ambiances qui s'échangent les rôles à travers des rythmes doux et sauvages dans un univers électronique nourrit de ses paradoxes et de ces merveilleux engins que sont les synthés et les séquenceurs. Réédité en cd lors de la parution du coffret de 8 cd; My Little Universe, paru en 1999, cette première œuvre de Bernd Kistenmacherest tout vendue et est longtemps demeurée une pièce de collection pour ses fans et les amateurs de MÉ de style Berlin School des années 70. Et j'ai toujours émis le souhait que Bernd réédite son catalogue parce que sa musique a largement influencé des artistes qui voyaient en la MÉ un véhicule parfait pour créer des œuvres un peu plus symphoniques. C'est maintenant chose faite! Vous trouverez cet album, ainsi que tous les titres de Bernd Kistenmacher en format original sur la page Bandcamp de ce dernier. Débutons par MUSIC FROM OUTER SPACE.
Se défaisant de sa membrane résonnante, une ombre venue du vide flotte avec une délicate nuance dans son mouvement et sa tonalité, quelques 300 secondes plus tard. On dirait que des petits cerceaux y dansent, créant une étrange danse onirique sur un mouvement à peine ondulant. Lentement, Bernd Kistenmacher moule sa première partie avec les ingrédients sonores qui faisaient les charmes de la MÉ des années 70. Un lourd voile étend donc un tapis interstellaire d'où s'échappe un petit chapelet de séquences qui dansent et miroitent un peu après la barre des 7 minutes. Le mouvement des séquences amplifie une cadence qui papillonne vivement, chassant la prédominance de cette lourde brume qui mystifiait l'introduction de Music from Outer Space Part I. Les puristes reconnaitront là ce même mouvement qui animait un certain titre très célèbre de l'album Encore deTangerine Dream. Mais peu importe! Schulze, TD et Ashra dominaient la scène à cette époque, donc il fallait sortir de quelque part et c'est exactement ce que proposait Bernd Kistenmacher. Le mouvement reste en suspension alors que des nappes plus orchestrales l'enveloppent dans une ambiance plus lyrique alors que peu à peu s'agite une masse de basses séquences et de percussions. Délicieux à découvrir dans un contexte assez complexe, Music from Outer Space Part I s'enfonce dans sa phase rythmique avec plus de mordant, mais toujours avec une retenue hypnotisante, tandis que les ions virevoltent avec fureur dans un tunnel où la liberté de mouvement est décorée par de superbes nappes anesthésiantes ornées de voix Elfiques d'un synthé qui échappe ses solos en boucles torsadées. Ces solos virevoltent comme ces graphiques circulaires qui vont et viennent dans un jeu de spirographes et ces voix angéliques qui fredonnent des aaaaah stridents que l'on peut confondre avec ces plaintes d'un synthé en mode alarme. Intense et cristallisant, Music from Outer Space Part I s'écrase dans une finale où les parfums de Mirage et de Body Love embaument nos oreilles. Un très bon titre qui affiche cette vitalité des années analogues mais avec un développement plus structuré que ces longues messes soniques improvisées de cette époque.
Du haut de ses 40 minutes, Music from Outer Space Part II ne fait pas dans la dentelle! Moins poétique et plus animé, la danse des séquences débute avec la voix brumeuse de Kistenmacher dont l'écho reflète les mots «Music from Outer Space» sur une belle séquence bien juteuse et très Berliner. Le ton est donné! Cette séquence sautille allègrement en solitaire avant qu’un synthé l'enveloppe d’un chant tout de même assez séraphique. Des nappes de voix se greffent à ce mariage minimaliste qui déjà introduit des nuances, tant dans le temps du rythme que les airs harmoniques. L'oreille s'attache à cette introduction minimaliste que déjà le titre plonge vers une autre direction, cette fois plus éthérée mais non moins sibylline vers la cinquième minute. Le mouvement initial du séquenceur sautille comme au début, sauf que cette fois-ci des nappes plus brumeuses, une brume bleue, caresse sa rébellion imberbe. De très beaux solos de synthé flottent là-bas. Leurs teintes nasillardes et leurs chants de charmeurs de serpents sont magnifiques. Les tic-tacs limpides de la séquence empruntent un manteau plus sombre alors qu'un nuage de brume bleuté ouvre la porte à un solo rotatoire où niche un mouvement de séquences qui papillonnent comme une main hyperactive sur un commutateur. Toujours très délicieusement envoûtant, le mouvement minimaliste de Music from Outer Space Part II se pare de belles nuances alors que le titre s'enfonce dans une vélocité qui dérape totalement en un chaos anarchique pour finalement ralentir la cadence dans un passage ambiosonique autour de la 28ième minute. Mais tout au long, Bernd Kistenmacher multiplie les nappes, les solos et les effets qui alimentent à satiété cette phase de confusion qui fera naître un autre très beau passage de rythme électronique dont les effets et la chaleur analogue sont les instruments d'une finale un peu plus éthérée.
J'avais oublié comment MUSIC FROM OUTER SPACE était à ce point un très bel album de MÉ. Monté sur 2 très longs titres dont les parcours minimalistes sont présentés avec des nuances, autant dans les rythmes, les harmonies et les effets d'ambiances, ce deuxième opus de Bernd Kistenmacher définit à merveille les complexités d'un univers spatial et poétique dans une enveloppe symphonique plus sibylline que parnassienne où les solos, les séquences et les effets révèlent toute les richesses de la MÉ.
Sylvain Lupari (17/04/2007) ****½*
Disponible au Bernd Kistenmacher Bandcamp
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