“Ceci est un merveilleux album de véritable Berlin School où les orchestrations voyagent le long de structures en évolution et de beaux solos de synthé”
1 Journey to Italy Part I 21:56
2 Cogni di B. (Dreaming of B.) 4:54
3 Journey To Italy Part II 33:43
4 Driving Home 5:40
(CD 66:53)
(Orchestral Berlin School)
Bernd Kistenmacher est un autre pionnier inconnu de la MÉ de style Berlin School. Celui qui fut considéré comme l'alternative à choisir pour entendre du Klaus Schulze nouveau genre, lorsque Schulze s'empara des collages symphoniques et d'opéras. Sauf que contrairement à Schulze, Kistenmacher est aussi silencieux qu'un barreau de chaise traînant dans le fond de la planète. Son dernier album, UN VIAGGIO ATTRAVERSO L'ITALIA, pour Un voyage à travers l'Italie, remonte à 2001. Un peu comme tous les artistes du genre, Kistenmacher cherchait à purifier son style et celui du Berlin School. D'ailleurs la pochette démontre clairement cette détermination à prendre une direction plus humaine. Sauf que le contenu ne va pas avec le contenant! Même dans une vision plus orchestrales, les harmonies se fusionnent sur une complexité rarement égalée pour une musique qui recherchait avant tout la simplicité du Nouvel Age. C'est ainsi que les gens d'ici ont appelé la musique de cet album. Si c'est vrai, eh bien Bernd a visé à côté de sa cible pour nous offrir un superbe Berlin School.
Journey to Italy Part I débute par une légère brise qui se transforme en une onde de vents fredonnés par une chorale absente. Un violon émerge de ce chant stellaire, initiant une monté de nappes orchestrales par une nuée de violons jouant un lent mouvement, comme un staccato ambiant. Un violoncelle se métamorphosant en une orgue éventre ces divines ambiances de son lourd archet pour insuffler le souffle des ombres. Le staccato arrive comme un galop timide dans un mouvement séquencé qui s'active un peu plus avec l'arrivée des pads de synthé coupés plus vivement. Ces saccades d'ambiances brumeuses servent de lit minimaliste, et angélique, à un long concerto de piano. Harmonieux, ce piano émiette plus de solos que de mélodies dans un style free-Jazz très acceptable pour mes oreilles. Une belle dualité d'ailleurs s'installe entre la vision acoustique et l'électronique orchestrale qui accompagne ce splendide piano aux modulations toujours angoissantes. Ce piano me fait d'ailleurs penser à la présence de Manuel Göttsching dans le In Blue Klaus Schulze avec des pirouettes harmonieuses sises entre des notes pincées aussi sèchement. Les parfums de Miditerannen Pads, avec une brise de Dreams, aromatisent les ambiances du parcourt arythmique du piano, qui reste le seul gestionnaire de la cadence flottante de Journey to Italy Part I. Cogni di B. (Dreaming of B.) est une superbe mélodie émiettée par un piano hyper mélancolique. Un titre à faire brailler un roc!
Journey To Italy Part II débute lentement. Une chorale séraphique étend une anesthésie pensive. Des carillons et une ombre montante forgent un léger mouvement ascensionnelle qu'une brume, plus dense que les voix, ensevelie, comme la caresse d'une maman attendrie. Des effets métalliques s'insèrent dans cette procession. Épars et comparables aux tintements des clochers angéliques, ils insufflent de fausses impulsions dans cette ouverture ambiante et d'ambiances astrale. Des filaments s'extirpent de cette carapace ouatée, autour des 8 minutes, poussant un rythme vif à relever ce défi d'ascension. En réalités, ils deviennent ces éléments en saccades qui supportaient les envoutements, comme ici, du piano. Sauf que les choses bougent bougrement avec plus d'entrain dans cette deuxième partie de Journey To Italy Part II. Les filaments deviennent des boucles oscillantes qui ceinturent l'axe rythmique en multitudes de boucles papillonnantes. Le piano est toujours aussi actif avec une mélodie animée sur cette masse qui se met à palpiter par le biais d'une ligne de basse distraitement vrombissante. Percussions, riffs en mode disco et une ligne de basses séquences nourrie comme du bon Pyramid Peak, ce vaisseau rythmique reste en suspension jusqu'à la 18ième minute. Oust le piano! C'est au tour du synthé de nous ensorceler avec de beaux solos qui chantent et entremêlent leurs différences sur un beat de techno pour zombies à la recherche de viandes. Des solos, parfois je pense à la période Body Love, qui deviennent plus vicieux et qui exploitent différents approches vocables sur un tempo subtilement plus agressif. Cette approche audacieuse fond doucement dans les vapeurs de brume, les solos gémissant comme des baleines échouées et le rythme respiratoire s'éteignant après une dernière série de battements tardive, d'une finale toujours lente à aspirer sa brume orchestrale.
Driving Home termine ce magnifique album de Bernd Kistenmacher avec une approche rythmique plus enjouée. On croirait entendre l'ossature du Antartica de Vangelis prisonnière d'une ballade électronique de Jean-Michel Jarre sur un fond mélodieux aux essences orientales. C'est beau, lumineux et entraînant. Et comme toujours, Bernd module sa musique en y apportant nuances et subtilités faisant de Driving Home une mélodie qui a tous ses sens et son sens!
J'ai lu ma première chronique au sujet de cet album et je ne comprends pas la vision que j'en avais à cette époque. Faut dire que c'était ma période morphine! J'ai réécouté cet album une demi-douzaine de fois cette semaine. Bien que le son ait très mal vieillie et qu'un repiquage s'impose, UN VIAGGIO ATTRAVERSO L'ITALIA est un magnifique album de vrai Berlin School. Un Berlin School orchestral où le piano impose sa vision autant qu'un synthé peut le faire, comme dans Journey To Italy Part II. Du grand et créatif Bernd Kistenmacher.
Sylvain Lupari (20/01/20) *****
Comments