“En dépit d'être très expérimental, Amarres Rompues montre toujours cette essence harmonieuse innée de Bertrand Loreau”
1 Le Vaisseau Fantôme Part I to IX 62:19
2 Le Bateau Ivre Part I to VII 58:21
(2 CD/CD-r/DDL 120:40)
(Experimental floating, melodic and rhythmic EM)
Des vents creux, chantants presque, secouent des brindilles soniques qui scintillent dans un sombre univers ectoplasmique. C'est de cette façon que la première partie de Le Vaisseau Fantôme Partie I atterrit entre nos oreilles. Par la suite, les neuf autres parties étendent des voiles musicaux aux couleurs aussi abstraites que les mélodies peuvent être évasives. AMARRES ROMPUES est à Bertrand Loreau ce que Beaubourg est à Vangelis; un album sombre où les frontières des expérimentations soniques sont par contre embrassées avec une approche mélodique fantomatique. Les ténébreuses lamentations du Yamaha DX-7 flottent comme des larmes en apesanteur, étendant d'oblongs soupirs aux réverbérations teintées de plasma ocré où s'invitent des mélodies dont les teintes écarlates infusent un immense voile de tristesse à un décor sonique qui flirte entre la cohésion et l'abstraction, comme la Partie III et sa noire mélodie contemplative qui erre dans un cosmos introspectif. Et ce n'est pas parce que c'est un univers plus expérimental que Bertrand Loreau renie ses approches mélodiques. Pas du tout! Dans tous ces vents, ces turbulences, ces remous et ces effets sonores cosmiques se cachent des bribes de mélodies qui pleurent dans les ombres de la dissonance. Comme dans l'enveloppant Partie IV (elles pleurent de solitude) ou encore le très angélus Partie VIII; deux titres aux fortes odeurs apocalyptiques à la Vangelis et le ténébreux mais combien romanesque Partie VII. Et si on veut se détendre des ambiances psychosoniques des Partie VI ou Partie VIII, Partie IX rattache les amarres rompues avec un superbe titre où Bertrand Loreau démontre qu'il maîtrise à la perfection les rythmes hypnotiques et musicaux, ainsi que les enveloppes harmoniques qui les recouvrent d'un séduisant linceul de nostalgie. Brillant ce titre!
Quoique nettement plus musical, LE BATEAU IVRE titube sur les mêmes longitudes ambiosphériques que Le Vaisseau Fantôme mais avec des spasmes de rythmes nettement plus agressifs, comme sur Partie I et ses séquences qui alternent les pas de la violence en concordance avec des nappes de synthé aux lignes métalliques assez pugnaces. Les ambiances sont toujours déchirées entre des rythmes aussi impulsifs que les disfonctionnements d'un robot déréglé alors que les mélodies étendent leurs tempéraments aux contrastes écorchées dans des arènes soniques peuplées par la rébellion. Il y a des titres plus musicaux, quoique toujours étoffé dans le complexe des réflexions d'un auteur qui pousse les limites de sa machine, et non le contraire, comme le dérangeants Partie II et la rage organique de Partie III. Mais il y a toujours des titres séduisants. Comme Partie IV et sa mélodie qui danse sur des accords de séquences sautillants, tout comme dans Partie VII et finalement le doux et très mélancolique Partie V. Ce sont tout simplement des pièces de mélodies égarées dans un brouillard d'expérimentations sonores.
Malgré son environnement sonique très expérimental, AMARRES ROMPUES propose des pièces de musique qui plairont autant aux amateurs de MÉ abstraite que mélodique, quoique la portion mélodique demande un peu de cran aux oreilles. Mais une fois bien dompté, bien assimilé, on constate que AMARRES ROMPUES reste la signature musicale d'un auteur qui, du fond de ses expérimentations soniques, n'arrivera jamais à cacher sa tendre touche d'harmonies mélancoliques.
Sylvain Lupari (13/01/14) ***½**
Disponible au Patch Work Music
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