“Correspondances est un album personnel qui est construit sur un banque d'échantillonnages et des bribes de mélodies pianotées sur un piano noir”
1 Correspondances I 25:36 2 Correspondances II 35:25 Patch Work Music
(CD 61:11) (Ambient, avant-gardist and concret Music)
Des bruits de voitures, ou de scooters, sur les routes. Une circulation fluide et dense! Des bruits de ville en éveil. Des pas dans un terrain maculé de brindilles. Des bruits de portes grillagées qui grincent. Du vent, des carillons, des voix et une flûte! Elle chante un chant mélancolique à travers des voix et des crépitements de feu et surtout sur les courbes des notes d'un piano aussi pensif que ces harmonies flûtées qui y flottent mollement. Cette flûte perd ses airs dans le brouhaha des autos qui perd son tintamarre dans des carillons d'église qui perdent leurs tintements dans les rondeurs d'une brève ligne de séquences. Et c'est le retour des crépitements d'un feu de jardin. Bienvenue dans CORRESPONDANCES! Bienvenue dans cet univers très personnel de Bertrand Loreau. Et ceux qui espèrent en ce tout dernier essai sonique du synthésiste de Nantes un album à la From Past to Past ou encore Spiral Lights, seront quitte pour un bon désappointement qui graduellement tournera en fascination devant cette mosaïque de sons, d'ambiances et de mélodies qui sont éparpillées dans l'œuvre la plus avant-gardiste de celui à qui l'on doit le superbe Nostalgic Steps en 2013.
Il y a peu à dire, ou beaucoup c'est selon, sur ce dernier opus de Bertrand Loreau qui se sert de la plate-forme de Patch Work Music afin de mettre sur le marché un album très intimiste. Un album dédié à Jean Paul Vince, un professeur de Français qui a initié Bertrand à la poésie et dont la musique a guidée ses pas vers son dernier repos, et qui possède tous les attributs de premières œuvres de Vangelis; Sex Power et Fais que ton Rêve soit plus long que la Nuit, aspect mélodie vivante en moins. Place à la mélancolie! Bertrand Loreau se promène ici sur les rives d'un passé composé avec de douces mélopées qui sont pianotées sur un piano, tantôt acoustique et tantôt électrique, dirigé par des doigts très nostalgiques qui ont tant à conter. Un pianiste dans un bar pour âmes en dérive qui erre sur les réminiscences de sa période de jeune adulte avec des morceaux choisis et insérés ici et là entre de longs parchemins d'échantillonnages qui sont reliés de près ou de loin à cette époque que Bertrand Loreau a capturé sur un magnétophone numérique. Ici pas de longs mouvements aux spirales et aux rebondissements cachés dans les lourds parfums de la Berlin School. On peut entendre certaines des influences musicales qui ont bercées la jeunesse de Loreau dans l'ouverture de Correspondances II, qui fait très Klaus Schulze période Moondawn, ainsi que ces séquences lourdes qui sautillent rondement dans un petit segment de l'ouverture de Correspondances I. Il y a aussi ces nappes de chœurs sibyllins et ces brumes mystiques qui sont des vestiges de la Berlin School. Mais pour le reste, nous sommes dans des territoires avant-gardistes. Bien que CORRESPONDANCES soit niché dans deux longs mouvements, il s'agit plus d'un album d'ambiances avec une pléiade de mélodies sombres. Il y en a plus d'une douzaine, dont quelques-unes qui sont forgées dans des six-cordes acoustiques et/ou aromatisées par une flûte pleine de sérénité. Ces mélopées sont tristes et semblent façonnées dans la solitude alors que certains échantillonnages, notamment les chants d'oiseaux et les babillements des chérubins, dictent une approche plus heureuse, plus sereine. Ces airs de mélancolie sont emmurés dans des murailles d'échantillonnages et d'effets électroniques qui amènent la musique sur les rives de la musique concrète et des œuvres très modernistes où l'électro-acoustique domine l'électronique. Comme on peut le constater, nous sommes loin de la Berlin School mais pas de la créativité. L'exercice peut sembler lourd, mais tout réside dans la façon d'aborder cet album. Si l'on se laisse aller et que l'on écoute une plage à la fois les oreilles bien rivées à un casque d'écoute, on se surprend à errer nous-mêmes dans les couloirs de notre cheminement. Là où nos souvenirs finissent toujours par se fondent peu importe où et peu importe qui, comme des correspondances entre des destins entrecroisés.
Sylvain Lupari (9 Décembre 2015) ***½**
Disponible au Patch Work Music
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