“Vous êtes à la recherche d'un superbe album de Berlin School rétro? From Past to Past est la réponse à votre quête”
1 Past Never Dies 38:04 2 Journeys Remains the Same 11:00 3 Flying Stones Over the Sea 11:24 Spheric Music |SMCD 6303
(CD 60:28) (Classic Berlin School)
Bertrand Loreau est un irréductible! Il est ce Gaulois qui défend le genre Berlin School rétro bec et ongles depuis ses débuts en musique. Toujours très imbibé de son approche nostalgique et surtout très romantique, il poursuit sa quête musicale inspirée par la musique de Klaus Schulze et Tangerine Dream avec des fragrances qui lui sont propres. Le genre donne un alliage de Berlin School aromatisé par une approche française toujours très poétique. Reminiscences, Journey Through the Past et Nostalgic Steps sont tous des titres d'album qui situent sans appel les orientations de Bertrand; un chic type qui mérite à être connu. Et ce FROM PAST TO PAST continue dans cette lignée. Flanqué de Lambert Ringlage, (quel retour!) et d'Olivier Briand (pour une 2ième fois), Bertrand Loreau signe ici l'album pinacle de sa carrière. Aussi direct que cela puisse paraître, FROM PAST TO PAST est son Stratosfear, son Body Love. C'est un album rempli de brumes de Mellotron, de solos et d'effets de synthé créatifs. Et aussi de mouvements de séquences en constante transition qui sont très imaginatifs. Un album qui s'écoute en rafale sans que jamais nous ne voyons le temps passé. Et ça débute avec ce titre canon qu'est la longue pièce introductive.
Past Never Dies débute cette dernière offrande du musicien français avec une nuée de nappes qui sont bourrées d'harmonies nasillardes. Des harmonies qui autrefois garnissaient les longues parades d'Adelbert Von Deyen avec des tonalités de vieil orgue dont les longues flûtes sont anesthésiées par des brumes d'éther. Le voyage dans le temps est bel et bien amorcé. Des bruits blancs, qui mûrissent dans des clapotis électroniques, donnent une touche astrale alors qu'un maillage de percussions et pulsations animent le décor d'un bref mouvement de rythme évanescent. Les nappes foisonnent avec des tonalités de métal imprégné de poésie, enrichissant l'introduction d'une irréelle enveloppe cosmico-industrielle qui peu à peu s'endort dans les brises d'Orion qui parsèment le décor lunaire de ce long périple de 40 minutes. D'autres nappes, aux tonalités plus contemporaines, rehaussent ce décor en dansant des valses cosmiques sur les va-et-vient de filaments de séquences qui disloquent leurs ions en de longs mouvements saccadés. Des ions qui s'entrechoquent et des mouvements qui s'entrecroisent dans un ballet rythmique ambiant dont les vives oscillations ondulent pacifiquement dans les caresses morphiques des brises des anges. Les bruits restent. Ils ornent cette dualité persistante entre la fureur des oscillations et de leurs rythmes statiques qui serpentent langoureusement des territoires astraux noués dans les célestes orchestrations de Past Never Dies. On atteint les 15 minutes et le trio Loreau, Lambert et Briand amène la musique vers une première phase plus tranquille. Une deuxième phase où le mouvement de séquences détache des ions solitaires qui gambadent plus paisiblement, un peu innocemment même, dans les chants et solos de synthés très créatifs. Même si délicat, le rythme réussi à saisir l'intérêt de nos hémisphères avec une ombre qui se détache pour danser dans les sillons, mais en contresens, de la ligne directrice. Le souci du détail reste la clé d'un long fleuve sonique qui avoisine les 40 minutes. Et ici, Bertrand Loreau ne néglige rien. Au travers les délicates permutations dans les ambiances et dans les rythmes, le synthésiste Nantais orne les transitions de mille nuances et subtilités qui contrecarrent une possible, et probable dans bien des cas, lassitude de l'écoute. Mais pas ici! Tout est tourné au quart de tour. Les ambiances transitent tranquillement dans la douceur des rythmes et ces derniers migrent vers des séquences soit un peu plus vives ou soit un peu plus rêveuses. Et d'autres séquences se détachent. Elles dansottent avec plus d'énergie, tissant un bon ver d'oreille rythmique afin de réveiller la troisième et dernière phase de Past Never Dies.
Nous sommes aux portes de la 29ième minute et le mouvement se fait violence. Les oscillations sont vives. Elles ondulent dans des chants magnétiques où virevoltent une nuée de bruits parasitaires sous l'égide de nappes de synthé aux arômes d'éther et de ces chœurs qui se perdent dans cette illusion sonique où chaque détail est tissé dans la complexité. Les séquences fustigent et voltigent. Y allant de vives ruades, comme de longues cabrioles dans l'anarchie des oscillations qui gardent par contre toujours cette fascinante approche d'harmonie dans les rythmes tempétueux. C'est de la grosse MÉ qui peu à peu atteint le cap de la complète sérénité vers les 33 minutes. Mais encore là les séquences dansent dans la réverbération de leurs cognements, un peu comme pour dire que Past Never Dies ne meurt vraiment jamais. Journeys Remains the Same aborde nos oreilles avec la même approche un brin sournoise qui faisait vibrer la deuxième phase de Past Never Dies. Le rythme est délicat. Il est brodé dans un maillage de séquences et de percussions électroniques dont les inlassables cabrioles forment une ligne de boucles minimalistes qui sautillent dans les harmonies d'un synthé, et de ses solos tissés dans du papier de rêve, avant de se liquéfier dans une finale bourrée de gaz d'éther. Une finale qui se fond à Flying Stones Over the Sea qui est dédié à la mémoire d'Edgar Froese, et qui est le titre le plus dynamique de l'album. Dans un mouvement plus vif, plus véloce les touches du séquenceur s'agglutinent et sautillent ici avec plus de force, multipliant boucles sur boucles frénétiques et oscillations sur oscillations furibondes dans des parfums d'un Mellotron qui étend ses nuages de brumes chargés d'éther. Les sons psychédéliques, les nappes morphiques et ce rythme effréné qui court de ses petits pas vifs à perdre haleine ne font aucun doute quant à l'esprit derrière sa conception. Et subitement tout est fini. Pas grave on recommence!
C'est ce qui vous arrivera à coup sûr lorsque vous déballerez ce dernier album de Bertrand Loreau. FROM PAST TO PAST est une véritable incursion dans le temps mais avec une philosophie d'écriture nettement plus contemporaine où la poésie, le romantisme et la mélancolie de Bertrand Loreau survolent avec grâce les subtiles transitions des deux longs actes de cet album. C'est une vrai fiesta du rétro Berlin School avec les meilleurs dans le domaine. Et Bertrand Loreau, tout comme Olivier Briand avec son étonnant The Tape, atteint le zénith de sa carrière avec cet album qui démontre que le genre a encore et définitivement de quoi à offrir si on fait preuve d'audace et d'originalité. C'est un superbe album. Un classique en devenir!
Sylvain Lupari (04/07/15) *****
Disponible chez Spheric Music
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