“Interférences est un superbe album où Bertrand et Olivier ont trouvé une brèche intemporelle pour infiltrer des couloirs inexplorés du Berlin School”
1 Interférences Part I 7:35
2 Interférences Part II 10:24
3 Interférences Part III 8:12
4 Interférences Part IV 8:24
5 Interférences Part V 9:38
6 Interférences Part VI 8:08
7 Interférences Part VII 15:07
(CD 67:29)
(Retro Berlin School)
Imaginons des lutins faire du ballet, pieds nus, sur un étang gelé. Imaginez le bout de leurs orteils effleurer la surface gelée. Leurs mouvements sont aussi doux que secs. En refusant de se geler les pieds, ils virevoltent avec une étonnante grâce dans des mouvements entrelacés. Vous avez la séduisante structure des rythmes de INTERFERENCES. C'est en l'espace de quelques jours seulement que Bertrand Loreau et Olivier Briand ont relevé le défi de composer une musique entièrement inspirée de la Berlin School et dédiée à leurs amis et collaborateurs du mouvement électronique français PWM Distrib. Puisant profondément dans le cœur de ses influences, qui passent de Klaus Schulze à Tangerine Dream en passant par Tim Blake, le duo Nantais appose une signature musicale unique à un album qui se démarque tant par ses structures tant rythmiques et morphiques que par sa musicalité.
On sent la parfaite symbiose entre deux univers musicaux dont les parallélismes s'entrecroisent indiscutablement dès que s'amorce Interférences Part I. Les premiers accords perdus qui tintent dans le vide, c'est Olivier Briand. Si le mouvement des séquences qui sautillent sur une suave ligne de basse est l'apanage des structures tant de Briand que de Loreau, les gerbes de synthé qui fusent dans d'oniriques chants harmonieux empruntent les envoûtants corridors cosmiques d'Olivier Briand. C'est le coup d'envoi d'un splendide album où le romanesque de Bertrand Loreau flirte avec les ambiances plus progressives d'Olivier Briand. Et cette emprise de Briand sur la musicalité de Loreau est nettement significative dans Interférences Part II qui est un long titre ambiosphérique dont les retenues peuvent nous rappeler l'introduction que Tangerine Dream tissait pour interpréter Stratosfear lors de la tournée 1986. Écouter de plus près et vous allez entendre. Ça éveille de bons et de beaux souvenirs. La douce musicalité de Loreau refait surface dans Interférences Part III. Un superbe piano perce l'opacité d'un maillage de tonalités hétéroclites pour faire chanter ses notes comme une étrange harpe céleste. La délicate harmonie est rejointe par un mouvement de séquences qui hoquète d'une séduisante mélodie incongrue. La structure de rythme claudique dans l'oreille avec une ligne principale qui zigzague tandis qu'une autre y sautille afin d'éviter de coincer ses touches titubantes. Ces deux structures coulent à contre-courant sous un duel de synthés qui arrose copieusement ce mouvement baroque de fins solos aux torsades et vrilles aussi acrobatiques qu'harmoniques. Je fais souvent une analogie sur les combats musicaux des deux compères Nantais et ça ne peut être plus probant que sur Interférences Part IV et ces échanges de solos qui font rage sur une superbe structure de rythme nourrie par des séquences qui gigotent furieusement de leurs tonalités analogues.
Nostalgique des années Body Love; Interférences Part V est pour vous! Le mouvement des séquences est fluide et sautille harmonieusement dans des vapeurs d'un synthé aux solos rêveurs. Une autre ligne de séquence s'amène et trace ce mélodique passage errant qui structurait les rythmes morphiques embrumés de voix séraphiques et d'embruns mystiques des belles années analogues de Schulze. Interférences Part VI se faufile dans la finale apaisante de Interférences Part V et nous fait goûter à cet étrange univers sonique d'Olivier Briand. Et cette fois-ci, le duo Nantais nous plonge dans les harmonieuses structures de rythmes de Tangerine Dream et de son magicien aux séquenceurs qu'était Chris Franke. Et l'union des deux réminiscences du duo se fond pour embrasser une structure de rythme lunaire plus près de Schulze. En fait, c'est comme si Schulze et Tangerine Dream auraient composé un morceau ensemble. Interférences Part V et Interférences Part VI sont le cœur de INTERFERENCES et l'un des très beaux passages en MÉ de style Berlin School cette année. Interférences Part VII s'accroche à nos oreilles avec une paisible ouverture qui me rappelle la délicate approche de Yes dans Soon. Les synthés versent des larmes qui font pleurer des chœurs déclamant dans la mélancolie alors que tranquillement trépignent des séquences qui attendent que l'étang dégèle pour faire courir le bout de leurs touches dans un furieux ballet sphéroïdal. Et c'est la symbiose des entités soniques opposées du duo éclectique qui fait le charme de ce long titre qui bascule entre la poésie et la dissonance des sens, témoignant de cette belle dualité entre les univers poétiques et théoriques de Loreau et Briand. Sauf que tout s'emboîte et fini par donner un long titre où les séquences batifolent sur place, servant de rempart bucolique à des synthés qui libèrent chœurs, harmonies et solos, confirmant que ces deux artistes aux approches qui sont aussi liées que des jumeaux de mères différentes peuvent créer une symphonie électronique libérée de toutes contraintes.
INTERFERENCES est un superbe album où Bertrand Loreau et Olivier Briand ont trouvé une brèche intemporelle pour infiltrer les corridors inexplorés de la Berlin School rétro. Le duo Nantais utilise à escient les sources de leurs inspirations et les ramifications de leurs disparités pour offrir un album où les doux rythmes morphiques embrassent à pleine musicalité des synthés aux harmonies toujours lyriques. Un indispensable pour ceux qui aiment le Berlin School des années analogues.
Sylvain Lupari (01/10/13) ****¼*
Disponible chez Spheric Music
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