“Difficile à apprivoiser? Peut être. Mais Souvenir Rêvé d'une Promenade Nocturne est plus qu'un album audacieux”
1 Saint Pierre 3:07
2 Jardin des Plantes 6:59
3 Gournerie 4:53
4 Nantes Atlantiques 3:00
5 Ile de Versailles 2:55
6 Grand Blottereau 3:40
7 Procé 5:33
8 Sainte Anne 3:11
9 Prairie aux Ducs 4:31
10 Quai des Antilles 2:53
11 Beaulieu 1:22
12 Jonelière 3:21
13 Beaujoire 7:16
14 Gare Sud 12:00
(CD/DVD 64:42) (V.F.)
(Experimental EM)
Ça fait du bien d'entendre un Bertrand Loreau plus audacieux. Ça signifie que l'homme est en plein contrôle de ses moyens et qu'il n'a pas peur de sortir de sa zone de confort. Entendre les images, faire parler leurs pixels. Ce n'est pas une mince affaire. C'est un projet audacieux que le barde électronique de Nantes a accepté de relever en laissant parler sa vision et en laissant planer ses émotions nocturnes, comme les ailes d'un prédateur diurne pourchassant les beautés des songes de nuit, sur les panoramas du photographe Lionel Palierne. L'univers de SOUVENIR RÊVÉ D'UNE PROMENADE NOCTURNE est de complexité et abscons avec 14 tableaux musicaux qui dépeignent 14 endroits de Nantes habillé de ses nuits où le silence respire à coups de secrets. Bertrand Loreau réussit à merveille à soutirer les ombres du silence d'une centaine de photos en forgeant des structures abstraites où foisonnent des bribes de mélodie qui démontrent toute la tendresse et la poésie méditative déchirant et tourmentant l'introspection de Bertrand Loreau. Au-delà de ses apparences expérimentales SOUVENIR RÊVÉ D'UNE PROMENADE NOCTURNE est une œuvre éclectique où la poésie de Loreau s'écoute à travers ses ambiances, ses peintures sonores abstraites et de douces incursions dans ses ruelles laminées de Berlin School. De Vangelis à Tangerine Dream, Loreau réussit tout un tour de force en donnant vie à la mort du jour.
Des pas sur le pavé, les aboiements d'un chien et les trots d'un cocher fantôme qui résonnent dans des vents sifflant la colère de la noirceur et les siffles des badauds errants, Saint Pierre offre toute la panoplie des contradictions de la vie nocturne Nantaise. Si les images de Lionel Palierne sont belles, la musique de Bertrand Loreau lui trouve des significations opposées avec ces tonalités d'un regard de verre qui embrassent les images parfois surréelles du Jardin des Plantes. C'est un univers organique qui respire à travers ces photos, amenant l'auditeur dans un mode de réflexions à connotations invisibles. Les statues du jardin poussent Jardin des Plantes jusqu'à une danse des oscillations et des pulsations. Le ciel est fardé de stries cosmiques et de lamentations nécromantiques qui embrasent un rythme électronique dont les impulsions répétitives embrassent une vie morte qui se pousse en train. C'est un des bons moments qui s'introduit dans une forêt de criquets aux ailes métallisées avec Gournerie. Nous tombons dans la phase pure organico-ambiante de cette fascinante fusion artistique entre Loreau et Palierne. Nantes Atlantiques s'orne de souffles de métal et de mugissements organiques qui se chamaillent la vie nocturne de l'aéroport de Nantes. Ile de Versailles offre une fine structure de rythme qui épouse les influences de Edgar Froese et de Vangelis, alors que Grand Blottereau propose une douce rêverie nocturne à la Française avec des sons d'accordéon perdus dans des brumes bleues qui recueillent les pleurs d'un synthé à la dérive sentimentale. Nous sommes sans l'ombre d'un doute dans le plus beau passage de cet album alors que Bertrand Loreau continue de faire pleurer ses synthés dont les larmes minimalistes coulent sous les lamentations torsadées de Procé qui étend une fascinante procession mélancolique, tout comme le très beau et très poétique Sainte Anne qui pleure et pleure de sa mélodie sombre, faisant jaillir un fin ruisseau de séquences qui dansent dans l'oubli. C'est du grand Loreau. Après deux titres aux visages musicaux abstraits, Beaulieu offre un fin carrousel chatoyant comme les mélodies bleutées du Dream. Jonelière nous replonge dans le vide intersidéral d'une nuit qui se meurt alors que Beaujoire épouse à merveille ses natures mortes avec des pépiements et gargouillis électroniques avant d'offrir une superbe approche séquencée où les ions dansent à perte de vue. Tournoyant comme l'ivresse dans le bonheur, le titre respire la vie sous des souffles flûtés à faire rougir Peter Baumann. Gare Sud est tout simplement magnifique. Après une intro de mystères éthérés et d'élucubrations des machines, la course sur le pavé reprend. Ces bruits de sabots forgent un tempo alambiqué qu'une ligne de séquences remodèle en comptine pour errants. Un superbe passage unique à la tendresse de Loreau qui égrène les dernières minutes de l'album avec une magnifique ritournelle carousellée où l'univers s'arrête pour regarder danser les anges. Un moment d'égarement s'installe et ce sont les sabots qui dansent en clopinant dans des cendres fumigènes qui réaniment la vie, alors que la séquence revient épouser cette approche onirique qui respire le drame à la Halloween. Dommage que la finale réveille le jour.
Offert dans un coffret CD/DVD, l'effet sonore est renversant sur le DVD, SOUVENIR RÊVÉ D'UNE PROMENADE NOCTURNE est une œuvre inspirante qui s'adresse aux amateurs de dialectes électroniques et de bruits d'ambiance. Des bruits et des sons d'une fusion d'un alchimiste contemporain toujours en quête d'une recherche artistique à la hauteur de ses visions. Vous ai-je dit que Bertrand Loreau est plus audacieux que sublimement lyrique?
Sylvain Lupari (04/06/13) *****
Disponible chez Bertrand Loreau Musique
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