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Writer's pictureSylvain Lupari

BOUVETOYA: Interstellarphonic (2014) (FR)

“Bouvetoya atteint un sommet avec un album et un motif musical auxquels nous accordons très peu de chances de surprendre”

1 The Dawn of the Interplanetary Nation 9:38 2 26 Prosperina 16:08 3 Radio Jupiter 22:2 MHz 12:14 4 The Pillars of Star Creation 15:18 5 Heart of the Magnetar 7:56 SynGate | CD-r MJ02

(CD-r 61:14) (V.F.) (Vntage and New Berlin School)

C'est dans les douceurs intersidérales que débute ce deuxième album de Bouvetoya. Des nappes de synthé brumeuses et de chœurs ambiants étirent un refrain astral avec de délicates intonations qui cassent une possible monotonie. Des accords errent dans ces brumes cosmiques, rappelant la douce intro de The Dark Side of the Moog IX, du tandem Namlook/Schulze, qui se perd dans les brouillards ambiants de Pink Floyd et de son Wish You Were Here. D'autres accords se greffent. Ils se dandinent avec des pas de loups et leurs ricochets dansent avec leurs ombres. Le rythme de The Dawn of the Interplanetary Nation se profile avec les plus beaux atouts des mouvements minimalistes. Les ions pressent le pas et s'agglutinent en un mouvement saccadé qui prend de l'ampleur sous des riffs de synthé à la Tangerine Dream et des solos de synthé torsadés a la Pyramid Peak. Suivant une délicieuse évolution, et colligeant ici et là tous les ingrédients qui moussent son charme, le rythme de The Dawn of the Interplanetary Nation augmente la cadence, modifiant subtilement ses intonations, pour épouser une chevauchée rythmique dont le débit, de plus en plus accentué et de plus en plus saccadé, court sous une salve de solos aux courbes aussi boudinées que ses chants ectoplasmiques.

Contrairement à Subtractivate, les 60 minutes of INTERSTELLARPHONIC tanguent entre les envoûtants charmes de la rétro Berlin School et les plus hypnotiques de la New Berlin School. Nous sommes dans un carrefour sonique où Klaus Schulze et TD rencontrent Software et Pyramid Peak, mais dans une enveloppe morphique qui rappelle les moments d'éther de Neuronium. C'est ce qui saute aux oreilles avec 26 Prosperina et sa longue intro morphique tapissée de chœurs cosmiques et de poussières de prisme. De fines intonations modifient les couleurs de cette lente procession ambiante qui tranquillement dérive vers une phase plus interstellaire où des pépiements cosmiques et des réverbérations noires convergent vers de lourdes nappes aux tonalités de vieil orgue. Ces 10 premières minutes passent plutôt bien. La richesse sonique de cette intro est telle que nos oreilles en restent captives. Et c'est sans doute pour cette raison que le lourd mouvement de dandinement des séquences ne nous paraît si loin. Assez simpliste, mais très accrocheur, cette portion de rythme de 26 Prosperina se balance comme un volumineux gobelin. Un magicien des pas lourds qui fait bouger ses ions avec grâce et agilité, tout en prenant bien soin d'amasser ici et là des perles qui bruitent dans des nappes et solos aux saveurs aussi vintages que contemporaines. C'est noir et lourd, comme si on mélangerait du TD avec Arc.

Radio Jupiter 22:2 MHz présente une intro d'un genre plus chthonien avec des chœurs sombres et leurs passifs chants monasterial qui flottent dans le mysticisme des ondes de synthé ondoyantes. Des beaux chants de flûtes s'invitent dans cette intro où un fascinant effet d'écho ajoute une profondeur à un titre qui quitte les abysses pour respirer une approche plus cosmique à la Jean-Michel Jarre. Des lignes de rythmes émergent. Leurs séquences piaffent d'impatience. Leurs tonalités basses courent en tout sens dans une figure de rythme statique désordonnée et bercée par des ondes de synthé astrales et picorées par des effets sonores cosmiques. Le rythme se dégage peu à peu de son cocon d'éther, accélérant une cadence qui déploie de grands zigzags qui sont toujours trappés dans une lourde ambiance cosmique et de ses charmes soniques parfois très biscornus. L'introduction de The Pillars of Star Creation suit la philosophie des ambiances versus les rythmes qui enrichie les 3 premiers titres de INTERSTELLARPHONIC. Plus noire et plus bruyante, l'intro regorge toujours de nappes et chœurs chtoniens qui flottent avec des solos torsadés dans des gazouillis et des pulsations glauques. Le rythme, plus délicat, se pointe vers la 9ième minute. Il précède un délicieux moment de méditation avec de belles nappes aux tonalités d'orgues et épouse la courbe lunaire des enivrants mouvements de Klaus Schulze sur Body Love. C'est très beau. Heart of the Magnetar termine ce 2ième album de Bouvetoya avec une autre délicate intro morphique où de chaudes brises chantent des airs spectraux. De lourdes réverbérations se saisissent de ce délicat parfum de sérénité, plongeant Heart of the Magnetar dans un sordide univers sonique où la force du mouvement réside dans son intensité. Une intensité nourrie de pulsations et d'impulsions et dont le maillage dessine un fascinant et puissant rythme ambiant.

Non, Subtractivate n'était pas un accident de parcours, ni un coup de chance! Ce petit projet de MÉ qui nous vient de la Norvège mélange talent et créativité dans un pattern musical auquel on accorde que très peu de chances de surprendre. Oui la Berlin School vintage séduira toujours, mais surprendre? Ce n'est pas toujours évident. Et pourtant, Bouvetoya y parvient. INTERSTELLARPHONIC se démarque avec un savoureux croisement entre ces deux genres dont les antipodes cohabitent avec des ambiances un peu plus progressives où le gothique et le cosmique sont des alliés pour embraser des rythmes aux formes et tonalités à chaque fois différentes, à chaque fois séduisantes.

Sylvain Lupari (20/09/14) *****

Disponible au SynGate Bandcamp

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