“Ce que nous avons ici est un magnifique album qui fera revivre votre flamme pour la vieille et audacieuse Berlin School”
1 High Flying Jets 17:29 2 Machines for Collective Living 8:30 3 Colour the Blue Sky 11:18 4 Zenit 14:52 SynGate | MJ06
(DDL/CD-r 52:11) (V.F.) (Berlin School)
Michael Jones avait laissé ses empreintes dans une MÉ aventureuse et progressive avec la muraille de grésillements qui cernaient les brefs élans de rythmes des années analogues sur Super High Frequency; un album qui demandait quelques écoutes avant de se laisser fasciner par son étrange pouvoir attractif. Plus accessible, MACHINE FOR COLLECTIVE LIVING possède tous les éléments pour charmer les amateurs de cette époque où Klaus Schulze, Tangerine Dream, Ashra et Jean Michel Jarre usaient leur imagination afin d'ajouter ces nouvelles textures soniques qui allaient changer la façon de créer des ambiances, des rythmes et des harmonies à partir d'instruments sophistiqués. L'histoire ne dit pas ici si Bouvetøya façonne sa musique à partir des mêmes instruments, sauf que le standard de créativité est bel et bien atteint. Et mes oreilles ont bien entendu ici un petit bijou qui nous fait voyager dans le temps à bord d'un petit drone, un instrument de modernité trappé dans les vestiges du passé.
Une explosion ouvre les atmosphères plutôt glauques de High Flying Jets. Il y a des résidus de Super High Frequency sur cette ouverture qui est judicieusement recouverte de belles nappes aux tonalités de vieil orgue qui n'est pas tout à fait au point. Michael Jones sculpte ici une ouverture vers les couloirs du suspense avec ces nappes qui subdivisent lignes et harmonies spectrales avec un calme sidérant. Dans ce dédale de brises d'un Mellotron qui courtise les mouvements planants de Klaus Schulze, ainsi que les graves harmonies torsadées de Pink Floyd, l'ouverture de High Flying Jets évolue avec intensité jusqu'à ce qu'un superbe et envoûtant mouvement du séquenceur fasse onduler ses ions à la porte des 10 minutes. Les séquences culbutent en ruades souples et fluides, forçant notre pied à suivre un rythme électronique qui se sauve des étreintes ambiantes. Et tout ce qui flotte autour est de la pure magie avec des parfums de vieux Tangerine Dream qui ensorcèlent même la danse des séquences. Un superbe morceau de MÉ avec un délirant parfum d'authenticité. La pièce-titre est un fascinant écran d'ambiances industrielles où roulent de nombreux solos d'un synthé en mode: CHARME! Un synthé mélancolique qui étire ses solos harmoniques avec des parfums de Vangelis et Tangerine Dream dans un cosmos sculpté par Jean-Michel Jarre. Ça coule entre les oreilles…Vous n'avez pas idée comment!
On tombe instantanément dans la marmite à charmes de MACHINE FOR COLLECTIVE LIVING avec Colour the Blue Sky. Ici le rythme ne se fait pas attendre! Il rôde dans les couloirs ambiosphériques d'une introduction dense de ses brumes éclectiques mise en scène par un Mellotron sinistre. Il expire par quelques séquences égarées avant de prendre le contrôle autour des 3 minutes. Il sautille avant de courir et de faire des zigzags sous les attaques d'effets sonores à la Michael Garrison, admirez la richesse des influences ici. Le mouvement est anarchique et notre attention est tellement portée sur ce mouvement qu'il faut quelques secondes avant de remarquer ce synthé qui libère des fluides harmoniques d'une rare beauté tout au long du titre. Et c'est là que nous remarquons la richesse de cet album de Bouvetøya. Les machines possèdent une âme. Que ce soit le séquenceur, les synthés ou le Mellotron. Tout ce qui respire autour de cet album possède une âme analogue digne d'un musicien qui a fait ses classes, qui a maturé au fil de ses albums. C'est évident sur Colour the Blue Sky qui au final est un très beau titre. Zenit propose une longue introduction d'ambiances forgée par une nuée de brises aux couleurs et aux effets contrastants. Tant que l'on peine à séparer les éléments naturels des souffles industriels. Dans ces moments sombres de MACHINE FOR COLLECTIVE LIVING, je sens un effet de ressac menaçant qui se couche très bien avec la citation d'Aldous Huxley sur la pochette: Maybe this world is another planet’s hell! Le rythme émerge à la barre des 6 minutes avec un mouvement circulaire du séquenceur qui tournoie avec de belles nuances dans ses spirales sous les denses vapeurs harmoniques de Mellotron. Il s'agit d'une courte idylle entre rythme et effets, tandis que Zenit plonge dans un vide intersidéral qui est comblé par une chorale séraphique et une délicate flûte éthérée. Une structure de séquences ronronne en arrière-plan, nous rappelant bien que ce dernier album de Michael Jones respire autant de ses ambiances, ses rythmes et ses envoûtantes mélodies que l'on saisit sur le tard. Un splendide album mes amis qui ravivera votre flamme du vieux Berlin School audacieux.
Sylvain Lupari (28/09/2017) ****½*
Disponible au SynGate Bandcamp
Comments