“Un album splendide avec cette balance parfaite entre ses inspirations, sa génération et ses ambiances, ce Nhoorh offre une vision de Berlin School qui a trouvé de nouvelle sources”
1 Arrival 2:47 2 At the Windswept Planes of Nhoohr 14:16 3 Clouddancing 10:13 4 The old Forest 6:23 5 Strange Lands 11:27 6 Perihelion 5:19 Breidablik Music
(DDL 50:28) (Berlin School)
La marche était assez haute afin de survivre à un album aussi imposant que Penumbra! Sauf que Morten Birkeland Nielsen n'en n'a cure et réalise un autre petit bijou musical qui m'a amené dans les territoires de Phaedra et Stratosfear, mais dans une tonalité tellement sombre qui m'a rappelé les meilleurs moments de Jim Kirkwood, ce brillant artiste Anglais trop méconnu. En fait, NHOOHR surpasse Penumbra surpasse ce dernier album de avec une signature sonore mieux définie où l'aspect ténébreux de sa musique est moins embué dans un tissu lourd et étouffant. De plus, l'ami Morten ajoute des instruments à son arc, je pense notamment aux guitares, restituant ainsi une texture musicale très précise. Les mellotrons? Ils sont toujours présents et soufflent des voiles de flûtes et de voix éthérées qui donnaient ce cachet si fantomatique à la MÉ analogue du début des années 70. Breidablik ajoute aussi une faune organique à son décor funèbre, m'amenant ainsi dans sa toute dernière aventure musicale mirifique où je n'ai pas eu à forcer mon imagination pour voyager à l'intérieur des 6 chapitres soniques de cet imposant album où le Berlin School rétro retrouve de nouvelles sources de son origine.
NHOOHR est une contrée imaginaire où les plantes et les animaux vivent et s'épanouissent en toute liberté, sans les traques et la destruction des hommes. Donc, une intuition de terres vierges et abondantes colore nos oreilles de la vision de Breidablik. L'ouverture est usuelle avec une onde sonore qui se lève en libérant ses radiations réverbérantes. Il y a un peu de musicalité dans Arrival et beaucoup d'intensité avec une levée de nappes, certaines prismiques et d'autres plus sombres, qui insufflent une vitalité à ces ambiances et dont l'atténuation résulte en des brises nébuleuses qui nous amène à l'orée d'une forêt intrigante avec ses croassements de corbeaux. Chaque titre étant indépendant, At the Windswept Planes of Nhoohr s'ouvre un peu de la même façon, sauf que le synthé jette des souffles harmonieux qui ondulent lentement dans une braise fumante. Un mouvement du séquenceur libère alors une ligne qui ondule vivement, structurant un rythme fluide et entraînant fortement marqué par les influences de Phaedra. Pour les prochaines 6 minutes, le débit rythmique enivrera vos sens! Outre ces effets de clapotis qui y ruissellent, des voiles sibyllins, des stries écarlates, des fredonnements en deux teintes survolent et emmitouflent cette escalade vertigineuse crevée de subtiles variations dans ses oscillations un peu avant la barrière des 7ième minute. La furie devient alors ambiance avec des nappes de poussières granuleuses poussant ses nuages autour d'une rivière et de ses cercles dansants, guidant la 2ième phase de At the Windswept Planes of Nhoohr vers un moment céleste avec des nappes orchestrales et une chorale séraphique. Un noyau de réverbérations s'y trouve. Il projette ses rayons dans un décor lugubre assujetti par des nappes d'orgue patibulaires. L'eau continue de faire danser ses clapotis, chassant les éléments ténébreux afin de faire miroiter pour quelques secondes un dandinement sans doute égaré du séquenceur devenu tellement limpide dans cette finale.
C'est dans un esprit de fantaisie que s'ouvre Clouddancing. Le séquenceur trace un ballant sourd qui se dandine dans les souffles d'un Mellotron hybride, soufflant son air précieux avec une vision bucolique. Une guitare infiltre ces ambiances avec des solos harmonieux qui chantent dans un univers tinté de clochettes. Épousant le dernier souffle de la six-cordes électrique, le synthé injecte des lamentations acérées qui sont comme un fil de rasoir entre nos oreilles. L'univers devient moiré des filets de voix auréolées d'un baume abscons qui enfoncent la musique dans une zone noire. Des tonnerres grondent et les vents cessent de façonner ces fascinantes intrigues ventées, amenant Clouddancing vers une 2ième phase animée par un fluide mouvement ascendant du séquenceur et de son rythme électronique courant et zigzagant sous un ciel noirci de vents, de voix et de cliquetis d'un univers parallèle qui a tous les éléments des sectes chthoniennes. The old Forest est un splendide titre qui possède tout le mysticisme de son sens. Qu'est-ce qu'une forêt sans pépiements d'oiseaux et de ces brises qui chatouillent son dense feuillage? Une guitare acoustique fait la conversation avec la nature qui lui répond avec les clapotis et le miroitement de ses cours d'eau. Une ombre sombre jette un voile occulte qui devient amplifié par les cris de corbeaux et par une douce avalanche de strates d'un Mellotron et de ses chants si mystérieux. Un bref passage ombrageux avant que les beautés de The old Forest ne reprennent ses droits. La couleur des tons de Strange Lands, à tout le moins son introduction, nous ramène aux ambiances chthoniennes que sont les nombreux panoramas soniques du Berlin School rétro. Des nappes de voix et de brume flottent ici, alors que discrètement le synthé éparpille des airs étranges dans un massif magma de sons toujours en mouvement. Le chant des synthés semble annonciateur de jours meilleurs alors que l'ensemble des ambiances semblent pourtant s'épaissir et dominer les premiers instants d'une musique ténébreuse qu'un marécage semble contenir. La faune de ce marais pétille dans nos oreilles avec de bons échantillonnages, déplaçant la portée mystérieuse de ces ambiances vers une entrée souterraine où dansent lutins, Elfes noirs et orques de tous genres qu'un mouvement d’un séquenceur tente d'échapper avec une course fluide mais étouffée. Un délicieux Berlin School vintage! Perihelion conclut NHOOHR dans un tout autre registre. Le rythme est très entraînant sans voile ténébreux mais une belle enveloppe limpide qui amène la musique vers un rock électronique accrocheur qui pourrait servir aisément de rappel. En fait, c'est exactement sa portée sur NHOOHR qui est un superbe album de MÉ comme on aimait les découvrir à l'époque. L'édition de 250 copies vinyles est déjà épuisée et l'album sortira seulement qu'en téléchargement à la mi-février. Dommage! Vraiment dommage que la musique en soit rendue là!
Sylvain Lupari (14/01/19) ****½*
Disponible au Breidablik Bandcamp
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