“C'est le dernier tour d'une série qui n'a aucune raison de s'éteindre”
1 Devolved 16:00
2 Solitude of Motion 11:16
3 Configure 10:42
4 On Air 13:24
5 The Final Passage 20:23
(CD-R/DDL 71:47)
(Berlin School)
Des woosshh, des battements névrotiques sourds et des effets électroniques, tant chtoniens qu'astraux, sont à l'origine de la dimension de Devolved. Brendan Pollard ne dépasse pas 70 secondes à nous faire visiter les limbes de ce qui reste des armoiries de Tangerine Dream que déjà le rythme sourd devient un fluide mouvement zigzaguant du séquenceur. Une autre ligne s'installe sous des mugissements des synthés, donnant un air de course à ce premier titre à nous plonger dans les ambiances de ISOLATED PASSAGES THREE. Des nappes de voix survolent ces deux lignes de rythme de même que des airs vocables d'un synthé sculpteur d'ambiances surréalistes. Il y a ces battements qui vont et viennent pour dérégler un peu ce parcours titanesque du pur Berlin School que Brendan Pollard rappelle sobrement en dispersant des bribes d'harmonies soutirées au Mellotron. Le rythme devient légèrement convulsif, comme un pantin désarticulé qui refuse d'abdiquer, dans un élan soutenu et fortifier par des accords qui vont et viennent orner sa vitesse. Vitesse qui petit à petit croule sous le poids de ce que transporte le séquenceur et qui amène ce train fou de Devolved à une phase où tout est sombre et entouré des murmures de brouillard quelque 10 minutes plus loin. Une terre de woosshh granuleux et de son orgue qui jette un voilé ténébreux sous des lézardes de réverbérations. Une petite phase de près de 3 minutes avant qu'une forme de ventouse caoutchouteuse fasse vibrer les ondes assujetties à une colonie de moines méphistophéliques.
Un 3ième volet Isolated Passages? Pourquoi pas…Brendan Pollard a plus d'un tour dans son sac pour nous garder les oreilles bien rivées à ses compositions qui se traduisent par du toujours très bon Berlin School pour les aficionados du genre. ISOLATED PASSAGES THREE est annoncé comme étant le dernier album d'une série de 3 débutée il y a à peine 1 ans. Pour plusieurs, l'exploit semble banal. Il n'a qu'à ouvrir ses équipements et se mettre à improviser afin d'y ajouter de la viande autour de ce nouvel os. Mais la passion et la façon! Brendan les possède tout en étant assez créatif dans la façon de tout rabouter ensemble. Ce dernier volet ressemble au dernier qui lui ressemblait au premier. Malgré tout le musicien-synthésiste Anglais réussit à y introduire des éléments contemporains dans des textures conçues il y a déjà plus de 50 ans. Tout un exploit vous me direz! Mais lorsque a la passion et la façon y sont, il n'y a plus, ou presque, de comparable.
Solitude of Motion démontre que l'on peut ficeler du vieux et que l'on peut le détacher comme un neuf! Dans une introduction pigée dans les effets sonores des années Ricochet et Rubycon, une onde zigzagante et réverbérante s'acoquine à une douce air flutée dans une vision luciférienne. Une première pulsation se forme et son débit sautillant va de pair avec les lézardes réverbérantes qui tentent d'illuminer les ténèbres de Solitude of Motion. Sa cadence molle reçoit le support d'une autre ligne qui dessine des zigzagues comme un train roulant sur des torsades tubulaires. Le synthé balance des filets d'harmonies réverbérantes sur cette structure à deux vitesses statiques. Et comme dans Devolved, cette plus lente avancée rythmique se termine autour des 8 minutes, plongeant le titre dans un univers de woosshh et de waasshh. Un univers de bruine sonore d'où sortent ces étranges, pour ne pas dire sordides, borborygmes d'une créature affamée. Les battements résonnants de Configure ne perdent pas de temps pour interpeller le séquenceur qui libère illico une ligne de rythme plus fluide et surtout plus pesante que dans Devolved. Le mellotron recouvre ces premiers instants d'un Berlin School dont la lignes ascendante entraine des tintements de petits carillons. Le mellotron revient avec une nappe d'une chorale monastérielle où se multiplient des boucles d'harmonies ambiantes sur les battements stoïques et résonnants de la basse du Moog. Hypnotique et magnétisant, le rythme nous tient éveillé jusqu'à la finale. Éveillé car dès lors surgit le mouvement de On Air et sa suite sautillante d'arpèges limpides fixée à un séquenceur en mode Berlin School. Ce très beau moment en musique s'évade sur son parcours de 13 minutes avec de très beaux solos de synthé harmonieux dans une structure de MÉ qui a tout du vieux Berlin School dans une peau rafraichie par une forme de renouveau. Excellent! The Final Passage veut tout dire! Du haut de ses 20 minutes, le titre doit amputer plus de 9 minutes dans une introduction libérateur pour les synthés analogues et modulaires. Libérateur puisque Brendan éviscère leurs interstices dans une suite de bruits bizarres mélangés à d'autres plus conventionnels au genre. Le rythme est pulsatoire et bat la mesure dans un couloir orné des nappes d’un vieil orgue à rock progressif. Le rythme est entrainant et fait entendre les cliquetis d'un double qui suit son ombre avec une autre ligne dont le faux-pas stimule sa vitesse alors que tombent ces magnifiques solos de synthé aux harmonies de trompettes apocalyptique. Il y a du Edgar Froese ici comme ce n'est pas possible. Le séquenceur trouve toujours une façon de donner du jus à sa ligne de rythme principale en y insérant des ions qui modifie une structure toujours alimentée pour plaire aux plus réfractaires des derniers amants du trio Franke-Froese-Baumann dans un dernier tour de piste d'une série qui n'a aucune raison de s'éteindre tant le talent, la passion et la façon de faire de Brendan Pollard nous étreint les oreilles toujours avides de ses intrusions dans le genre.
Sylvain Lupari (14/04/21) *****
Disponible au Brendan Pollard Bandcamp
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