“Live in Concert 2006 est un très bon prequel à Flux Echoes”
1 Aquatic Caplet 26:25
2 Fluxy, Flangey, Phasey Bollox 25:17
(CD/DDL 51:42)
(Berlin School)
À chaque fois que j'écoute un album inspiré dans les cendres nostalgiques des sombres mouvements séquencés des années analogues, du genre Phaedra et Stratosfear de Tangerine Dream, j'ai certaines appréhensions. Est-ce que le filon n'a pas été assez exploité pour en sortir d'autres musiques intéressantes? LIVE IN CONCERT 2006 Part 1 de Brendan Pollard n'est pas composé de matériel original. C'est un album de MÉ improvisée qui précédait les grandes lignes créatrices de son œuvre charnière Flux Echoes sorti en 2007. Enregistré dans le cadre du festival E-Live à Eindhoven, Hollande, en Octobre 2006, LIVE IN CONCERT 2006 Part 1 est un voyage au cœur des souvenirs musicaux qui ont subjugués tant d'aficionados de musique progressive électronique des années 70. C'est aussi un voyage dans les rythmes et ambiances d'un album phare qui allait devenir le laisser-passé de Brendan Pollard dans le cercle des immortels de la MÉ contemporaine.
Divisé entre ses phases psychédéliques et ses rythmes séquencés évolutifs Aquatic Caplet évolue comme un projet architectural auquel s'affaire un Brendan Pollard au sommet de sa créativité. L'introduction est tarabustée par des coups de rames qui fracassent avec éclat une eau stigmatisée et des gros cognements métalliques qui retentissent dans une brume échoïque, stimulant les cris perçants d'un oisillon créé dans les sonorités d'un synthé aux multiples tonalités hybrides. Cette enveloppe sonore truffée de tonalités disparates et métalliques meublera les phases psychédéliques tonitruantes de ce long titre aux structures multiformes. Nos oreilles, encore sous le choc d'un tintamarre sans musique, discernent un limpide mouvement séquencé qui subdivise ses touches scintillantes. Les séquences s'entrecroisent dans un fin ballet linéaire qu'une résonnante ligne de basse supporte de ses doux ronronnements, dessinant une approche rythmique fluide qui tourne sur elle-même et dont les harmonies tissées par les synthés nagent dans des souvenirs harmoniques de Stratosfear et ses chœurs chtoniens errant sous de superbes nappes de flûtes enchanteresses. L'approche mélodique est séduisante et coule comme un fin lasso harmonique qui roule en boucle sur une structure de plus en plus animée par un courant séquentiel nerveux et plus accentué. Le rythme instauré par ces séquences subdivisées s'efface peu à peu alors que Aquatic Caplet plonge dans une première phase psychédélique et atmosphérique où une panoplie d'effets sonores carillonnés tintent dans un néant bourré de souffles métalliques, de chuchotements paranoïaques et de l'écho des coups de gourdins, rappelant les phases plus expérimentales du Dream. Et le rythme reprend vie autour des 11 minutes avec cette ligne de basse résonnante et ces arpèges séquencés qui gambadent et brillent d'une approche rythmique incohérente qu'une délicate flûte brumeuse caresse de ses voiles létaux. Et c'est ainsi que se déroule Aquatic Caplet! Traversant 3 phases psychédélique-atmosphériques, les rythmes restent toujours souples et délicats, tracés par des séquences avec des touches qui alternent et s'entrecroisent dans des tonalités de verre. Ils permutent, tant dans leurs formes que leurs tonalités, amenant ce premier long titre de LIVE IN CONCERT 2006 Part 1 dans de délicieuses danses morphique que des chœurs errants et des flûtes rêveuses caressent et supportent d'une enveloppe harmonique tirée des vestiges de Stratosfear et Phaedra.
Fluxy, Flangey, Phasey Bollox est un titre que l'on retrouvait dans l'édition spéciale de Flux Echoes. Structuré sur le même modèle que Aquatic Caplet, avec des phases atmosphériques qui relancent des rythmes muent par les fines modulations des séquences, il débute aussi dans des atmosphères irréelles d'un univers musical abstrait. L'intro est truffée de sonorités aussi complexes que disparates qu'une ligne de basse disperse avec ses accords résonants. Un mouvement du séquenceur se dessine et sculpte un hypnotique mouvement de spirale imparfaite, alors que d'autres séquences s'échappent et diffusent des touches dont les échos dansent dans leurs résonnances tamisées de sonorités métalliques. Et c'est la danse des séquences qui débutent. Plus complexe que Aquatic Caplet, la structure rythmique du titre est assaillie par de belles séquences qui gambadent à outrance sous de très belles nappes flûtées. Ici, le synthé libère de très bons solos qui répandent une belle musicalité dans des brouillards autant éthérés qu'intrigants. Le rythme permute radicalement après la première phase atmosphérique avec une explosive ligne séquencée qui dilapide ses touches dans un furieux mouvement linéaire ondulant. Le synthé a beau éventé de doux solos que le rythme oscillatoire de cette phase reste empreint d'une charmante vivacité, comme des montagnes russes dans une voie lactée. Ce rythme effréné continu sa course au-delà du deuxième passage psycho-sonique avant de se buter à une finale imprégnée de tonalités aussi abstraites que l'univers de la MÉ peut créer.
Cet album de Brendan Pollard s'adresse aux fans de Flux Echoes et de Tangerine Dream de sa période Baumann/Franke/Froese. Sans rien inventer, le synthésiste Anglais suit la tangente évolutive qui l'a amenée à son album phare. Malgré quelques problèmes au niveau des limitations de la source d'enregistrement, LIVE IN CONCERT 2006 Part 1 offre une bonne qualité sonore ainsi qu'une MÉ à la hauteur des attentes que l'on peut avoir vis-à-vis un artiste qui se spécialise à broder sa musique dans les cendres des meilleurs moments de la Berlin School progressive.
Sylvain Lupari (28/04/12) ***½**
Disponible au Brendan Pollard Bandcamp
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