“Si vous êtes fan de Berlin School rétro, bien fait et bien pensé comme dans les années 70, Prologue est l'album qu'il vous faut”
1 Ampule 21:08
2 Partitions 29:34
3 Fraktures 15:07
(CD/DDL 65:49)
(Retro Berlin School)
Bien qu'il soit un musicien très impliqué dans l'univers de la MÉ anglaise, ça faisait 13 ans que Brendan Pollard avait réalisé un album solo. Entre PROLOGUE et Flux Echoes en 2007, le musicien britannique a été impliqué à différents scénarios musicaux avec des groupes tel que Pollard/Daniel/Booth, 12 albums en 10 ans et Quadra pour un seul album. Celui dont la carrière a débuté avec Rogue Element en 2004 compte pas moins de 23 albums à son actif, avant les 4 albums de cette année. Et que cela soit en solo où avec ses amis, le style reste toujours le même; soit l'éternel Berlin School à la sauce Anglaise. Brendan ne jure que par les instruments analogues, rejoignant ainsi les essences de groupes et/ou artistes tel que Arc, Ian Boddy, Redshift, Free System Projekt et quelques-uns des très bons artistes du genre. PROLOGUE propose 3 titres où le Mellotron reste roi des ambiances toujours portées vers les essences du Médiéval Luciférien avec un séquenceur et ses structures de rythmes sculptées dans la créativité.
C'est par une autre fascinante introduction que Ampule soulève le voile de notre ouïe. Des ondes réverbérantes et des roulements percussifs aux tonalités de bois aiguisent leurs amplitudes jusqu'à l'eau domine le bois et que ses clapotis plient l'échine devant un beau chant flûté. Ce chant du Mellotron offre sa tendresse devant un décor psybient qui peu à peu prend le dessus sur les éclosions éphémères mélodieuses de la flûte. Une ambiance chthonienne éclot autour des 3 minutes. Elle flotte sur les murs d'un caniveau secret jusqu'à ce qu'une nappe d'orgue Méphistophélique ramène le concerto pour flûtes et ses ténèbres dans un dense banc de bruine, là où un ronronnement industriel attise notre curiosité. Les 7 premières minutes de Ampule sont structurées dans ce vieux modèle de la Berlin School des années Phaedra. Un son typique de Tangerine Dream qui est l’essence des influences de la musique de Brendan Pollard. Le rythme se présente dans une vision hésitante autour de la 7ième. Nappé de brouillard, de voix errantes et d'effets cosmiques, il joue au chat et à la souris avec notre ouïe dans une incertitude qui donne un espace à divers tonalités d'exercer encore leurs charmes dans nos oreilles qui reculent de 50 ans. Bien en selle sur un séquenceur et ses ions autant lourds que ténébreux, le rythme articule ses spasmes dans un décor typique à ces années jusqu'au point des 17 minutes et des poussières du temps. Autre étape et un autre décor d'ambiances moins sibyllines, Ampule emprunte alors une voie rythmique plus vivante et nettement plus entraînante pour cortex éveillés dont les tonalités analogues ressortent plus dans cette brume stigmatisée qui couche une mélodie fantôme tout en suivant son axe rythmique. La flûte s'extirpe à nouveau d'une faune sonore sculptée dans l'imagination des années médiévales pour conclure Ampule.
Partitions ne nous fait pas attendre en crachant des ions gras et juteux qui marque la cadence sur un tapis de séquences roulant avec passion sur un convoyeur à œufs. Le jeu du séquenceur est superbe avec une troisième ligne qui s'ajoute à cette partie polyrythmique de PROLOGUE. Structure de rodéo indompté et spasmodique, le rythme roule à vive allure sous le coup des tssitt-tssitt et dans de vives oscillations qui nous jouer du headbanger. Des vents remplis de poussières de violons tentent toujours de s'accrocher à cette cadence qui me ramène à ces envolées dans les années Stratosfear ou Ricochet avec ces nappes nasillardes de trompettes apocalyptique. Peu après les 9 minutes, les séquences s'évaporent dans des vents remplis de résonances qui nous conduisent dans une sphère où les cerceaux déformés éveillent un genre de violoncelle mécanique dont le triturage des cordes crachent un étrange sonore agonisant. Nous tombons dans un cadre psychédélique avec les fruits d'un modulaire créatif et ses parfums de Stratosfear et Force Majeure. Cette phase psybient s'amplifie avec des cognements métalliques et s'étire au-delà des 15 minutes lorsqu'une structure de rythme respire sournoisement. Le séquenceur analogue reste dans sa structure de rythme passif qui s'accompagne de chants des moines chthoniens et autres effets du synthé modulaire. Une délicate flûte émerge et accompagne ce cortège où le séquenceur semble trébucher. Son dernier effet en suspension… et le rythme décampe avec une ligne de basse et des tintements métalliques percussifs. Brendan Pollard tisse d'autres solos de flûtes et des vents de poussières de violon, comme ceux des Moody Blues mais en plus occulte, dans un court Berlin School qui étreindra un dernier souffle de flûte.
Fraktures émerge des limbes avec la venue d'une ligne bourdonnante qui ondoie sinueusement. L'axe sonore danse sur les inflexions des réverbérations, lorsque ce banc de brume violoné s'empare des ambiances afin de faire valser, comme tournoyer, cette ouverture qui se fait aspirer par les charmes du mellotron. On entend une première excitation rythmique autour de la 4ième minute. Peu à peu, le séquenceur libère une première ligne qui accentue sa présence un peu avant que des nappes de voix chthoniennes se fassent entendre. Une seconde ligne émerge en sautant à contre-courant dans l'ombre de l'axe principale. Ce faisant, on dirait une ruade tournant en rond. Cette éclosion rythmique s'enrichit d’une troisième ligne alors qu'un synthé et son souffle de vuvuzela partage son rôle avec la flûte du mellotron dans une course rythmique où Brendan échappe ses billes et que des nappes de voix moins sibyllines accompagnent ce triphasé rythmique dans un bon Berlin School et sa touche du modèle England School. L'amplitude de ce rythme joue avec ses modulations, ajoutant cet élément essentiel qui chasse toute redondances. Et lorsque le séquenceur fait dribbler 4 autres billes de rythme qui se subdivisent afin de créer des troupeaux indépendants dans cette chevauchée de Fraktures, on saisit toute la dimension créative de Brendan Pollard. Contre toute attente, ce très bon titre dans PROLOGUE se dissout dans une tempête tonale créée par des vents et des bruits iconoclastes qui empêchent ce mellotron de nous faire rêver de nouveau.
Si vous êtes un fan du Berlin School rétro bien fait et imaginé comme dans les années 70, PROLOGUE et ses 3 titres évolutifs est l'album qu'il vous faut. C'est comme entendre un album de Chris Franke et Peter Baumann avec un Edgar Froese tout timide qui vient de se joindre au duo Franke/Baumann…
Sylvain Lupari (30/07/20) ****½*
Disponible au Brendan Pollard Bandcamp
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