“Dans des phases quelque peu décousues, le duo allemand propose des duels fascinants dans un album plus ambiant que vivant et étonnamment envoûtant”
1 Segment I 8:03
2 Segment II 7:36
3 Segment III 7:18
4 Segment IV 6:01
5 Segment V 6:35
6 Segment VI 9:40
7 Segment VII 6:34
8 Segment VIII 7:58
9 Segment IX 7:56
10 Segment X 8:09
(CD/DDL 75:51)
(Tribal Ambient)
C'est autour de 2018 que l'idée derrière SEGMENTED VISION a commencé à germer. Bernhard Wöstheinrich avait rejoint Volker Lankow et Michael Brückner sur scène dans une séance totalement improvisée. Le tout nouveau trio trouvait très bonne alors l'idée d’enregistrer un CD ensemble. Mais rien ne s'est matérialisé. Un an plus tard, Michael Brückner a commencé à s'intéresser à ces enregistrements et à en tirer des pistes intéressantes qu'il présentait Volker Lankow avec l'idée d'en faire un CD en duo. Les bottines ont suivis les babines dans ce qui allait devenir cet album. Présenté dans un beau format digipack 6 panneaux, SEGMENTED VISION propose 10 segments musicaux dans un album un peu décousu où les 2 musiciens ne semblent pas être sur la même longueur d'ondes. Voulu ou pas? Toujours est-il que le duo Allemand propose de fascinants duels dans un album plus ambiant qu'animé et étonnement envoûtant.
Une étrange onde creuse contenant des voix d'enfants émergent de mes écouteurs. Un première sourde impulsion se fait entendre alors que le son des flûtes à coulisses, qui donnent toujours cette impression d'ivresse chez le flûtiste, éloignent un peu plus les voix des chérubins. Doucement, les tam-tam magnétisants de Volker Lankow nous sortent de notre rêverie spontanée avec des frappes bien dispersées entre les chick-chick des grelots shamaniques. Le décor est constitué de lignes aux harmonies sibyllines qui serpentent une nappe de brouillard de moins en moins dense, comme une nappe de basse ondoyante. Les percussions profitent de cet instant de rêverie de notre ami Michael Brückner pour occuper toute la place, jusqu'à ce que les ondes et les effets du synthétiseur reviennent pour se greffer à ce banc d'ambiances flottant dans un duel de la Pacific School. C'est comme les meilleurs moments ambiants des duels Roach & Metcalf, mais dans une touche plus sombre. Après ce Segment I où Lankow & Brückner apprivoise leur vision panoramique de SEGMENTED VISION, le duo fait glisser la musique dans un Segment II où les nappes de synthé ont cette ambivalence Jean-Michel Jarre, effets de solo versus nappe morphique. Peu à peu, le rythme retrouve ses repères. Des cymbales de batteur rock et des tam-tam plus incisifs s'émancipent sous un ciel sonore constitué de boucles oscillatrices dont les longueurs et la vitesse varient entre nos oreilles obnubilées par le travail de Volker Lankow. Peu à peu, notre fascination se transpose sur le jeu du synthé. De ses oscillations de plus en plus amples et de ses effets qui nous avalent pour nous transporter vers les textures ambiantes de Segment III. Segment IV redresse le rythme avec une bonne présence de Lankow, et aussi de MB qui structure une masse sombre avançant par saccades alors que les boucles oscillatrices restent toujours bien vivantes. Elles sont même plus musicales dans un rock cosmique sans séquenceur mais guidé par les impulsions saccadées du synthé. VL absorbe le jeu des synthés avec de bonnes frappes tellement bien placées qu'on dirait une pieuvre derrière tout le matos de percussions et d'éléments percussifs.
Il y a un effet dramatique qui se colle à la structure lorsqu'elle se liquéfie dans l'introduction de Segment V et de sa lointaine mélodie copiée à l'univers de Michael Myers. Segment V vit d'intrigues et de mystères avec une vision prismatique dans une ambiance d'épouvante où les courts jets de souffles répétés et une ligne ululant à la Lune termine ce panorama effrayant. Ces souffles obscurs se transportent dans l'ouverture de Segment VI activée par les percussions songeuses du musicien Allemand. Des basses percussions restructurent les ambiances en une chevauchée rythmique. Mais encore ici, rien n'est structuré et l'ensemble respire honnêtement une soirée d'improvisation où Volker Lankow active une à deux lignes de percussions tout en étant la troisième source que Michael Brückner tente de suivre en injectant une toile de fond obscure. Maints accords de clavier y scintillent dans une phase où les visions frénétiques des percussions s'évaporent en suites décousues. Segment VII met en scène les deux sculpteurs d'ambiances sans percussions. Des percussions qui reviennent timidement dans Segment VIII, qui me fait penser à In A Gadda Da Vida lorsque Ron Bushy avait besoin de reposer ses bras, pour battre une mesure toujours déphasé par rapport aux textures légèrement spasmodique du synthé, d'où cette fascinante impression d'être avalé par une boucane aux destins étranges. Mais ça demeure un très bon segment de l'album avec un Michael Brückner décidé à faire exploser les tam-tam de son complice. Segment IX est le plus beau moment de l'album avec ces flûtes venant de mellotron et dont les légers chevrotements dans les timbres sont synonymes d'extrême fragilité. Le décor est infusé par des lignes de synthé glauques aux fins contours qui grésillent dans une jungle inattendue dont la découverte augmentera notre degré d'émotion. Le titre se transpose dans Segment X un comme l'émergence de Segment VIII. Les premiers minutes de ce dernier acte sont moulées dans les structures ambiantes de cet album avec un lent crescendo qui atteint abruptement son point de non-retour vers la troisième minute. Une courte phase électronique, emprunté au Segment II, nous guidera vers les souffles désertant d'un dernier titre d'un album qui porte sa dimension à un autre niveau sans écouteur.
À l'achat de l'album vous avez droit à un titre bonus qui est l'album au complet sans indexation. Une écoute vous explique que la version offerte en 24 Bits est plus qu'essentielle dans un album de ce genre, d'où ma préférence à écouter l'album les oreilles libres.
Sylvain Lupari (10/08/20) ***¾**
Disponible au Michael Brückner Bandcamp
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