“MonoCHROOM est un coup de génie. Un travail titanesque qui nous prend par surprise”
1 Monos 30:00
2 CHROOM 30:00
(CD/DDL 60:00)
(EM, EDM, Art for Ears and Senses)
Didier Dewachtere m'expliquait lors de la parution de 5 Jours de Liberté que dorénavant les prochains albums de BySenses seront offerts en téléchargement uniquement à cause du faible niveau des ventes des CD manufacturés. Quel ne fut donc pas ma surprise lors que j'ai reçu un petit emballage CD contenant une pochette toute blanche sertie d'un gros rond noir dans son milieu! À ma grande surprise, je tenais le tout dernier effort de Didier, intitulé MonoCHROOM, entre mes doigts. Le fait que des gens ne voient qu'une seule couleur à toujours fasciné l'artiste de Ghent depuis son enfance. Et ce n'est que dernièrement qu'un ami lui a parler de ce handicap, la monochromatie. Cet album leur est dédié avec une vision musicale qui resplendit toutes les couleurs de la musique électronique (MÉ), et même plus. MonoCHROOM, c'est deux longs titres de 30 minutes pile où BySenses offre des structures en plein mouvement. De psybient à du techno, en passant par du EDM et du Krautrock, le musicien Belge flirte avec de l'audace pour finalement atteindre ces pinacles de bonheur auditif qui pour certains dépassent le plus beau des orgasmes. C'est la parcourt de Monos!
Mais faut être prêt! Sinon, la première seconde de Monos nous fait sursauter avec un cognement qui s'étire en onde aux réverbérations pulsatoires. En fait, c'est une série de cognements caoutchouteux qui suit et chaque dernier s'étire en drones gutturaux qui bavent ses tonalité radioactives dans une ouverture où le tintamarre ne cesse de pulser. Il y a un effet stroboscopique qui attise ces ondes réverbérantes alors qu'un râteau semble gratter la surface afin de faire sortir tout le jus radioactif. C'est pas vraiment reposant pour les oreilles qui tentent de jauger quelle est cette couleur tonale que BySenses tente de sortir de cette fourmilière à bruits. Il faut dépasser la 3ième minute pour enfin ressentir une phase ambiante flotter au-dessus d'effets d'écho industriels avec des nappes de synthé flottant en s'enserrant entre des vents hurlants. On dérive ainsi jusqu'à la 7ième minute où nous attendent ces bruits titanesques des extraterrestres envahissant notre planète dans la série La Guerre des Mondes. Chaque appel des aliens est suivi d'une quiétude passagère qui rend encore plus tonitruant ce dialogue de fin du monde. Nos oreilles rencontrent par la suite un rythme pulsatoire, après la 13ième minute, cerné d'effets de glitch et de vagues de synthé dont les ondes érodées se transforment en accords chevrotants. Ces accords volètent sur une gamme de clavier pianotée par des doigts nerveux, créant une harmonie confuse avec un trémolo qui flirte assez bien avec des ambiances toujours portées vers une xième dimension. Il y a un côté angoissant qui se détache et se transforme en une phase plus musicale avec un refrain prismatique qui s'en élève. Cette union tonale semble irréelle, comme les couleurs d'un cauchemar. Et pourtant, Monos nous attire de plus en plus dans cette phase pulsative qui s'entoure de bons éléments percussifs alors que la mélodie spectrale emprunte une voix orchestrale. Et subitement, le synthé commence à faire tournoyer son chant, invitant nos sens à l'abandon vers le Saint Graal de Monos qui se termine dans un hymne de danse électronique d'un envoûtement inespéré. C'est lorsque le délire nous amène à la perfection qu'on reconnait un grand artiste. Didier Dewachtere en fait la preuve sur Monos.
Et si je vous disais que CHROOM est encore plus beau? Son introduction est pulsatoire avec un net penchant pour une musique de DJ. Ici aussi, des éléments sonores papillonnent à la même hauteur que des cliquetis dans un hymne de danse fait pour la masse. Plus en musique, en rythme et moins en bruits, le titre évolue avec une palette de tonalités hétéroclites empruntées dans les racines des premières expérimentations tonales des synthétiseurs. Entre ces phases, de belles nappes de voix, comme des airs de trompettes nous proposent un côté plus céleste que dans Monos, même si le vocabulaire sonore flirte un peu avec le sien. Entre les lamentations des cordes d'un violon, on entend une enclume jetée son encre sonore sur une asphalte et ses fantômes industriels qui régurgitent souffrance et ardeur des travailleurs. Mais qu'on ne s'y trompe. Cette texture inaccoutumée met la table à Peter Moorkens, guitariste au sein du projet Onsturicheit, déliant ses doigts afin de nous faire entendre ses harmonies psychédéliques roulées en boucles. Ouf! Le rythme est d'une violence fragile avec des percussions tambourinant entre les différentes tonalités d'enclume portatives. Et tout le temps, il y a ce couteau qui nous tartine des wooaasshh à répétition. Cet incroyable segment amène nos oreilles jusqu'à la 15ième minute. Une ligne de basse pulsation nous y attend avec son lent déploiement rythmique entre des vapeurs de synthé intoxiquées d'une masse liquide organique, on y entend les microbes parler, ou possiblement d'un liquide toxique nous liquéfiant sur un passage psychédélique avec des odeurs de Ash Ra Tempel derrière chaque pulsation. Ces vents deviennent des orchestrations qui eux se transforment en voix mutantes lorsque BySenses décide de nous entraîner dans un Disco organique où Moorkens se prend pour l'incarnation de Manuel Göttsching. Étonnant, splendide et renversant!
Ce que je viens de vous décrire c'est littéralement passé dans mes oreilles au cours des dernières 60 minutes. Et 2 albums de BySenses en l'espace d'un peu plus de 2 mois! Nos oreilles ont de quoi être choyées puisque comme 5 Jours de Liberté, MonoCHROOM est un coup de génie. Une œuvre titanesque qui nous prend par surprise et qui peu à peu devient indélogeable de notre lecteur CD. Les oreilles hasardeuses seront ravies et les plus frileuses seront conquises. Audacieux et brillant, c'est tout une œuvre que Didier Dewachtere propose ici! Disponible en CD manufacturé et en téléchargement.
Sylvain Lupari (24/01/22) *****
Disponible au BySenses Bandcamp
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