“Voici un superbe album de Berlin School traditionnelle plein de cette magie des années vintage”
1 Messier 81 4:07 2 Arp 299 15:52 3 IC 10 6:29 4 IC 342 13:45 5 IOK- 01 5:41 6 LGS- 3 11:18 Groove GR-257
(CD 57:10) (Berlin School)
Ceux qui s'intéresse à la MÉ depuis quelques années ne connaissent sans doute pas le nom de Can Atilla. Musicien Turc de haut calibre, il s'est attiré les éloges de la sphère Électronique avec son célèbre Ave, album qui soulignait le 30ième anniversaire de Tangerine Dream en 1999. Depuis, le musicien originaire d'Ankara a produit 5 albums, tous sur la label Groove, sous le signe des influences de Tangerine Dream et parfois Jean-Michel Jarre. Entretemps, il a composé de multiples trames sonores pour le cinéma Turc et de la musique New Age avec une forte essence tribale qui enracinait son pouvoir d'attraction dans sa Turquie natale. Plus présent sur les réseaux sociaux qui flirtent avec une clientèle adepte de la MÉ du genre Berlin School depuis quelques mois, on se doutait bien que Can Atilla préparait un retour aux sources. Lui dont le premier album de genre remonte à Waves of Wheels en 1992. C'est donc plus de 15 ans plus loin et 7 ans après son dernier opus Hi-Story qu'il présente enfin son album retour. Étonnant et sublime du début à la fin, BERLIN HIGH SCHOOL LEGACY revisite les parfums des belles années de la MÉ avec une approche stigmatisée dans cette période Logos à Le Parc. Sauf que cette fois, Can Atilla ira plus loin. Ira même plus loin que nous l'aurions imaginé!
Et cela débute par les nappes de morphines soniques de Messier 81. Des brises caverneuses nourries d'éther et de voix absentes flottent sur une masse de sons dissonants embryonnaire, que l'on retrouvera avec plus de détails dans LGS- 3, empruntée aux années 73-75. C'est un titre sombre, chthonien même, avec d'énormes vagues d'orgue lucifériennes, comme du bon Tony Banks des années Foxtrot, qui dérive tranquillement vers le bouillant Arp 299. Une ligne de basses séquences oscille vivement dans un décor de féérie sonore que le guitariste Mahir Şafak Tuzcu attaque avec de furieux solos, genre Zlatko Perica, qui tourbillonnent avec la même incisive magie de solos de synthé. Les percussions déboulent et maltraitent une MÉ hautement survoltée avec un matraquage tempétueux, laissant peu de place aux lignes de séquences qui survivent tout de même alors que peu à peu l'ardeur de ce rock progressif électronique se dissipe. Un court moment de clémence s'impose. Il impose des bancs de nappes de voix et des accords de clavier qui bougent comme du Free Jazz et dont la tonalité dégage de légers souvenirs du vieux TD. Mais la musique et la férocité de son rythme revient en force dans la 2ième portion de Arp 299 alors que cette fois-ci la guitare est en compétition avec le synthé pour des solos qui roulent tellement bien avec les multiples coups de la pieuvre aux percussions. Hautement contagieux et un des très bons titres en MÉ cette année. Ça bouge beaucoup à l'intérieur des 6 minutes de IC 10. Le titre naît des séquences de Arp 299 pour se réfugier dans une texture d'ambiances percussives. De multiples cognements aux tonalités très diversifiées structurent ces ambiances. Une ligne de basses séquences émergent afin de créer une structure résonante quasi circulaire à laquelle se greffent ces effets percussifs. Une autre ligne de séquences plus limpides épouse ce rythme qui soudainement perd ses percussions et sa basse résonnante. Cette structure hétéroclite finie par épouser une tangente plus harmonieuse où tout sonne comme le rock électronique du Dream des années Poland.
Le piano qui ouvre le sentier de IC 342 rappellera sans doute ce Piano Medley de Paul Haslinger dans Sonambulistic Imagery. Une douce flûte évapore ces souvenirs pour les guider ailleurs. Ailleurs c'est l'univers entier de Tangerine Dream, toutes époques confondues, que l'on retrouve dans la 2ième partie de BERLIN HIGH SCHOOL LEGACY. Complexe dans sa démarche toujours très bigarrée, la musique de Can Atilla est comme ce long membre filiforme auquel s'ajoute des membranes musicales qui nous font visiter diverses époques, comme celle de Green Desert avec ces percussions qui nous ramènent aussi à l'ère Hyperborea, Sphinx Lightning, ou encore Logos. Le tour de force dans IC 342 est de rencontrer plusieurs époques et styles à l'intérieur de ses 14 minutes qui sont constamment en mouvement. Tant que le jeu des comparaisons est difficile et que Can Atilla nous amène finalement dans son style. Comme avec IOK- 01! Un bon rock électronique solide dans son armature du séquenceur à la Chris Franke. LGS- 3 est le titre le plus jouissif de ce dernier album de MÉ par Can Atilla. Jouissif, mais ça demande quelques écoutes avant de tomber de les trèfles à 4 feuilles. La 1ière partie propose ces ambiances de mystère que l'on découvrait dans l'univers analogue des années Phaedra et même Cyclone. Ces éléments d'ambiances progressent en intensité avant d'imploser dans les rodéos et cascades du séquenceur. Les oscillations vont et viennent par la suite sur un tapis de percussions qui structure LGS- 3 en un bon rock électronique toujours de plus en plus intense avant de mourir dans des ambiances qui nourrissaient ces finales inexplicables de la MÉ des années vintage.
J'ai dévoré pas mal plus ce BERLIN HIGH SCHOOL LEGACY dans mes écouteurs que dans mes haut-parleurs. La faune sonore est dense et incroyablement vivante alors que les rythmes sont sculptés dans des patterns de séquences et de percussions qui emploient 2 ou 3 Chris Franke en même temps. De même qu'un Harald Grosskpof dans Arp 299! Un titre d'ailleurs qui m'a fait ressortir le brillant The Tape d'Olivier Briand. Can Atilla réussit d'ailleurs à forger un univers ici qui est très près de ces années 70 où la complexité des compositions rivalisait avec séduction. Pas de moments faibles et beaucoup de moments forts dans ce dernier album de Can Atilla qui doit figurer sur mon Top 10…ne serait-ce que pour Arp 299 qui démontre que le musicien Turc est aussi à l'aise dans son style que dans son rôle d'imitateur des bons moments de Tangerine Dream. Mais à bien y penser…n'est-ce pas cela BERLIN HIGH SCHOOL LEGACY ? Un incontournable en 2018!
Sylvain Lupari (12/11/18) ****½*
Disponible chez Groove nl
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