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Writer's pictureSylvain Lupari

Cartas de Japón Rucalen (2023) (FR)

Un excellent album d'ambiances tribales sur des séquences de rythmes à la Berlin School

1 Rucalen 7:39

2 Toay 6:22

3 Pochi 7:55

4 Sus Scrofa 7:06

5 Medanal 7:51

6 Space Gauchos 8:16

(CD-(r)/DDL 45:11)

(Tribal, Berlin School)

Sequence at the end of the World est un album qui m'avait totalement séduit lors de sa sortie au printemps 2021. Ce premier album de Cartas de Japón, un trio composé de Lucas Tripaldi, Pablo Bilbao et Esteban Menash, était, et est encore, une véritable bouffée d'air frais dans le merveilleux univers de la musique électronique (MÉ) contemporaine. On y entendait des structures de rythmes très vivantes mues par des séquenceurs et des percussions électroniques dans un renouveau sonore propre à cette nouvelle étiquette de Latinos School qui suit les péripéties de ces 3 musicien-synthésistes qui sont à l'origine de l'excellent label Cyclical Dreams. C'est beaucoup la recette de cet excellent RUCALEN, un album tout en rythmes dominants avec une essence tribale plus accentuée, prémices du superbe décor de la réserve naturelle de Parque Luro. D'ailleurs, les grandes lignes de cet album proviennent de cette prestation en concert que Cartas de Japón donnait en février de cette année dans ce mythique endroit sis dans la province de La Pampa en Argentine. Voici un lien pour une vidéo à regarder à ce sujet: Cartas de Japón Live at Parque Luro. On y retrouve ainsi une ambiance tribale qui respire les majestuosités des paysages avec des textures organiques et de percussions aux bondissements caoutchouteux qui donnent un incroyable relief sonore à des structures de rythmes évolutives que nous retrouvons dans cet album.

C'est avec des claquements percussifs qui virevoltent dans un axe circulaire que la première phase rythmique de la pièce-titre atterrit entre nos oreilles. Un mélange de percussions et de basses séquences aux bonds élastiques restructure déjà ce rythme quelques 60 secondes plus loin. Devenue lourde et résonnante, la structure de Rucalen, même entrecoupée de phases atmosphériques, possède les éléments pour nous faire danser comme ces danses africaines où nos sens sont ralentis par une drogue nous rendant mollement zombie. Les claquements introductifs sont devenus moins perceptibles et flottent en arrière-fond, émiettant une apparence de riffs harmoniques alors que synthés se divisent les éléments d'ambiances de champignons magiques avec de courts airs qui roulent en boucles. Ce rock électronique un peu Groove étend sa dimension sur une distance de plus ou moins 4 minutes avant que l'introduction de Rucalen ne vienne avaler sa finale. Les synthés sont plus dominants dans un titre comme Toay, qui propose une structure quasi identique mais légèrement plus vive que Rucalen. Les harmonies sont toujours brèves et roulent aussi en boucles dans un décor tonal qui est plus organique, qui est plus fidèle au panorama proposé par le trio Argentin. Une texture de guitare apporte aussi nouvelle dimension à la musique dont le rythme se métamorphose littéralement autour de la 5ième minute avec des claquements percussifs et un très beau dribblage cadencé au niveau du séquenceur, envoyant mes oreilles faire un tour du côté de White Eagle, un de mes albums préférés de tous les temps dans la sphère de la musique électronique des années MIDI. La résonnance élastifiée des martèlements lents dans l'ouverture de Pochi est un élément qui nous accroche tout de suite à cette structure qui évolue en privilégiant une approche en mode accélération. Sans être très rapide, le rythme est assez entrainant pour nous faire rouler du cou! Les synthés lancent des jets de lamentations qui flottent au-dessus d'une faune organique, et juste au-dessous des étoiles. Une texture de percussions manuelles, des tam-tams, ajoute une profondeur à ce rythme dont les ambiances des synthés respirent un peu les essences de la trame sonore Flashpoint de TD. Lucas Tripaldi, Pablo Bilbao et Esteban Menash élaborent toute la finesse des ambiances tribales liées à la réserve de Parque Luro, notamment dans un contexte où la Terre flirte avec le Cosmos. Bien que présent sur les 6 structures de RECULEN, le maillage entre les textures de percussions aborigènes, lourdes et martelantes, aux élans pleins de retenus des séquences caoutchouteuses est tout simplement hallucinant sur ce titre.

Ce sont des ondes de réverbérations torsadées qui attendent nos oreilles en ouverture de Sus Scrofa. Des échantillonnages d'une forêt en éveil et un air flûté flottent entre nos oreilles, et très tôt sur un lit de percussions claniques. Des basses séquences cognent avec avidité, étendant leurs résonnances sur le mouvement de frénésie tempérée des tam-tams alors que la flûte devient un roucoulement synthétisé créateur de ver-d'oreille. Les synthés sont plus présents dans ce titre qui transite vers une phase atmosphérique avant de parfaire la richesse rythmique de la musique. On flirt avec du psybient tribal avec un titre comme Medanal qui propose une structure de rythme endormitoire, méditative avec de bons effets de percussions, résonnant comme le flèche lancée d'une arbalète, sur une lente cadence imposée par un battement métronomique d'une basse-séquence. Un dialogue tribal accompagne l'ouverture, comme la fermeture, de ce titre où les synthés dessinent des arcs translucides au-dessus d'un horizon de terre cuite. Il y a une bonne dose d'émotion dans ces ondes de synthé, notamment avec ces bancs de brume hallucinogène qui ont un parfum de Pink Floyd des années Wish You Were Here. Ces ondes laissent filtrer des filaments mélancoliques, comme ces cuicuis électroniques qui me rappellent oh combien que Klaus Schulze me manque et des effets sonores qui ont cette tendance à autant flirte avec des éléments terrestres qu'extra-terrestres. De bons accords gras, plein de jus de réverbération, ajoutent une dimension dramatique à une musique très envoutante. Les ondes brumeuses des synthés insufflent une sordide ambiance de film d'angoisse dans l'ouverture de Space Gauchos. Faut dire que d'étranges chuchotements aident à nourrir cette essence de terreur dissimulée. Les souffles de ces ondes sont comme ceux d'une bête mécanique qui brule de désespoir sur une superbe structure de transe ethnique. Latente, cette danse des esprits soumis explose avec une autre splendide texture de tamtams aborigènes dont les battements fiévreux résonnent sous un immense bloc de brume compactée par des arrangements orchestraux. Des claquements percussifs résonnent tout autour, augmentant la masse rythmique d'une structure qui se métamorphosera pour entrainer nos oreilles vers les infinies possibilités des séquenceurs et des percussions électronique dans une finale en deux cadences qui nous projettent aussi dans les fantasmes rythmiques de Chris Franke du temps de White Eagle et Hyperborea. Même les synthés sont imprégnés de cette influence de Tangerine Dream! Non mais quelle façon de conclure un excellent album de Cartas de Japón. Un nom à retenir et ce RECULEN est définitivement un album à se procurer! Oui! Aussi bon et percutant que Sequence at the end of the World.

Sylvain Lupari (09/02/23) ****¾*

Disponible au Cyclical Dreams Bandcamp

(NB: Les textes en bleu sont des liens sur lesquels vous pouvez cliquer)

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