“The Room of Plenty est une aventure sonore qui vous mènera de l'autre côté de la musique”
1 Paalm 3:14
2 Dooom 5:58
3 Aarooma 15:10
4 Woortex 5:06
5 Hoorn 7:30
6 Plaan 2:49
7 Brooom 14:48
8 Tooong 5:42
(DDL 60:20)
(Ambiospherical and abstract EM)
Bienvenu dans l'anti-musique. Dans le non-rythme où les secondes se font bouffer toutes rondes par des pulsations baroques, des souffles et des rugissements tonitruants à faire pâlir les vents de Black Storm. Construit autour de la tournée qui rendait un hommage aux œuvres de King Crimson, tout comme le dernier album solo de Markus Reuter, Sultry Kissing Lounge, d'ailleurs, THE ROOM OF PLENTY est un exercice musical totalement dédié aux fans d'une musique très expérimentale qui transcende les propres territoires empiriques du Roi Pourpre. Ici, il n'y a aucune concession à l'approche mélodique. Tout est son! Tant dans les rythmes flous que les ambiances torturées. La seule exception étant le très court Plaan. Quant au reste, aiguisez bien vos oreilles!
Pourtant les ondes vaporeuses de la Touch Guitar de Markus Reuter qui ouvrent Paalm laissent deviner une œuvre chaleureuse. Dès que d'étranges bruits organiques, on dirait des ronflements difformes, s'invitent et s'infiltrent aux travers les lourdes résonances dissonances de la guitare, nous plongeons dans le plus total des univers abstraits où les explosions des sons irradient des nuage soniques bourrés de colère statique. Si nous trouvons l'introduction de Paalm trop brève, Dooom corrige le tir avec de tendres accords de guitare qui roulent dans des vents plus paisibles. Mais à mesure que les secondes passent, Dooom s'enligne pour étayer les justifications de son appellation. Et ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de tempo que ce n'est pas violent! Les vents hurlent comme dans les meilleurs moments de Stephen Parsick dans sa série Permafrost avec une subtile gradation, un crescendo horrifique dans ce mouvement ambiant où on imagine aisément que les racines de la démence prennent vie à travers de violents bourdonnements métalliques. Aarooma est une lente symphonie sur l'agonie où chaque souffle, chaque parcelle d'air est stigmatisée dans une enveloppe métallique qui écorche l'ouïe. On se croirait dans une manufacture à sons dont le but est de produire le plus de distorsions dans une enveloppe acceptable. D'ailleurs on entend les machines hurler de plaisir. De même que le convoyeur qui jouit de faire trimballer une collection de tonalités biscornues qui mises à la queue leu leu finiront par sculpter un rythme passif assez étonnant. Les sons? J'entends une nuée de chauve-souris pleurer de rires et virevolter comme une gigantesque tornade qui décime des arbres de roses géantes où chaque épine déchire la stratosphère. Les percussions? Bien que Bernhard Wöstheinrich et Tobias Reber s'activent à créer les paramètres de rythme abstraits, les percussions animent plus les ambiances avec des tonalités qui inspirent un euphorique état d'inconfort. À ce niveau Hoorn est assez impressionnant, surtout avec la voix qui crie comme un supplice dans une hallucinante enveloppe ambiosonique. Ces percussions demeurent somme toutes statiques et servent de décoration, de mis en scène à des ambiances qui frôlent les parois d'une civilisation très underground. On aime Aarooma? Eh bien on va adorer le tonitruant Brooom qui est plus musical et qui sonne tellement comme du King Crimson en train de maculer les murs de leur studio avec des idées brouillonnes qui tranquillement prendront forme. Même si atone, c'est le titre le plus serein, mis à part pour Plaan, de THE ROOM OF PLENTY. On pourrait dire la même chose de Woortex, sauf qu'il est un peu plus, je dis bien un peu plus, animé par une vie rythmique tout de même assez passive. Tooong clôture cette symphonie pour bruits iconoclastes avec de longues lamentations d'une guitare écorchée qui flottent, et finissent par hurler, entre les lignes flottantes de synthés aussi ambiantes qu'étonnement plus musicales. Si j'avais un titre à passer sur les ondes d'une radio expérimentale, ça serait celui-là! Ce qui en dit énormément sur cet album qui s'adresse aux oreilles fonceuses et friandes de tonalités dont les charmes résident pour sûr dans les abysses de l'antimatière.
Sylvain Lupari (29/11/14) ***½**
Disponible au Centrozoon Bandcamp
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