“On entend pas du Schulze mais vous devez prendre le temps d'écouter si vous voulez entendre les liens”
1 Fading Out of Sight 57:14
(DDL 57:14)
(Ambient)
La mort de Klaus Schulze a incité beaucoup d'artistes œuvrant dans le milieu de la musique électronique (MÉ) à pondre une œuvre hommage. Quoique curieux, je ne suis pas trop friand du genre. À moins que ça soit exceptionnel, comme le dernier Spyra, ou que ce soit purement une œuvre qui élargit le spectre des influences du maitre Allemand. C'est en plein ce que FADING OUT OF SIGHT représente pour Christian Fiesel qui propose ici un audacieux opus d'une fascinante profondeur qu'il faut prendre le soin d'écouter. Vous n'y entendrez pas du Schulze, ce n'est pas le but de cet album, mais bien son influence sur l'évolution d'un artiste qui ne fait aucun compromis versus l'amour de son art. Comme Klaus et même Edgar Froese! Deux artistes qui ont fortement influencés le parcours musical de celui que j'ai découvert avec le sublime Hagen's Delight en 2017.
C'est par le bruit d'une ligne de téléphone morte que débute cette personnelle homélie de 57 minutes du musicien Allemand. Cette tonalité de communication vers le néant se métamorphose en un nid de bourdonnements où s'accouplent des lignes de synthé iridescentes à des ombres vacillantes dans un décor qui se remplit graduellement de vents mugissants et se déplaçant comme des serpents bourdonnants, sans oublier les nappes de voix chtoniennes. Et lorsque les ombres vampiriques du synthé prennent des airs cuivrées, des bruits et des sifflements ajoutent une touche obituaire à ces tintements de cloche venus de nulle part. C'est ainsi que se déroule les 11 premières minutes de Fading Out of Sight. Et lorsque la ligne, toujours inopérante, du téléphone boucle la boucle, la première ossature rythmique de titre débute son pouvoir hypnotique. Le mouvement est subtil et c'est de peine qu'on remarque qu'il s’arque sur un fin mouvement staccato d'un violoncelle dans une vision ascensionnelle qui avance comme des pas de loups. Une brume gothique remplit les ambiances, de même que des gongs sourds et d'étranges tonalités empruntées au répertoire des sons d'un cellulaire. Comme les 11 premières minutes, la structure rythmique ambiante se remplit d'une vastitude de tonalités dont on cherche parfois le lien avec la musique. Le pas du violoncelle s'évanouit sous une masse de bleu acier qui se déplace comme un nuage harmoniquement strident au-dessus de la 20ième minute de Fading Out of Sight. Nous sommes dans une phase méditative avec cette nappe de larmoiements qui se fond dans un bourdonnement sourd pour revenir quelques minutes plus loin, poussant la masse de réverbérations vers une texture sonore plus près des premiers albums de Klaus Schulze. C'est ici, autour de la 31ième minute, que les influences de Cyborg et surtout Irrlicht flottent allègrement sous une délicieuse texture harmonique qui respire celle de Tangerine Dream, dans une vision plus floue. Les vents deviennent plus dominants avec une forte texture azurée à la porte des 40 minutes. Je suis un grand fan de Mike Oldfield! Le rapport? Eh bien les minutes qui suivent cet épanchement d'ondes synthétisées me rappellent énormément la seconde partie de Tubular Bells, juste avant la version déjantée de Sailor's Hornpipe. Nous sommes dans une phase méditative qui se couvre d'un voile d'une mélodie stridente à donner des frissons à une roche. Ses derniers rayonnements disparaissent dans une phase qui explique mon amour pour la MÉ. Des murmures sourds, semblable à des grommellements venant d'un ventre affamé surgissent 4 à 5 secondes avant la 45ième minute. Sous une rafale de vents remplis de voix iconoclastes, ils marmonnent et se greffent à un très beau mouvement d'une ligne de basse vicieuse qui monte et descend dans cette seconde et dernière structure de rythme de FADING OUT OF SIGHT. La créativité! Des tintements bariolés et des serpentins tombant d'un ciel sonore divisé entre son ombre et son léger rayon irisée structurent une vision mélodieuse atypique et qui fait insidieusement son chemin vers le portail de nos émotions. Les battements de la basse trébuchent vers la 50ième minute, accentuant ce rythme tressaillait comme un rythme de gorge sous les reflets métalliques des ondes synthétisées pour s'éteindre dans les vents des abysses où reposent sans doute plusieurs influences artistiques des derniers centenaires.
FADING OUT OF SIGHT est un album-téléchargement de Christian Fiesel qu'il faut prendre le temps d'écouter d'un bout à l'autre afin de saisir ces détails qui expliquent le sens de son hommage. Plus on écoute et plus on fait les liens. Et plus on trouve ça beau.
Sylvain Lupari (28/06/22) *****
Disponible au Aura Films Bandcamp
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