“Un très bon album de Dark Ambient Berlin School dans les sons et structures des années 70”
1 Enter the Sphere 19:37
2 Inside the Sphere 10:25
3 Leaving the Sphere 24:25
4 Outside 10:38
(CD-(r)/DDL 65:06)
(Dark Ambient Berlin School)
Une cantatrice fantôme pour une ode en gémissements! Enter the Sphere vit de ses pulsations vibratoires dans une ouverture dominée par des gémissements du synthé et d'un mellotron qui disperse admirablement bien ses nappes de voix et ses harmonies flûtées sur un lit de mugissements nés de vents bourdonnant. D'ailleurs, le mariage de ces deux éléments procure des frissons, autant pour le plaisir auditif comme pour celui de l'âme qui avale cette sensibilité la porte grande ouverte. Cette lente procession austère dilue son intensité émotionnelle dans une sphère de méditation, dominée par une charge des vents creux, dès que Enter the Sphere franchit la 8ième minute. Cette phase transitoire, qui dépasse les 120 secondes, permet à Christian Fiesel de réajuster le titre et d'insuffler une violente phase de rythme qui est actionnée par les soubresauts, on dirait des ruades, du séquenceur. Les basses pulsations virevoltent dans un cerceau, et leurs rayons circulaires cadencés structurent une phase de rythme qui galope dans une délicieuse tonalité vintage, flirtant même avec ces rythmes fantômes de Tangerine Dream de l'époque Rubycon. Des nappes de brume gothique fredonnent derrière ce pattern rythmique qui court à perdre haleine dans une seconde phase d'un titre qui ne ménage jamais son effort afin de séduire nos émotions, laissant ces frissons de bonheur comme de mélancolie courir le long de cette ligne qui connecte notre âme à nos neurones. Du pur bonheur pour les aficionados d'une musique électronique (MÉ) construite dans l'antre des années 70.
Il n'y a pas à dire, Christian Fiesel empile les grandes réalisations dans une autre année où sa productivité ne semble pas se tarir. Outre ses autres réalisations et après 2 solides albums où le Dark Ambient était maître; Fading out of Sight, un hommage à Klaus Schulze, et Still Waiting at The Gate, produit aussi par Cyclical Dreams, le sculpteur d'ambiances ténébreuses termine 2022 avec force. Avec SPHERE! Un titre idéal et un album concept qui l'est tout autant pour naviguer sur les mers sombres de son univers. Sauf que le musicien-synthésiste allemand en décide tout autrement et amène son auditoire vers les routes et les rythmes secrets de la Berlin School des années 70. La musique est en étroite relation avec le sens de son titre, proposant 4 structures qui vibrionnent, virevoltent et pulsent dans des axes circulaires dominés et propulsés par ces vents sombres, remplis de fredonnements fantômes qui alimentent la passion du musicien pour le style Dark Ambient.
C'est dans ce contexte que Inside the Sphere déploie une structure de rythme stationnaire dont les ruades spasmodiques voyagent d'une oreille à l'autre. Les arpèges ont cette tonalité moirée dont les reflets sont assombris par cette ombre de basse qui sert de trampoline caoutchouteuse afin de bien répartir l'impact des bonds dans un autre axe sphérique. La vélocité varie de temps en temps, permettant ainsi au rythme de mieux mordre à l'appétit de notre écoute. Ce rythme décousu vit dans une dense texture de nappes sombres, de vents creux et de voix chtoniennes. Des éléments atmosphériques entendus dans Enter the Sphere, de même que ces pads de violons lumineux qui y nuancent le pouvoir des ombres. Il y a quelque chose de tout simplement obsédant dans le magnifique Leaving the Sphere. Trop sensible suis-je? Vous avez pas idée combien de fois j'ai écouté ce titre qui a eu sur moi un effet équivalent à ce que le mirifique I Remain de The Glimmer Room m'a procuré en 2010. Et ce n'est pas juste à cause de cette nappe de vapeur murmurée qui recouvre les battements circadiens de son ouverture. Un moment de suspense musical où des arpèges glissent et virevoltent dans un univers d'opacité et de mysticisme! Ce plus long titre de SPHERE prend tout son temps pour se développer et hanter notre écoute. Ces battements et cette brume ocrée captivent notre attention et devient une forme d'obsession à mesure que les secondes fuient le cadran. Christian Fiesel joue avec ses ombres sonores et musicales, atténuant leur porté et impact dans un long parcours où le clavier émiette des bouts de rêves perdus dans nos mémoires. Une lourde nappe de basse se met à respirer quelques secondes après la 5ième minute. Sa présence amplifie ce voile de mystère qui entoure cette fascinante procession où les âmes semblent chercher une porte pour sortir de cette sphère. Et contre toute attente, cette ombre de basse se met à palpiter. Grommelant, on dirait même qu'elle peste en silence, elle forge un rythme qui n'a pas l'intention de nous faire danser, ajustant plutôt son diapason avec les battements, toujours présents, de l'ouverture. Tout au long, Fiesel laisse planer ces autres ombrages d'un synthé divisé entre sa vision lyrique et celle plus ténébreuse, plus sibylline. Et cette fascinante procession abandonne sa phase rythmique à un ronronnement industriel peu après la 12ième minute. Là, les anges chantent! Les chants du synthé sont divins. Ils ont cette texture de trompette apocalyptique où se colle celle d'un cor d'harmonies punitives. Trafiqués par la présence de ces voix séraphiques, ils nous rentrent dans l'âme. Faisant ressortir moult frissons et soupirs dans un nectar de tendresse que peu de musiciens sont capable d'atteindre. Un moment absolument génial qui s'exporte sur plus de 6 minutes avant que les battements circadiens ne reprennent et que Leaving the Sphere entre dans une autre forme processionnel qui m'a fait pleurer de l'âme. Merveilleux! Outside termine ce dernier album de Christian Fiesel avec des battements assourdis dans une autre densité atmosphérique divisée par ces nuances qui font de SPHERE une excellent surprise et un très bel album où le musicien-synthésiste allemand soutire le meilleur de nos émotions, de ce spleen passager qui vient nous perturber une fois de temps en temps. Ne serait-ce que pour Leaving the Sphere, je lui colle un 5 étoiles!
Sylvain Lupari (19/01/23) *****
Disponible au Cyclical Dreams Bandcamp
(NB: Les textes en bleu sont des liens sur lesquels vous pouvez cliquer)
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