“C'est un splendide album où le style progressif reste encore assez accessible”
1 Evolving Forms 11:47
2 Slow Unfolding of a Hydrometeor 21:12
3 Dance of the Nimbus 11:44
4 Three Movements of a Restless Cumulus 10:53
(CD-R/DDL 55:36)
(Prog EM, TD Jive Years, Berlin School)
Qui n'a pas regardé les nuages se transformer peu à peu sous ses yeux? Des lapins, des anges et parfois même des visages! On trouve même des formes familières lorsqu'on observe les lentes mutations de ces boules ou de ces bancs de ouate oxygénée. Ce sont ces nuages qui ont inspirés le nouvel album de Colin Rayment. Et comme dans ses précédentes œuvres, le synthésiste londonien offre une très belle musique électronique avec des rythmes changeant de formes et d'audace comme Celui qui dessine ces formes ouatées. Et ces structures changeantes demandent notre attention à tous ces détails qui jalonnent les presque 55 minutes de EVOLVING FORMS. Belle, musclée, méditative et lyrique, la musique proposée dans ce dernier album de Colin Rayment est rendue avec les influences de Tangerine Dream, les années Jive, où le style progressif reste encore tout de même assez accessible. Procurant même ces frissons qui nous font vibrer par une vision mélodieuse qui nous assaille sans avertissements.
Le pouls d'une basse tombant sur une brise séraphique modifie le comportement de la pièce-titre, à tout le moins de son ouverture un peu avant la première minute. Un voile de réverbérations devient sa base où se déposent des pads, comme des riffs, de voix dans une ambiance conforme aux influences de Colin Rayment. Une ligne d'arpèges se balance dans le tourment des brises circulaires. Elle galope en suspension sous des vagues de woosshh et de wiisshh. Le synthé trace une mélodie ambivalente qui accompagne le mouvement circulaire des arpèges séquencés vers un rock ambiant structuré par des percussions. Ces mélodies deviennent de beaux solos avec une légère teinte nasillarde alors que des accords tombant avec fracas ajoutent un peu de drame à Evolving Forms. Intense et puissant, le rythme se dissipe dans un lourd nuage de réverbérations quelque 30 secondes avant la 6ième minute. C'est comme si nous passons au travers d'un immense banc de brume pour bifurquer vers la sonorité du vide. Des éléments percussifs s’agitent et se mettent à danser des claquettes sur ce sol chevrotant de ses réverbérations. Nous sommes autour de la 9ième minute et le clavier s'éveille aussi pour laisser partir des accords oscillant comme des vaguelettes dans une finale où sans faire des vagues, le rythme réinstalle à nouveau son emprise stationnaire. Un mouvement du séquenceur s'extirpe des vents sifflant 60 secondes après Slow Unfolding of a Hydrometeor soit sorti du silence. Un très beau mouvement zigzagant avec fluidité sous un mince voile de réverbérations. Une autre ligne est injectée, créant une course pour amblyopes sur une grande surface. La nappe de basse soutient ce rythme qui entre dans une zone obscure près de 4 minutes plus loin. Le mellotron choisit cet espace pour laisser flotter une nébuleuse mélodie. Elle cache un autre élan du séquenceur qui serpente sous des pads obscurs et d'autres ayant une portée vocale qui nous rappelle la période Le Parc. Sur une bonne distance de 10 minutes, cette nouvelle direction du rythme est alambiquée. Il court en effectuant des cercles imparfaits dans un panorama séraphique, signé par le mellotron, de belles voix suaves et des arrangements attendrissants. Si on ne danse pas, nos doigts courent aisément en tapotant sur les bras de notre fauteuil alors que des percussions arrivent pour donner plus de profondeur au séquenceur qui dribble maintenant ses ions. Le synthé change de tonalités à quelques reprises, étendant des caresses aussi chaleureuses que lumineuses dont les orchestrations et ces chants des cieux tirent le poils de nos bras vers nos sourcils. Un très bon moment qui diminue son ardeur sous les airs flûtés du mellotron. On entre dans une zone austère autour de la 16ième minute. Le mellotron continu de nous faire rêver avec de tendres nappes remplies de flûtes, tissant une toile d'ambiances méditatives que des percussions soutiennent sans envie rythmique, mis à part pour un suave downtempo. Un très beau titre qui utilise ses presque 22 minutes sans échapper la moindre seconde.
Réverbérations et chants aigus du synthé ouvrent le magnifique Dance of the Nimbus. Ces chants sont comme ceux d'une chorale séraphique dominée par des voix candides et virginales qui s'étendent sur une distance de 100 secondes avant que des tintements de bouteilles, vides comme semi-vides, n'activent un rythme spasmodique, toujours sous les suaves voix séraphiques. Ce rythme sans entrain gigote avec des séries de spasmes sous des arrangements poignants. À donner des frissons…Devenu maître de nos émotions depuis Slow Unfolding of a Hydrometeor, Colin Rayment domine cet art de rendre sa musique très touchante. Maquillant ses rythmes toujours en progression par des arrangements ayant une portée dramatique, le musicien-synthésiste Anglais multiplie son savoir en ajoutant toujours une touche émotive allant en crescendo avec l'évolution de ses titres. Des accords de guitare piègent nos oreilles alors que le clavier est en mode ostinato. Dès que la section rythmique devient plus enjouée, le synthé lance des lignes mélodiques à faire pleurer une roche océanique. C'est avec des notes de guitare galopant sur son manche et sous des denses couches de brume que Three Movements of a Restless Cumulus démarre en trombe plus de 2 minutes après son ouverture. La ligne de basse nous entraine dans un premier tourbillon où le rythme est entraînant. Les éléments qui l'entourent tentent de le ralentir avec une brume s'intensifiant sans cesse. Le séquenceur embarque par-dessus les percussions enlevantes, créant un rock électronique hyper furieux qui manquera d'énergie après la 5ième minute. Nos oreilles errent dans une vision cosmique radioactive avec des grésillements et des accords de clavier tombant avec cette empreinte des passages mélodieux qui jalonnent la traversée de EVOLVING FORMS. Le séquenceur structure un rythme ambulant qui ondule entre ces accords. Et, quelques secondes plus tard, ces éléments font symbiose dans une très belle chorégraphie où les multiples tintements des arpèges séquencés dansent sous les hhiiisshhh brumeux et sur une ligne de basse qui solidifie un autre rêve musical où les dimensions appartiennent à nos visions, à notre imagination. Bravo Colin Rayment pour ce splendide album!
Sylvain Lupari (21/11/21) ****¼*
Disponible au Colin Rayment Bandcamp
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