“Puissant et créatifs au niveau des structures de rythmes et des éléments percussifs...”
1 Night Sky Over Keystone (part 1) 12:09
2 Bullet Train to Kyoto 10:09
3 Night Sky Over Keystone (part 2) 16:41
4 Five Years of Reminiscence 5:26
5 Atlas Mountain in the Sun 13:48
(DDL 58:15)
(Progressive EM, Berlin School)
Colin Rayment fait partie de cette liste de nouveaux talents de la MÉ à avoir percer le mur de l'anonymat dans le milieu des années 2010. C'est grâce au label SynGate Records, qui nous a proposé Abstract Dimensions en 2015, que j'ai découvert ce merveilleux artiste Anglais qui a su se défaire de ses influences de Tangerine Dream afin de présenter sa propre étiquette musicale. POLYPHONIC MEMORIES est une collection de titres qui puisent leurs inspirations dans une collection de souvenirs, poignants et personnels dans le temps. En musique, cela se traduit par un amalgame de plusieurs mélodies, ou de parties musicales, jouées en même temps. Les deux visions coexistent très bien sur cet album réalisé par Colin Rayment en raison de la pause des activités de SynGate pour l'été 2021. Et c'est dans un décor tonal où les rythmes, liés à des patterns imaginatifs de séquences, de percussions et d'éléments percussifs, sont les lits de cet amalgame. Les couloirs des souvenirs étant parfois ténébreux et souvent nostalgique, il ne faut donc pas se surprendre de découvrir cette ambiance de mystère qui entoure les mélodies mélancoliques de cet album, et le court Five Years of Reminiscence se doit d'être l’exemple le plus frappant, dont les différentes textures me ramènent constamment à une bande sonore pour le film La tour sombre – Le dernier pistolero
Une silencieuse bagarre entre les forces de l'ombre et ses pulsations est à l'origine de Night Sky Over Keystone (part 1) et de son rythme explosif qui rugit 10 secondes avant sa première minute. Performé dans le cadre du Festival US Mountain Skies EM, avec Night Sky Over Keystone (part 2),ce titre est tout en rythme construit sur sa période de 12 minutes. La structure présente une ligne de basse-pulsations qui tressaille avec des percussions qui sont mordues par des effets percussifs liés à des crécelles électronique. D'étranges bêlements investissent le rythme, autant qu'une ligne du séquenceur qui active ses ions sauteurs dans un mouvement cylindrique circulaire. Une nappe de voix brumeuses s'étend sur ce rythme qui est désormais conquérant de notre ouïe. Son alignement stroboscopique est plus perceptible lorsque des orchestrations et une mélodie flûtée caressent son évolution qui a modifié son impact autour de la 4ième minute. Des accords sonnant comme ceux d'une guitare imposent une mélodie aérée quelques 30 secondes après la 6ième minute. Night Sky Over Keystone (part 1) modifie un peu son approche avec un rythme toujours aussi fluide, mais sans percussions et ni ces effets de crécelles. Il ne reste que quelques explosions éparses sur ce rythme soutenu par le séquenceur et qui, comme un train, diminue la cadence en voyant une destination approchée. Et 15 secondes après la 9ième minute, il reprend sa vigueur dans un décor tonal plus complexe. Bullet Train to Kyoto présente à son tour une ouverture d'ambiances de 60 secondes avant qu'une structure de rythme stroboscopique installe un rythme ambiant. Nous sommes un peu dans l'univers de Gert Emmens avec ce rythme en suspension où rôdent aussi ces accords mélangés entre un synthé et une guitare. Ils formes de belles mélodies évanescentes sur un rythme qui s'inspire de plus en plus des effets et de la structure de Night Sky Over Keystone (part 1). On ne saura pas jusqu’où ces influences domineront puisque Bullet Train to Kyoto s'arrête une douzaine de secondes avant la 5ième minute pour emprunter un passage ambiant. Un passage lourd de son atmosphère mystérieuse rempli de nappes de voix et de riffs de clavier cherchant à restructurer une forme de rythme. On entend des séquences sautiller de la pointe des pieds avant qu'une tempête souterraine ne fasse trépider un sol rempli de séquences percussives et de basse-pulsations. C'est sur ce rythme naissant et de ses effets percussifs radioactifs, un autre truc conquérant de notre ouïe, que le clavier tisse les lignes d'une mélodie dont la beauté, ni l'effet émotivité, n'a rien à voir avec celle plus flûtée et plus romanesque qui la précède. Et, toujours sur ce rythme ambiant lourd et tapageur, ces mélodies vont et viennent charmer nos sens tout en modifiant leurs origines. Celle flûtée et l'autre fredonnée par une déesse astrale sont tout simplement divine.
Nous arrivons à Night Sky Over Keystone (part 2) qui nous propose une ouverture d'ambiances liées à de lointaines pulsations industrielles. Cette ouverture qui dépasse les 5 minutes est construite sur des bases de mélodies dispersées dans des vents vibratoires, un peu comme des souvenirs que l'on colle bout à bout peut faire son diaporama dans notre tête. Un lourd vent à la tonalité acuité balaie cette perspective avec la violence d'une ogresse. Et c'est ainsi que, 10 secondes après la 5ième minute, le séquenceur dépose ses ions sauteurs qui se dandinent sur une structure linéaire emportée par ces vents et leurs textures de voix éthérées. Nos sens dérivent sur cette structure en suspension où des bribes de mélodies, familières à nos oreilles, se créent dans des modèles plus complets. Les percussions arrivent longtemps après la 9ième minute, secouant les ambiances et structurant ce qu'il faut afin que les mélodies de verres criant survivre dans un tumulte pondéré par une finale qui sera plus ambiante. Five Years of Reminiscence est un beau petit titre fougueux de sa structure de rythme qui ne peut refuser cette mélodie, sensible et poignante, qui a fait son lit depuis longtemps sur POLYPHONIC MEMORIES. Atlas Mountain in the Sun est un titre évolutif qui propose en ouverture une délicieuse ballade électronique sur le débit assez fluide d'un maillage d'accords percussifs entre le séquenceur et le clavier. Ce mouvement très illuminé transporte les stries ondulantes qui font des zigzags avec des poussières vaporeuses ainsi que la mélodie d'un genre slide guitare. Les accords percussifs lumineux changent de tons et deviennent plus métallique avant de sombrer dans une zone ombrageuse où tout devient intrigant. Des vents caverneux aspirent le rythme qui réapparait avec une cassure à son élan. Chancelant, son débit n'a plus rien de la ballade alors que les harmonies brisées tentent de se recoller dans une finale tabassée et bousculée par des percussions éparses. Au final, c'est un titre très ordinaire dans le panorama musical de POLYPHONIC MEMORIES
Ainsi se clôt ce nouveau chapitre de Colin Rayment! POLYPHONIC MEMORIES est un bel album avec un 45-minutes trop fort pour son dernier titre. Puissant sur tous les fronts et créatifs au niveau des structures de rythmes et des éléments percussifs, ce dernier album du musicien Londonien offre un 45 minutes d'une MÉ créative avec ses textures hautement ingénieuses.
Sylvain Lupari (05/06/21) ****¼*
Disponible au Colin Rayment Bandcamp
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