“Un album très agréable et musical dans la tradition du Berlin School de Tangerine Dream”
1 Fast Forward Chronograph 11:52
2 Accelerometer 7:21
3 Transitional Dimensions 10:24
4 Snapshot in Time 5:34
5 Glimpse into a Future 12:32
6 Time Stands Still 11:33
(CD-(r)/DDL 59:18)
(Ambient Berlin School)
C'est à la suite d'une introduction typique au style de la musique électronique progressive que Fast Forward Chronograph s'extirpe de son cocon atmosphérique pour faire scintiller, et aussi paresseusement onduler, une ligne d’arpèges inspirée des rythmes mélodieux de Tangerine Dream, période Risky Business. Cette première structure de rythme est de nature ambiante et repose plus sur la mélodie qui ondule avec une légère vélocité sur les sournois ondoiements de la nappe de basse réverbérante. Le séquenceur utilise parcimonieusement la technique du cliquet et des éléments percussifs plutôt discrets chevrotent ou frissonnent en parallèle du rythme mélodieux, stimulant un peu plus notre curiosité sonique. Un léger souffle d'ectoplasme grésille dans le décor, ajoutant une dimension fantomatique aux ambiances du titre. Peu à peu, Fast Forward Chronograph se solidifie. Des cognements de basses pulsations revitalisent son rythme une 20taine de secondes après la 4ième minute. Toujours soutenu par les élans sourds de cette basse bourdonnante, il devient alors plus entraînant. Tant qu'on peut même taper du pied. Le synthé est très musical dans cette portion du titre en faisant rayonner de différentes couleurs et nuances ce souffle qui est devenu un air fantomatique qui hante l'écoute, alors que le clavier éparpille des arpèges dont la luisance pétille entre nos oreilles.
TIME DILATION aborde le phénomène de la relativité restreinte dans la théorie de la relativité d'Albert Einstein. En gros, si un objet et/ou une personne se déplace très vite, le temps s'écoule plus lentement. En théorie, cela rendrait possible un voyage vers le futur! Comment cela se traduit en musique? Par un nouvel album de Colin Rayment qui surfe allègrement sur l'excellent Equilibrium. Les 12 minutes de Fast Forward Chronograph, dictent la nature de 5 autres titres de ce nouvel album réalisé sur le label Allemand SynGate. Les rythmes sont assez lents. Il n'y a pas de mouvement impétueux où le séquenceur, ni les percussions électroniques, s'emballent pour nous propulser dans des territoires de rock électronique. Sauf pour un court moment dans Glimpse into a Future. Bien au contraire, nos oreilles nagent dans une panoplie de rythmes tranquilles bien détaillés par un séquenceur créatif en mode multilignes. Rayment utilise le séquenceur pour ses phases harmoniques tout en étant généreux de ses effets de cliquets qui font dribbler comme galoper les séquences. Les rythmes se développent lentement pour atteindre des phases de rock cosmique qui sont plus entrainantes pour les neurones que les pieds, quoique parfois on puisse taper du pied comme tapoter du bout de doigt sur le bras de notre fauteuil privilégié pour manger de la musique. Sans plus! Si les rythmes sont conçus dans une même vision, il en va de même pour les mélodies qui se ressemblent tous avec ce petit quelque chose qui nous fait penser irrémédiablement au genre de Stranger Things. Un élément qu'on retrouvait aussi sur Equilibrium.
C'est une lente introduction nourrie d'ondes réverbérantes qui attend nos oreilles en ouverture de Accelerometer. Le séquenceur tente d'activer une phase de rythme après les 90 secondes. Les séquences dansottent comme voltigent dans ces ambiances où les ronronnements laissent filtrer des filets de voix absentes. Le rythme émerge 1 minute plus loin avec un mouvement ondulatoire du séquenceur où se greffent des cliquetis de bois qui tressaillent en de courtes phases vives. Le rythme prend plus de tonus avec l'arrivée des basses pulsations et des percussions dont le débit rapide est comme un coup de pied sur un essaim de séquences qui se mettent à virevolter en tout sens. Discret, le synthé émerge autour de la 6ième minute en sifflant un mélodieux air évasif. Transitional Dimensions prend moins de temps pour décoller. Son rythme est articulé par une ligne de basses séquences qui pulse assez vivement avec des inflexions stroboscopique qui font résonner le poids des ions séquencés. Des arpèges y dansent librement alors que le synthé tisse des bancs de brume lunaire, créant des arrangements assez émotifs. La structure rencontre une phase transitoire autour de la 3ième minute. Transitional Dimensions renaît dans une seconde partie nettement plus dynamique avec des effets de cliquets du séquenceur et des percussions électroniques qui lancent de bonnes mitrailles cadencées. C'est un des gros titres sur TIME DILATION. Idem pour Snapshot in Time qui offre un très beau rythme ambiant hyper mélodieux. La structure progresse sur les arcs d'une ligne de basse dramatique et des effets pleureurs d'un synthé en mode Ondes Martenot. La mélodie est délicieusement inspirée de Stranger Things. On ressent ici toute l'influence de Tangerine Dream sur la musique du musicien-synthésiste établit à Londres. Glimpse into a Future git sur une nappe de bourdonnements plus intenses ici qu'ailleurs dans l'album. Le rythme est construit sur des élans sourds de la basse résonnante et d'une ligne de séquence dont les oscillations ont un pouvoir mélodique. Le synthé lance de beaux airs spectraux, on dirait de la brume qui a pris en otage des voix perdues, qui ont une dimension cosmique. Des cliquetis percussifs se mettent à danser la claquette après la 4ième minute. Et toujours le synthé qui lance ces airs qui font danser le poils dans le dos. Glimpse into a Future change littéralement de peau juste avant sa 6ième minute. Le clavier est plus mélodieux, quasiment dramatique, avec des arpèges moirés qui font scintiller une mélodie envahissante. Les percussions tombent une 30 de secondes plus loin, structurant le seul rock électronique de l'album qui atteint ici une dimension très poignante avec cette mélodie gémissante sur une structure de rythme qui se meurt lentement. Glimpse into a Future finira dans une belle phase cosmique sombre et mélancolique. Time Stands Still propose un rythme flottant légèrement entrainant, à cause de l'effet des boucles de galops ondulatoires. Rayment y ajoute de séduisants claquements percussifs, surtout dans la première partie du titre, ainsi que des accords graves qui ajoutent une dimension dramatique à la musique. Il y a une belle balance entre le rythme imposé par les basses pulsations et ces lignes de séquences, certaines voltigent comme dans la mélodie de Snapshot in Times, qui se partagent les rythmes et les versets mélodiques. Des textures de guitare nuancent cette dimension dans le dernier tiers du titre.
TIME DILATION est un très bel album de Colin Rayment qui encore une fois nous démontre sa propension à créer des rythmes ambiants qui sont à la fois mélodiques et légèrement entrainants. Très créatif avec son séquenceur, le synthésiste arrime plusieurs lignes de rythmes dans des décors cinématographiques qui surfent sur la tradition du Berlin School de Tangerine Dream. Bref, un autre album très agréable et musical à la mesure du talent de Colin.
Sylvain Lupari (30/09/23) *****
Disponible au SynGate Bandcamp
(NB : Les textes en bleu sont des liens sur lesquels vous pouvez cliquer)
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