“Conceptus Fabrica est ce genre d'opus où l'approche expérimentale flirte agréablement avec les parfums d’un Berlin School analogue”
1 Templar Knight 18:07
2 A Touch of Velvet 3:37
3 The Trail 10:15
4 All Seeing Eye 9:09
5 The Chinon Parchment 7:28
6 Knights Keep 24:04
Groove | GR-269 (CD 72:40)
(Experimental with a touch of Berlin School)
Celle-là! Elle ne sera pas facile. Concept Devices est le projet de Martyn Greenwood, un bassiste de formation qui est devenu un accro des synthétiseurs analogues. C'est aussi un de ces musiciens issus du milieu underground, du côté obscur de la MÉ, qui est comme un petit poisson dans son océan lorsqu'il est en session d'improvisation. CONCEPTUS FABRICA est un 2ième opus pour ce musicien Anglais qui propose aussi sur son site Bandcamp une série de EP enregistrés lors de ces multiples expéditions soniques improvisées. Et cette fois-ci c'est sérieux! Produit et distribué par le label Groove, nous ne sommes pas pour autant ici dans le royaume de la Berlin School, sauf à quelques occasions, mais plutôt du côté obscur de la MÉ.
Des petits riffs hésitants se succèdent en saccade, alors que le clavier étend des accords plus musicaux. C'est avec une agréable mélodie que Templar Knight infiltre nos oreilles. Les riffs cherchent toujours à étirer leurs présences et le désordre s'installe avec une nuée d'effets et de notes qui roulent et s'enroulent dans un décor où un orgue souffle le chaud et le froid. Expérimentation ou mélodie! C'est plutôt un mouvement hypnotique du séquenceur qui fait surface avec une structure sautillante qui fait rouler ses oscillations avec plus de fluidité que bien des éléments dans le décor. Les ambiances expérimentales s'effacent pour renaître sous d'autres formes de tons, toujours en contraste avec cette structure à la Philip Glass qui continue de scintiller en flirtant avec des nappes anesthésiantes et en gambadant avec certains éléments de la faune sonore de Templar Knight. Les munitions rythmiques s'amenuisent peu à peu, dévoilant une ligne de pulsations hâtives qui sautillent vivement et ramène l'ossature rythmique pour une dernière danse. A Touch of Velvet est un court titre ambiant avec des nappes texturées autour de fredonnements astraux. Les envolées sonores exploitent différentes tonalités du synthétiseurs avec des demi-cercles, des boucles et des pads ainsi que des riffs qui s'agglutinent et s'enlacent dans un même amas. Par moments j'entends du Robert Fripp et sa genèse d'Exposure. Un titre en deux temps, The Trail suit avec une onde musicale venue de l'Ouest interstellaire. Elle couche une belle musicalité qui sert de repaire à deux lignes du séquenceur sautillant en symbiose avec une nuance dans l'alternance, donnant ainsi une prépondérance à un mouvement caracolant plus limpide. Ambiante, mais pas trop, la structure avance et étend son charme avec la complicité d'un synthé, peut-être même un Mellotron, qui tisse une belle approche mélodieuse soporifique. Est-ce une guitare à la Michael Rother que j'entends après les 4 minutes? Possible, mais dès cet instant The Trail acquiert une phase plus intense avec une basse pulsation qui fait trembler sa musicalité. Tout bascule après les 5 minutes! La faune sonore revêt une attitude plus expérimentale, genre du bon psybient au bord d'une crise de nerfs, avec une ligne de séquences qui coule comme les bruits oscillatoires d'une fuite d’eau.
All Seeing Eye développe aussi ces ballets de tonalités qui tournent dans des chorégraphies amputées de ses mouvements les plus gracieux. Les lignes de sons tournent en cercles ou se juxtaposent avec différents degrés d'harmonies. Des strates s'insèrent comme des larmes de synthé moroses et mélancoliques dans cette masse de séquences et d'arpèges, alors que des escaliers de sons gravitent une tour de Babel où tout s'entend mais rien ne communique ni n'est d'harmonies. The Chinon Parchment fait du bien à nos oreilles, pas trop mises à mal jusqu'ici, avec ce que je considère comme la petite perle de CONCEPTUS FABRICA. Un synthé soulève une onde azurée où nait son multiple de deux, avec deux tonalités contrastantes. Le métissage donne un lustre sonore des années analogues. Et lorsque le séquenceur sculpte et libère ce mouvement furtif dans sa structure rythmique, l'emballage ajoute plus de chaleur avec des ondes vibrantes qui soufflent une harmonie surréaliste à nos oreilles. C'est après cet instant, soit un peu avant les 3 minutes, que le plus beau principe de rythme séquencé dans cet album se met à scintiller, voire chanter, entre nos oreilles. Ce rythme magnétisant évolue dans un tumulte bien géré et qui laisse tout le charme au séquenceur. Un très beau titre qui récompense notre curiosité auditive! Curiosité parce que Knights Keep est le principe même de partir à une exploration sonore, comme est aussi le principe qu'il faut au moins écouter deux, voire même plus (moi ça été trois), avant de porter un jugement sur un acte sonore. Ce que je considérais au début comme un amas de sons est devenue une masse sonore toujours compacte et nourrie principalement par l'effet de réverbérations d'une ligne primaire et de ses réflexions qui se multiplient par petites vagues. Il y brille une délicate mélodie née d'une fusion entre un orgue et un clavecin qui tisse ses boucles répétitives dans ce magma de tons animé par de sourdes impulsions. Cette masse sonore avance comme une menace jusqu'au point des 10 minutes, là où une ligne du séquenceur marche sur ses ondoiements. Ce mouvement devient comme un chien fou dont l'enthousiasme change constamment sa direction et son humeur sonore, donnant à Knights Keep une finale qui respecte finalement les grandes lignes d'un album audacieux et qui gagne certainement à être découvert.
Sylvain Lupari 06/06/10 ***½**
Disponible chez Groove NL
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