“TD ou pas TD? On ne peut pas avoir plus Tangerine Dream que ce Ave!”
1 Time Border Passengers 26:15
2 Breathing under Pressure 13:54
3 Japetus Dreams 13:36
4 Time Seller Under the Rain 7:18
5 Bach's Air 4:56
6 Pray of RA 2:27
7 Abarcus 9:07
Eat Records | EAT CD1001
(CD 77:31)
(Berlin School)
Avant les multiples imitateurs de Tangerine Dream il y a eu un nom qui a imposé une architecture musicale sans équivoques; Can Atilla! C'est pour souligner les 30 ans de la création du légendaire trio Allemand que le musicien natif de Turquie a composé et réalisé AVE. Une grosse question vient tout de suite à l'esprit; est-ce aussi bon que les échos du temps le laissent entendre? J'ai reçu dernièrement les 2 version qui m'ont été offertes par Can. J'avais déjà entendu des bribes ici et là, comme j'ai eu une version bien douteuse en format MP3 que j'avais reçu il y a bien des années. Soit autour de 2001 je crois. À cette époque mes oreilles étaient ouvertes toutes grandes à la prolifération de MÉ qui déferlait sur l'Amérique du Nord via Internet et aux nombreux groupes et/ou artistes qui faisaient une MÉ inspirée par Tangerine Dream. Il y en a eu des bons. Des excellents même et le nom qui me vient à l'esprit est Danger in Dream qui est passé en coup-de-vent sur la planète MÉ. Can Atilla à fait un autre remarquable retour dernièrement avec les albums Berlin High School Legacy et son plus récent, Can Atilla's Masiva. Pour moi, l'occasion était donc idéale pour vous parler de AVE. Eh oui c'est vrai; c'est aussi bon que les échos du temps le disaient. Eh oui aussi; il y a pas plus Tangerine Dream que cet album!
Grossissant comme une ombre menaçante, l'ouverture de Time Border Passengers impose une essence chthonienne avec des lignes volant comme des vents dans une introduction où se greffent des riffs qui ont raison des voix lucifériennes. Un rythme très familier, genre Poland, se détache d'une fusion ambiant sombre et cosmique. C'est déjà la 2ième phase de ce long titre qui en éparpillera plusieurs et qui visitera tous les recoins des rythmes, ambiances et harmonies de Tangerine Dream. D'une frontière qui émerge de Encore à une autre qui flirte avec les années Melrose. Tout au long de ces mutations, Can Atilla fait rager une fausse guitare qui sonnera parfois comme si elle était réelle et fera rouler des boîtes à rythmes qui se rapprochent de la période Optical Race. Les phases de rythmes et d'ambiances se succèdent à des intervalles qui donnent juste ce goût de réentendre la musique de Tangerine Dream. Après ce court schéma de Poland, Time Border Passengers migre vers Encore et cette flûte dont les airs flottent sur un bouillon de séquences stationnaire. Et puis c'est la course après Tangram et après ces structures de rythmes et ambiances qui s'inspirent de la tournée 86 du Dream. Tantôt furieux, houleux ou ambiants les rythmes migrent vers des moments qui restent présents dans nos mémoires, mais juste avec ce qu'il faut de trouble et de brouillon pour faire travailler nos méninges. Idem pour les structures atmosphériques, mais pas pour les mélodies qui sont facilement cernables. Si on pensait que Time Border Passengers était le gros titre dans AVE, Breathing under Pressure ne donne pas sa place. Can Atilla nous amène aux portes de Stratosfear avant d'injecter une belle mélodie par un piano mélodieux et d'effleurer les lignes de Cloudburst Flight. La structure prend par la suite une tournure inspirée par les années Jive avec une vision qui laisse la place à Edgar et à ses furieux solos de guitare sur une structure martelé par un séquenceur motorique.
Que peut-il encore se produire après ces solides 40 premières minutes? Eh bien Japetus Dreams n'a pas jeté l'éponge et continue d'ébahir nos oreilles en proposant une intrusion dans les performances de Tangerine Dream, notamment la tournée Nord-Américaine de 1977. Le son et les ambiances qui entourent la structure est exactement comme dans l'album Encore. C'est avec un vent humide et une approche de Mellotron que Japetus Dreams se lève. Le séquenceur s'illumine en arrière-plan, préparant ces structures spasmodiques et de rock électronique qui brassaient les chants de flûtes et les ondes du Melletron avec un léger parfum de Phaedra. Edgar vient lancer ses riffs dont les boucles qui se transforment en solos. Euh..pardon Can Atilla je voulais dire. Japetus Dreams se termine avec un solo de piano mal enregistré…comme un bootleg de l'audience. Percussions claquantes, séquences vives et nerveuses et synthé aux harmonies stylisées par une voix féminine, Time Seller Under the Rain flirte entre la période Jive et Melrose. Bach's Air dit ce que ça veut dire! C'est du Bach dans un mélange d'électronique et de classique. Pray of RA est un titre ambiant aux atmosphères chthoniennes, comme dans les années Phaedra. Un titre en bonus (sic!) Abarcus se démarque avec tonalité qui me semble plus contemporaine. C'est un titre qui démarre assez vite avec un séquenceur qui tisse deux lignes aux saccades qui se croisent en formant un symbiose rythmique bien enlevante. Il y a là un paradoxe ici parce que ça sonne un peu comme la compilation d'Edgar Froese, Beyond the Storm, alors que le séquenceur et sa vitalité rythmique sonne comme du Chris Franke. Au final, on pourrait même spéculer que c'était la base d'un titre du Dream, période Froese et Franke, qui est tombé entre deux chaises!
Il ne peut pas y avoir plus Tangerine Dream que ce AVE de Can Atilla. Oubliez tous ces prétendants qui ont marché dans les pas du géant car très peu y sont parvenu avec un tel degré de créativité, tant dans les compositions que les similitudes dans les atmosphères et les mélodies. La force de Can Atilla ici est d'avoir extrait des bouts de décor des ambiances des 30 années du Dream afin d'y apposer sa propre vision en faisant preuve d'audace et d'imagination. Et si je me rappelle bien, la fin des années 90 était le début d'une recrudescence des imitateurs de Tangerine Dream. AVE sera cette pierre sur laquelle les autres se fixeront.
Sylvain Lupari (27/07/19) *****
Disponible chez Groove nl
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