“La force de Cool Vibes, ce sont 9 structures magnifiquement décorées par une faune musicale aussi unique que vivifiante”
1 Cool Vibes 8:42
2 Sundawn 7:46
3 Dream Exhauster 4:42
4 Timeshifting Area 8:31
5 Present Views 6:40
6 Eschnapur 8:32
7 GuitarMotion 5:28
8 Electron Dust 8:24
9 Magic Keys 8:05
(CD 67:03)
(Techno synth-pop New Berlin School)
Le rythme est doux. Orné d'un synthé aux tons d'une guitare cosmique et rêveuse qui éparpille ses solos flottants sur les légers frottements des roulements de percussions, l'album COOL VIBES infiltre nos oreilles avec un vent de fraîcheur. Un vent californien si cher aux structures errantes de son ancêtre Double Fantasy où le groove se métamorphose subtilement pour un rythme plus drum'n'bass, embrassant au passage les nappes des trompettes ensoleillées. Les séquences s'invitent à cette danse qui flotte comme un rêve alors que tranquillement Cool Vibes se fait mordre par des riffs plus incisifs et se fait torturer par des solos de synthé plus criards, dessinant à merveille la dualité qui tiraille constamment le synthésiste d'Aachen dans ce projet en parallèle à sa carrière solo. Éclectique, le monde musical de Robert Schroeder gravite autour de ses fantaisies qui prennent aussi formes autour de ses conceptions d'instruments. Déstabilisant continuellement ses fans avec des approches purement Berlin School, de funky/groove ou de down-tempos lascifs, le musicien Allemand vise droit au but avec son projet Food for Fantasy et ce COOL VIBES. Les 9 titres de cet album rayonnent de fraîcheur californienne où la guitare est maître de ses inspirations cosmiques si ce n'est pas carrément de rock'n'groove. Sauf que Schroeder a décidé de tirer la plogue et de mettre fin à Food for Fantasy qui après 6 albums, dont deux sous le nom de Double Fantasy, laisse un testament musical plus intéressant qu'on le pense.
Les structures délicates qui rêvent au soleil garnissent le répertoire de Food for Fantasy. Après un premier titre au rythme progressif, Sundaw fond dans l'oreille de son rythme doux avec une guitare qui chante sous un coucher de soleil en tentant de rejoindre les étoiles. Des riffs de guitare électronique grattent une mélodie qui se vitrifie dans de soyeuses nappes de brume alors que le tempo bourdonne de ses pulsations laconiques. Ceux qui connaissent Robert Schroeder savent à quel point il est méticuleux. À quel point il aime décorer ses structures de mélodies parallèles, dont les harmonies gravitent sur des poussières cosmiques, et de riffs perdus qui n'ont rien à voir avec les mélodies ainsi que fortifier ses rythmes croissants en les détournant, l'espace de dire ouf, de leurs axes originaux afin de supprimer les langueurs pour des structures plus vivifiées. Des percussions martelées, des séquences qui font du saute-mouton et des riffs qui décirent les oreilles, Dream Exhauster crache dans nos haut-parleurs une structure de rock qui s'accroche tambour sec à des pulsions technoïdes. Le rythme est très Teutonique, un peu à la Bowie dans sa période de Berlin dance, avec de rugissants riffs de guitare électronique qui réussit tout de même à éparpiller de beaux solos flottants.
La guitare, ou ce qui lui ressemble, est omniprésente sur cet album. Si elle flotte de ses accords permutant en solos sur le très ambiant Berlin School Timeshifting Area, sans doute le plus beau titre ici, avec ces séquences qui hoquètent en fine spirale, elle cisaille les ambiances sur Present Views dont la structure métamorphosée s'apparente à Sundawn. Eschnapur est un bon synth-pop qui tente de se débarrasser d'une emprise technoïde et des claquements de mains qui résonnent à travers des séquences tournoyant en fines spirales syncopées. Entre le rythme, parfois tribale, et les ambiances morphiques, Eschnapur explique à lui seul les enrichissements continuels que Schroeder insuffle à chacun de ses titres. Il n'y a rien de banal ici, et tout est en perpétuel mouvement. Même le rythme lent de GuitarMotion, une mélodie cosmique qui s'inspire du jeu de Manuel Göttsching, et le très cosmique Electron Dust dont la lente introduction finie par se faire harponner par un fluet techno enrobé de nappes et solos flottants. Magic Keys conclût l'aventure des rythmes cosmiques avec cette guitare qui a un ascendant sur tout l'ensemble de cette œuvre testamentaire de Food for Fantasy. Le rythme est doux et caresse nos oreilles comme Cool Vibes l'avait fait en ouverture.
Pour plusieurs adeptes de MÉ de style progressive ou Berlin School, Food for Fantasy est l'antithèse de ce mouvement qui se nourrit plus d'expérimentations et de structures aux improvisations centrées sur des approches mathématiques. C'est du synth-pop qui mange à tous les râteliers des sous styles que Kraftwerk a brillamment concocté avec son Man Machine. On regrette les approches évasives du duo d'origine, Double Fantasy, sur le très génial Universal Ave. Par contre, faut rendre à Robert Schroeder ce qui lui revient; l'homme est un ingénieux compositeur et un excellent concepteur de sons et d'équipements qui fait plus que dorer un style devenu anémique au fil des ans. Il injecte à ses structures, autant en solo qu'avec Food for Fantasy, une touche personnelle que l'on reconnaîtrait entre mille et des éléments soniques qui aguichent l'ouïe. Et c'est la force de COOL VIBES qui offre 9 structures brillamment décorées d'une faune musicale aussi unique que vivifiante où chaque composition s'étire dans des spasmes rythmiques et des phases morphiques aussi inattendus qu'espérés.
Sylvain Lupari (18 Juillet 2013) ***½**
Disponible chez News CD
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