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Writer's pictureSylvain Lupari

Cosmic Ground 0110 (2020) (FR)

Updated: Oct 4, 2022

Voici un gros album de Cosmic Ground qui prouve que le style Berlin School peut évoluer sans perdre son âme, ni son identité

1 Parasite 10:29

2 Procreation 17:18

3 Sorrows of Venus 11:01

4 Wrong Planet? 19:01

5 Cosmic 72 20:15

(CD/DDL 78:03)

(Berlin School)

La couleur des tons resplendit toujours d'une teinte originale lorsque travaillée sur de l'analogue et/ou du modulaire. C'est de cette couleur d'un rouge envahi par le bleu tirant vers le vert que Parasite prend vie. Dès cette première nappe ondoyante glissant dans nos oreilles, Dirk Jan Müller la découpe finement, comme un boucher coupant ses saucisses cocktails, afin de lui donner une allure convulsive. Parasite devient alors à l'image de son titre! Coulant sans effort, il rend un rythme frénétique et spasmodique qui garde son cap linéaire en émettant une suite rapide de soubresauts. Mais peu à peu, DJM lui attribut de bons effets percussifs qui roule et cahote sur un convoyeur afin de stimuler la musique qui atteint des sommets d'intensité variables. Il y a un bon effet d'écho autour de la 7ième minute, moment phare du titre qui atteint un stade de rock électronique intense qu'un mellotron assagi de sa flûte endormitoire conduit dans une finale tout en brume qui tente de rentrer le rythme dans son tube introductif. Oui! Il reste encore des miettes, et de grosses, des festins musicaux de Tangerine Dream. Si ce n'est pas dans Parasite, ça sera ailleurs dans 0110, dernier album de Cosmic Ground. Suivant la complexe structure de rythme hybride, séquenceur et percussions, innovée dans Cosmic Ground 5 sur le titre operation:echo Dirk Jan Müller tisse une imposante chorégraphie rythmique propulsée aussi sur ces mouvements métissés à laquelle le claviériste de Electric Orange ajoute de bons effets rythmiques qui ne font qu'accroitre le plaisir. 0110 s'adresse plus particulièrement aux amateurs du style sequencer-based. D'ailleurs je ne pense pas me tromper en écrivant que cet album est le moins nuancé, le plus structuré en rythmes de Cosmic Ground. Les phases d'ambiances servent plutôt à faire démarrer un titre, comme l'arrêter afin de proposer une autre chorégraphie du séquenceur.

En fait, même si le style flirte avec la Berlin School rétro, Cosmic Ground peut toujours donner un coup de rame contemporain à son navire. Comme dans la somptueuse ouverture de Procreation qui rejailli avec une tonalité moderne, même dans son enveloppe ambiante. Il faut attendre aux grosses nappes de Farfisa pour se mettre un peu de vintage entre les oreilles dans cette introduction où l'intensité respire de notre désir d'écoute et d'appréhension. Dirk Jan Müller jette des nappes de Farfisa auxquelles il greffe des tonalités flirtant avec l'univers chtonien du genre. Nous sentons cette rage venir des riffs de clavier/synthé dans une fascinante aura luminescente des nappes et de leurs couloirs orientés sur le Space Music. Le séquenceur extirpe une ligne de rythme entre ces riffs, un peu avant la 6ième minute. Si au début, il se dandine comme un guignol à qui il manque des doigts, il se reprend assez vite pour structurer ses rythmes qui reviennent toujours sous forme de boules. Entretemps, une autre ligne d'effets percussifs roule en parallèle et bifurque même pour effleurer cette ligne primaire qui doit s'arrêter pour contempler ces ions sauteurs…qui ne font que sauter. Une ligne circulaire qui développe une ombre vrombissante et une autre en contigüe qui tressaille afin de faire sortir son double avancent dans cette autoroute qu'il me semble que Parasite ait déjà emprunté. La structure de Procreation devient aussi hyper saccadée que dans ce premier titre de 0110. Et si les lignes de rythmes roulent à plein régime, tout ce qui les entourent finissent par nous lancer des harmonies flûtées et des bancs de cette brume éthérée dans des ambiances qui flirtent avec les années Rubycon et Phaedra. Mais sans plus, un peu comme si Dirk Jan Müller avait fait son lit ailleurs. Sorrows of Venus ne perd pas de temps pour imposer un rythme chaotique auquel se greffe immédiatement une autre ligne tressaillant comme une route spasmodique. Maladroit, le rythme sautille dans les muettes réverbérations de la ligne de basse. Les brumes chtoniennes abondent, et encore là loin est la comparaison avec le style vintage de vous savez qui. Elles sont denses, avec de légers filets de flûtes, et flottent tout en enserrant un rythme tressaillant dont chaque soubresaut fait irradier un peu plus les couleurs des nappes de brumes. Et DJM sculpte ses nouvelles ambiances autour de ses rythmes complexes qui enchevêtrent des illusions rythmiques alambiquées et dont les différentes formes courent vers le même but; l'infini. Cet effet de tressaillement donne plus de charmes à de longues structures qui évoluent à peine, gardant constamment le cap vers ce but sans fin que les ambiances, devenues plus étouffantes, refusent à chaque fois qu'on commence à trouver l'amorce un peu redondant.

Wrong Planet? met un peu plus de poids sur la perception que Cosmic Ground tient à posséder sa propre identité en nous coulant un superbe Berlin School qui vient d'une autre planète. Dans une splendide chorégraphie rythmique protéiforme, le séquenceur travaille sur le quart des années Phaedra avec une structure où la fluidité et le convulsionniste dansent en parallèle sur des routes aplanies comme bombées, linéaires ou courbées. Par moments puissant alors que souvent assourdi, le rythme reste prisonnier de cette masse d'ambiances vintage sans élaborer un peu plus sur ses charmes d'antan. Un superbe titre, et pour moi 0110 serait un petit chef-d'œuvre du genre sans l'énigmatique Cosmic 72. Je comprends la corrélation avec cette époque. En contrepartie je suis de ceux qui pensent que bien qu'elle soit pionnière, cette période où le Farfisa et le Moog sculptaient des symphonies de vents n'a plus rien à apporter de nouveau aujourd'hui. Mais tout s'apprivoise! Les premiers vents sont doux et auscultent de ses chuchotements bourdonnant un territoire hostile rempli de bruits gutturaux et d'éléments percussifs sauvages. Le fine onde du Farfisa s'adapte aux menaces de cette faune antagonique avec une montaison dans un univers aux bourdonnements caustiques. C'est du Dark Ambient dans un syndrome d'imposteur dont les immenses vagues de réverbérations commencent à jouer de break ambient avec une perception saccadée. J'ai eu besoin de 3 écoutes pour m'acclimater, sauf qu'au final je ne reste pas accrocher à ce titre comme je le suis pour les 4 autres.

Voilà un gros album de Cosmic Ground qui prouve que le style Berlin School peut évoluer sans perdre son âme ni son identité. Les 58 premières minutes de 0110 sont de purs plaisirs auditifs qui étonnent à chaque nouvelle chorégraphie de cette formule de rythme hybride. Un des très bons albums du genre en 2020!

Sylvain Lupari (04/01/21) ****¾*

Disponible au Cosmic Ground Bandcamp

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