“Un album très fort de pure Berlin School vintage de Cosmic Ground qui nous charme autant que dans les années 70”
1 Sol 19:23 2 NGC 224 18:40 3 Organia 19:43 4 Altair 20:09 Cosmic Ground Music
(CD/DDL 77:55) (Classical Berlin School)
C'est toujours un peu difficile de survivre à un premier album qui vous a mis sur la mappe, surtout dans un créneau musical où les pièges de la pale imitation et, surtout, de la redondance se cachent à toutes les 60 secondes. Bien que toujours fortement inspiré et imprégné des influences des années vintage de la MÉ de style Berlin School, Dirk Jan Müller tire habillement son épingle du jeu avec la suite à son album éponyme paru un an plus tôt. Oui, il y a toujours ce son antique. Oui, il y a toujours ces ambiances mystiques et chtoniennes. Oui, il y a toujours ces nappes de Mellotron et d'orgue Hammond. Et oui, il y a toujours ces festivals de rythmes qui déferlent en boucles. Et la grande différence entre le premier volet de Cosmic Ground et celui-ci se situe justement au niveau de ces rythmes. Mis à part pour la lente procession ambiante de Altair, COSMIC GROUND 2 offre une épidémie d'ions sauteurs affolés qui tissent une légion de rythmes séquencés où la démesure amplifie à chaque titre.
Sol débute l'exposition des quatre longues phases de ce deuxième essai solo de Dirk Jan Müller avec les bourdonnements sourds d'un long drone d'où s'échappe aussi un mince filet de brume irisé. La longue torsade réverbérante grignote nos murs, forgeant les prémices d'un rythme ambiant qui circule comme un lent effet de va et vient à l'intérieur de nos tympans. Des pulsations piaffent d'impatience juste avant que la barre des trois minutes ne soit atteinte. C'est le début du festival des rythmes brodés dans un séquenceur analogue aussi furieux que méticuleux. Les boucles du rythme éparpillent des variances, tissant un long trajet hypnotique noué de fins effets ascensionnelles d'où parfois surgit un autre cycle de turbulence rythmique doublé par un jeu de clavier aux notes aussi agiles que frivoles. Les cerceaux ambiants de l'introduction reviennent soufflés nos oreilles avec de judicieux intercales qui agrémentent l'effet minimaliste de cette structure de rythme séquencé qu'un Mellotron recouvre par endroits de brume éthérée. On va aussi entendre des cognements et des effets de miroitements psychédéliques, genre Phaedra, sur cette longue cargaison ferroviaire d'ions perturbateurs de sommeil hypnotique dont la particularité première reste son originalité. En effet, mis à part une vague ressemblance avec les rythmes analogues des années Phaedra ou Rubykon, la structure rythmique de Sol reste tout de même assez unique de par son cachet minimaliste filiforme qui atteint presque les 15 minutes contre 5 minutes d'ambiances.
NGC 224 est nettement plus violent avec des parfums qui endossent la signature de Redshift. L'introduction est très théâtrale avec des boucles d'un synthé plein de charmes John Carpenter et des larges bancs de résonances noires statiques. Alors que la machinerie ronfle royalement, les ions commencent déjà à semer le trouble encore avant la barre des trois minutes. Le rythme qui en surgit est furieux. Beaucoup plus furieux que Sol avec des ions, leurs ombres et les ombres de leurs ombres, qui sautillent et tambourinent sur place et dont l'amoncellement n'a d'autres choix que de former un long train qui hoquète et sautille de partout. Le décor sonique reste le même. Seule le rythme regorge d'originalité avec des effets de trémolo et des phases d'ascension plus violentes qui s'ajoutent ici et là, déjouant les plans du minimalisme et de ces effets de répétition. C'est très bon! Organia offre une plus longue introduction ambiosphérique. Les ambiances sont nébuleuses et fardées par des nappes de voix qui flottent sur un nid de réverbérations dont les lentes torsades sonnent comme les respirations du Grand Malin. Les nappes de Mellotron sont envahissantes et nous rapprochent un peu plus des ambiances du premier volet Cosmic Ground. Les pulsations éclatent un peu après la barre des cinq minutes. Ici, le son des ions séquencés est plus nuancé. Il est plus près des zones obscures de Méphistophélès avec des ombres noires qui respirent et cabriolent dans une intense cascade de pulsations résonnantes qui roule à vive allure. Encore ici, Dirk Jan Müller tisse du génie en ajoutant une pléthore de bruits connexes qui en démesurent tous ses charmes. C'est une belle violence de huit minutes avant que Organia ne ré explorent les inquiétantes zones d'ambiances noires de son ouverture. Après tout ce bain de violence rythmique, Dirk Jan Müller a décidé de clore l'aventure de COSMIC GROUND 2 avec un beau monument d'ambiances. Altair offre une procession sonique qui tout simplement envahissante. Tissé dans des ambiances confortables où l'éther exhale la vie et où le cosmos empiète sur la zone terrestre, une lente structure de rythme naît avec des cognements sourds un peu avant la 5ième minute. Ces battements deviennent en fait des tam-tams qui tambourinent comme dans un effet de transe passive sous une nuée de réverbérations maquillées de toutes les couleurs interstellaires. Noué dans la discorde et l'excès de vitesse de certains de ces battements, le mouvement devient plus fluide mais reste relativement ambiant. Encore ici, Müller structure son approche rythmique dans l'originalité avec des ajouts d'éléments discordants et aléatoires qui font de Altair un titre extrêmement envoûtant. Même lorsque les ions et leurs ombres qui battent disparaissent dans les nocturnes nappes anesthésiantes d'un splendide mélange orgue et Mellotron qui reprennent le contrôle de Altair juste avant la 12ième minute. Les oreilles patientes seront récompensées car Cosmic Ground déroule une autre structure de rythme vive et saccadée qui hoquète dans un lourd écho pour les 3 dernières minutes, concluant un album aussi séduisant, je dirais même plus puissant, que le tout premier volet de Cosmic Ground avec ce COSMIC GROUND 2 où le genre rétro Berlin School ouvre ses lézardes d'originalité afin de charmer autant que dans les années 70. Une excellente découverte et un des albums les plus solides en 2015.
Sylvain Lupari (24 Août 2015) ****½*
Disponible au Cosmic Ground Bandcamp
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