“Cosmic Ground est une vraie beauté qui séduira à coup sûr ceux qui aiment ces vieilles ambiances analogues des années 70”
1 Legacy 14:07 2 Deadlock 16:25 3 Ground 33:24 4 The Plague 14:18 5 Decay 18:26 Cosmic Ground Music
(DDL 96:42)
(Classical Berlin School)
Je mentionnais récemment que la MÉ du genre analogue connaissait un regain de vie chez les jeunes faiseurs de nouveaux sons qui sont à la recherche du pinacle de la virginité électronique. Les essais abondent sur YouTube et cela se transforme même en albums où le faux du vrai reste toujours difficile à cerner, à moins que l'on soit clair et tranchant. Comme ici où Dirk Jan Müller énumère sa liste d'équipement en insistant sur le fait qu'aucune technologie ou/et équipement du genre MIDI et de logiciels de synthétiseurs ne soient utilisés. Le résultat? Un album chaud en sons et en émotions! Cosmic Ground n'est pas nécessairement un nouveau venu dans les sphères de la MÉ. C'est le projet de Dirk Jan Müller, fondateur et claviériste du célèbre groupe Allemand de Krautrock totalement psychédélique Electric Orange qui a pris racine dans les terres de la MÉ underground au tout début des années 90. C'est un retour aux sources qu'il effectue avec l'impressionnant COSMIC GROUND, puisqu'initialement Dirk Jan Müller avait débuté sa carrière en solo avec 3 albums, de 91 à 93, qui étaient fortement inspiré par la période Baumann-Franke-Froese de Tangerine Dream. Proposé dans une édition limitée à 500 exemplaires, l'album est composé de 4 longs titres tous construits sur les mêmes préceptes vintage avec des bancs de brumes mystiques et de nappes de voix chtoniennes où le Mellotron est le roi d'une faune vandalisée par des ions sauteurs et forgeurs de rythmes harmoniques. L'édition CD manufacturée étant totalement épuisée, ce premier album est aussi offert sur le site de téléchargement de l'artiste qui offre aussi un titre en prime (Decay) l'étirant ainsi en un double album de MÉ où l'expression retour aux sources est des plus appropriées ici.
Une ténébreuse ombre de synthé lâche ses soupirs interstellaires en ouverture de Legacy. Des nuages de brume d'éther et des nappes de voix éteintes assaillent nos oreilles, alors que des irrésistibles parfums de Phaedra ravivent nos souvenirs. L'illusion est parfaite. Des larmes de synthé et des accords flânent à la dérive dans ces ambiances mystiques nourries par un superbe Mellotron, tandis qu'une discrète ligne pulsatrice forge tranquillement la genèse d'un rythme qui éclora vers la 6ième minute. D'abord assourdies, les pulsations cognent avec force et vigueur. Tant que l'eau qui suinte sur les murs dégouttent avec la crainte d'être pulvérisées par ce train rythmique qui émerge des grottes de Legacy. Le rythme bat à la mesure d'une machine industrielle sur le bord de dérailler. Vif et rapide, il est comme un ressort tendu au maximum qui pilonne jusqu'à casser. Des fines arches détendent la tension, courbant un peu le mouvement linéaire où les ombres des ions se détachent afin de mordre le dos ceux qui traînent. D'autres ions débarquent de cette course effrénée, modulant des boucles oscillatrices qui rendent la structure du rythme plus musicale. Mais c'est pas fini! Nos oreilles qui entendent le cliquetis des gouttes remarqueront plus loin ces ondes industrielles qui vont et viennent, forgeant la complémentarité d'une structure de rythme dont la complexité se nourrie de ces ions qui rentrent dans la course ou qui la quittent, créant l'illusion de renouveau dans chaque cycle d'un rythme électronique vintage qui fuit la redondance malgré son vif flux minimaliste. Du haut de ses 14 minutes, Legacy tisse les grandes lignes de COSMIC GROUND et par ricochet la musique de Cosmic Gound.
Deadlock s'appuie sur le même principe. Introduction brumeuse nourrie par de sombres et envoûtantes lignes de vieil orgue qui étend les bases d'une amorce chthonienne. De longilignes effets de réverbérations ornent ces ambiances abyssales qui nous donnent l'impression d'assister à une messe sonique pour gobelins. Des ions sauteurs palpitent autour de la 4ième minute, tissant un rythme ondulatoire, comme un train traversant une vallée ornée de petites montagnes, que des cliquetis grignotent délicatement. Le rythme est paisible, quasiment ambiant, avec de bons effets soniques, comme ces cerceaux qui vont et viennent avec plus de lucidité que dans Legacy et dont l'amoncellement épisodique fait l'effet d'une chorale de zombies en transe. Nous sommes dans les terres de Tangerine Dream avec un beau parfum de contemporanéité. Il n'y a pas de préliminaires avec Ground! Un lourd accord tombe, écorchant nos oreilles avec des effets réverbérations qui s'en échappent. Des accords de clavier grignotent les 2 premières minutes. Juste avant qu'une ligne de basses séquences forge un rythme noir qui sautille sur des cortèges de brume. Les ions détachent leurs ombres qui galopent en tous sens avec la vélocité d'un sauvage rythme électronique digne des meilleurs phases de Redshift et de Radio Massacre International. Par contre ce mouvement de rythme est bref car Ground est un plus monument d'ambiances glauques où les phases de rythme se disloquent, s'épuisent et vont et viennent dans des approches et des formats différents. On les retrouve un peu partout mais ce sont les paysages d'ambiances noires qui restent le cœur de Ground. Des moments intenses qui jetteraient des tonnes d'inconfort angoissante dans de bons films d'horreur. C'est un mélange entre les ambiances parfumées à l'éther de Klaus Schulze et celles des premiers pas de Tangerine Dream. J'ai trouvé ça un peu trop long. Surtout que The Plague poursuit sur cette même avenue avec une musique d'ambiances noires où le Mellotron est roi et endort tous les ions sauteurs dans ses anesthésiantes nappes de brumes mystiques. Ces ions reviendront en force après la lente et noire intro de Decay. Des pulsations percent un opaque nuage de brume et de voix chtoniennes aux alentours des 6 minutes, tissant un rythme pulsatoire qui bat laconiquement dans un dense magma coulant des terres de Méphistophélès. Les beautés et les attraits de Legacy et de Deadlock abondent ici, mais dans format différent où les subtiles nuances restent le berceau de notre ébahissement. Cosmic Ground! Un nom à retenir si on recherche les saveurs du vintage et cet album éponyme est de ce grand cru. Une grande découverte et un incontournable de 2014!
Sylvain Lupari (21/08/15) *****
Disponible au Cosmic Ground Bandcamp
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