“Un must pour les fans de la Berlin School en 2022 et pour ceux qui veulent la découvrir”
1 sgxb 6:47
2 Invade 4:28
3 Haunting 7:00
4 Engrained 17:25
5 Isolate 18:35
6 Desolate 18:56
(CD, Vinyl, DDL 73:12)
(Berlin School)
Si vous êtes un fan pur et dur du style Berlin School ténébreux des années Ricochet à Force Majeure de Tangerine Dream, ISOLATE vous est tout désigné! Ou encore, si vous êtes de cette légion de nouveaux fans qui ont justement découvert le Berlin School par les ondes de Redshift, ['ramp] et/ou Brendan Pollard, la musique de Cosmic Ground devrait vous interpeller depuis le tout premier opus éponyme réalisé en 2014 sous la prose électronique de Dirk Jan Müller. Remarquez que la première catégorie va tout simplement de pair avec le seconde! Tout ça pour finalement souligner que ce ISOLATE est sans aucun doute l'album le plus achevé du musicien Allemand depuis Cosmic Ground. DJ Müller propose rien de moins que 73 minutes d'une musique électronique lourde et ténébreuse qui est secouée par plusieurs phases polyrythmiques tout en conservant ce petit côté mélodieux délicieusement chtonien.
Sgxb donne le ton avec une brève et légendaire ouverture de musique d'ambiances ténébreuses. Le rythme surgit dès la 30ième seconde d'une dense zone de brume chtonienne. Une ligne de basse séquences fait pulser et alterner ses pulsations, créant un rock électronique typique du Berlin School. Le rythme reste homogène, à quelques nuances près, pour accélérer légèrement dans une cadence peine spasmodique un peu avant la 4ième minute. Le synthé libère des ondes de voix qui ululent secrètement et des pads qui ondoient avec un air abstrait d'incrusté dans le détail, accentuant encore plus l'effet ténébreux d'une musique sortie tout droit des sentiers de Phaedra. Des brises creuses, des bruits d'un caniveau remplit de secrets et autres tonalités d'un univers psybient ornent la lente ouverture de Invade. On y entend des voix et des murmures, simulant un plan d'évasion, mais c'est très lointain dans le champs auditif. C'est purement atmosphérique, même si une structure palpite nerveusement sans direction rythmique, avec de lourdes nappes vibratoires et des vents houleux qui créent des effets cinématographiques dramatiques. Haunting reprend la route d'un bon rock électronique, moins puissant que Sgxb mais avec plus de vivacité. Genre les structures de séquences rythmiques effrénées et spasmodiques des 76-77 de Tangerine Dream. Les ambiances restent ténébreuses avec des envolées spectrales et de très bons effets sonores chtoniens qui sont dans le ton. Le rythme suit un parcours qui modifie légèrement son axe tout en étant encerclé d'éléments percussifs attrayants. Très bon! Prenons les éléments de ces 3 courts titres et greffons les aux 3 autres longues structures de ISOLATE et nous avons la recette d'un splendide album de MÉ revival du milieu des années 70.
Engrained est le premier de ces 3 longs titres. Dirk Jan Müller prend donc le temps de déployer tout son impressionnant arsenal de synthétiseurs et séquenceurs, autant analogues que numériques, ainsi que ses magnanimes mellotron et orgue Farfisa. Ce sont ces titres qui structurent ces rythmes en constant mouvement qui se replient et s'étirent dans d'autres perspectives rythmiques. Le titre débute avec la sourde résonnance de ses fracas! Des éclats, comme des coups de feu, retentissent dans cette ouverture qui fait gronder les sinueuses ondes de synthé faisant du slalom entre les décharges de bruits. Le musicien Allemand a ce don de remplir ses ambiances avec une texture sonore rehaussée, légèrement plus émotive, donnant cet aspect de drame à venir à sa musique. Les ombres de basse respirent et expirent dans les doléances du mellotron, créant ce climat ténébreux qui auréole les dimensions lugubres d'un style gothique et méphistophélique. Le rythme surgit un peu avant la 4ième minute avec deux lignes du séquenceur qui font osciller vivement leurs ions sauteurs dans l'opposition de l'autre. Un autre mouvement s'insinue. Plus fluide et moins mécanique, il arrondit le côté spasmodique de cette envolée rythmique débridée. On dirait un train roulant à pleine vitesse sur des rails bosselés! Ce train roule dans des paysages brumeux où des nappes orchestrales injectent ce délicieux parfum tonal des années 70. Les nappes d'orgue résonnent alors que le train semble perdre un quart de sa vitesse, ou que le séquenceur ait perdu un ion sautant quelque part. Ce débalancement provisoire déjoue un possible effet de redondance dans ce segment où les nappes tissent des paysages sombres et affolants. La structure modifie subtillement son axe presque 6 minutes plus loin, dans une zone de bourdonnements qui intensifie encore plus la lourdeur atmosphérique de Engrained. Toujours présent, le rythme semble chambranler! Une illusion auditive créée par l'ajout d'éléments percussifs qui encerclent momentanément cette structure. Le rythme roule et roule toujours à un train d'enfer sous des nappes et pads de brumes et ou d'orchestrations sataniques jusqu'à son épuisement qui se fait sentir après la 15ième minute.
La pièce-titre propose une vision plus atmosphérique qui se développe avec un rythme pulsatoire stationnaire en mi-parcours. Le titre met plus en relief ses ambiances chtoniennes avec de belles nappes de synthé flottantes où on peut entendre quelques murmures fredonnés. La musique travers une phase plus exploratoire après la 8ième minute. Diverses tonalités, certaines plus percussives, végètent dans cet environnement que l'on peut qualifier de psybient ténébreux de par les bruissements et battements industriels qui s'entrechoquent dans une étonnante symbiose cadencée. La richesse des éléments sonores en place fait déborder les tympans! Les nappes de synthé injectent du chloroforme auditif, enveloppant plus de mystère ce troublant passage ténébreux de Isolate. Ces nappes bougent avec un effet de secousses mais sans élaborer de plans pour du rythme. C'est ce que j'appelle du très bon ambiant ténébreux! Desolate présente une autre lente introduction où les cordes du mellotron tissent un environnement gothique. Le son monte et descend à travers des nappes d'une nébulosité à faire frémir nos sens s'ils arrivent à y attacher des scènes de cinéma glauque. Le rythme pulsatif émerge à la 3ième minute lors que les voix lucifériennes se font encore entendre. Lourd, pesant et vrombissant de sa splendeur, il sautille sur place comme un épouvantail tentant de chasser les attaques de ces nappes assourdissantes qui tournent tout autour. Une autre structure de rythme plus vive se fait entendre loin dans le décor. Elle viendra faire entendre ses claquements métronomiques par intermittence, créant l'illusion d'un train fantôme qui aide à accélérer une cadence traversant un dense pont atmosphérique autour de la 12ième minute. Ce segment d'à peine 90 secondes unit les pôles ténébreux et éthérés de la Berlin School avant que le rythme ne revienne avec une lignes d'oscillations dont le débit fluide traverse aussi sa phase d'ambiances sibyllines.
Voilà! Du Cosmic Ground dans toute sa splendeur, ISOLATE est sans doute ce que Dirk Jan Müller a fait de mieux depuis Cosmic Ground IV en 2018. C'est du Berlin School dans toute sa complexe beauté où le sombre attire nos sens sur ses structures polyrythmiques, parfois complexes, et son décor gothique qui nous ramène inexorablement à l'ère Franke et Froese avec ou sans Peter Baumann. Müller impressionne réellement dans son art de conjuguer ce style avec une vision troublante digne des surréelles ambiances d'une musique puisée dans les abbayes des ténèbres. Un incontournable en 2022 pour les amateurs du genre…et ceux qui cherchent des questions/réponses sur ce style et ses origines.
Sylvain Lupari (30/09/22) *****
Disponible au Cosmic Ground Bandcamp
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