“L'art de la séduction va de pair avec la créativité de ces musiciens pour qui l'art n'a pas de frontières”
1 Gradient 12 (Robert Rich) 6:58
2 Expose (Erik Wøllo) 7:28
3 Spacers (Martin Stürtzer) 7:11
4 The Child of Night (Chuck van Zyl) 13:59
5 It's Taken (Sam Prekop) 6:06
6 Estepa (Cartas de Japón) 8:02
7 Merging into the Night (Max Corbacho) 8:10
8 Much Too Late (Perge) 14:29
9 Still Untold (Sophos) 5:30
10 From the Ashes (Fritz Mayr) 8:45
11 Love One Another (Michael Brückner & Rebekkah Hilgraves) 12:29
12 Fondness (Filter-Kaffee) 6:06
(DDL 105:16)
(Berlin School, Ambient)
Voici enfin le très attendu GEMSTONES II de Cyclical Dreams. Et soyez assuré que l'attente (11 mois, pas si pire) valait amplement le coup avec cet autre impressionnante brochette d'artistes qui nous offrent une promenade à dans les jardins de la musique électronique inspirée par la Berlin School et le style de musique ambiante. Au-delà de ces styles, le label argentin fait une percée dans le rock alternatif électronique avec les présences de Sophos et Sam Prekop. Je ne vous dirais pas de vous détendre, quoiqu'il y ait de bons passages de musique méditative, parce que nous avons ici une compilation des plus éclectique où l'art de séduire va de concert avec la créativité de ces musiciens pour qui l'art n'a aucune frontière. Sauf les barrières de notre imagination. GEMSTONES II démarre en lion!
Une onde sonore éveille les premières mesures de Gradient 12. Elle se contorsionne pour s'offrir à un rythme trépidant qui bondit vivement sous les strates hululantes d'une délicieuse guitare de type Lap Steel que Robert Rich caresse de sa main chevrotante. Le rythme est vif avec des séquences tombant sèchement et des effets de riffs qui détournent l'attention lorsque les percussions le bouscule dans une zone plus animée. Spectrale, cette guitare hurle de ses faisceaux sonores qui remplissent le panorama de Gradient 12 d'une musique à ne pas écouter seul dans un cimetière qu'on imagine mur à mur sur la distance du titre. Du très bon Robert Rich mes amis! Expose d'Erik Wøllo appartient à la catégorie de ses meilleurs titres avec un rythme envoutant qui se déhanche sous des nappes de synthé-guitare. Le maillage entre le synthé et la guitare donne une texture dramatique lorsque fusionné à ces chants sibyllins qui remplissent le paysage sonore d'une passion qui se dévore de l'intérieur. J'aime les riffs qui son tenaces derrière cette surprenante structure de rythme du musicien Norvégien. Deux énormes titres de tribal ambiant spectral! Un artiste que j'ai apprécié découvrir est certainement Martin Stürtzer. Et quelle surprise d'entendre son style Space Dub-Ambient avec un zest de Berlin School en Spacers. Le séquenceur est grandiose ici en domptant des dizaines d'ions sauteurs qui défilent en file indienne sous les coups de basse-pulsations qui guident le rythme coulant comme une couleuvre cabossée. Mais la plus grande surprise de cette compilation est The Child of Night de Chuck van Zyl. Ce splendide Berlin School est monté sur un mouvement ascendant d'un séquenceur qui colle aussi une seconde ligne de rythme sertis d'arpèges, créant deux tonalités périphériques qui se cambrent dans un long voyage cosmique aux essences analogues des années 70-80. La tonalité, la texture et l'essence cosmique sont des bijoux pour les aficionados du genre. Musicien américain résidant à Chicago, Sam Prekop appartient à cette génération de musiciens connectés au synthés modulaires. It's Taken est construit sur des boucles rotatoires picorées par des percussions sonnant comme l'écriture télégraphique. Les bruits blancs sont des invités parmi les chants spectraux tisseurs de ver-d'oreille. Des chants innocents sur une structure de rock alternatif électronique qui ferait les délices du label DiN. J'ai été agréablement surpris par l'album Sequence at the End of the World de Cartas de Japón. Le trio argentin refait le coup avec Estepa. Une voix passionné hurle au travers un porte-voix. Ses mots se perdent dans cette brume astrale dont les woosshh de poussières soufflent en formant une nappe oscillante depuis son ouverture. Le rythme qui fait surface après la deuxième minute hésite à former une structure soutenu avec les parfums musicaux d'un synthé aux airs de trompettes. Et lorsqu'il décolle, on croirait entendre Chris Franke au séquenceur faisant dribbler ses ions sauteurs dans une texture musicale qui rappelle les envolées de Tangerine Dream dans Live Miles. Très bon!
Max Corbacho est reconnu pour faire de la musique d'ambiances cosmiques et c'est ce qu'il offre à cette compilation. Merging into the Night est un titre tranquille qui avance avec une texture de bourdonnements qui implose par moments avec des grondements plus agressifs, noyant cette envie de dormir. La musique interpelle nos oreilles avec une grosse masse sonore se déplaçant avec une lourdeur justifiée d'où émergent des longs chants ambiants et des lignes de synthé lumineuses, rappelant que la musique atmosphérique peut être aussi intéressante qu'une MÉ propulsée par séquenceur. Perge me fait mentir avec Much Too Late! Ce titre fait partie de l'album OUT: The Sessions, sortie en 2020. Le rythme vient assez vite avec une structure séquencée en mode Berlin School qui soutient une belle symphonie du synthé qui tisse de fabuleux solos à nous donner des frissons dans l'âme. Un premier pont s'installe juste avant la 5ième minute, proposant ces pépites perlées qui tentent de coudre un filon harmonique, mais le fil est trop mince. Il casse sans cesse! C'est correct, la posologie devient un gros rock électronique à la England School avec des arpèges séquencées qui dansottent comme des perles sautant dans un tube trop étroit et dont les gestes spasmodiques irradient sous un ciel attaqué de nuages bourdonnants. Ces drones sonores éclatent avec fureur, ramenant Much Too Late vers une structure mi-ambiante dirigée par ces perles sauteuses et nourrie d'autres bons solos de synthé. Avec son mouvement statique, Still Untold de Sophos est à sa place après le bouillon séquencé du titre de Perge. Mais comme il l'a démontré dans Enceladus, le musicien de Buenos Aires aime surprendre avec une approche avant-gardiste. Le titre éclate donc en un splendide rock alternatif électronique totalement inattendu avec une chamaille entre le rythme décousu et de solos de synthé tout simplement délicieux dans une musique déjantée dont certains segments iraient très bien dans un film d'espionnage. Sophos, un artiste à découvrir! Tout cela nous amène à découvrir la musique de Fritz Mayr, un artiste dont j'entends parler mais que je n'ai jamais eu la chance d'entendre. Après une nébuleuse ouverture oxygénée par une voix indistincte dans un vocodeur, réminiscence de Neuronium, From the Ashes propose un rythme séquencé fluide. Un rythme bien rond et juteux qui monte plus vite qu'il descend dans la tradition des bons Berlin School. Le synthé lance des flèches de réverbération, tachetant un décor somme toute assez sobre. Et dès que la structure amplifie sa vitesse, avec un superbe jeu du séquenceur, le musicien tisse de bons solos qui se succèdent sur cette structure qui change subtilement de forme pour atteindre une finale moins trouble que son ouverture. Love One Another, du duo Brückner & Hilgraves propose une douce musique cousue dans le style de 100 Million Miles Under the Stars. La voix de Rebekkah Hilgraves récite un poème dans le premier segment, laissant la musique dérivée avec ces fines modulations dans un agréable Cosmos rempli d'étoiles pétillantes, et même musicales. Comme ces perles sonores qui s'agitent dans le derniers tiers d'un titre conçu pour rêver les oreilles éveillées. C'est au duo de Filter-Kaffee que revient la tâche de compléter cette méga compilation de joyaux sonores. Après une ouverture d'ambiances industrielles, Fondness glisse vers un passage ambiant où tintent toujours ces cloches dans une ambiance patibulaire. Les vents chantent comme des chouettes apeurées tandis que les bruits métalliques continuent de s'entrechoquer afin d'insuffler un peu d'harmonie déphasée à cette ouverture prismatique qui atteint un point tumultueux vers la 4ième minute. Des vents et des synthés sonorisés dans la glace métallique émerge un rythme séquencé sautillant sous des solos de synthés plus chaleureux depuis que le rythme s'est installé. Je trouve que c’est plus dans le genre de Broekhuis, Keller & Schönwälder que de Filter-Kaffee.
Aussi riche en diversité des genres que Gemstones, cette nouvelle compilation nous en met encore plein les oreilles. Je ne sais pas comment ils y sont pris, mais les dirigeants du label Cyclical Dreams réussissent un autre tour-de-force en alignant des artistes qui se sont montré généreux et qui offrent le meilleur d'eux-mêmes dans une autre compilation remplie de surprises et de très bons titres. Au prix demandé, GEMSTONES II est un indispensable pour les amateurs d'une musique qui connaît un nouvel essor planétaire avec justement ce label argentin qui ne cesse d'impressionner en offrant des œuvres d'une qualité aussi près de la perfection, comme dans cette compilation. Chapeau Lucas Tripaldi, Pablo Bilbao et Esteban Menash!
Sylvain Lupari (28/09/21) ****½*
Disponible au Cyclical Dreams Bandcamp
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