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Writer's pictureSylvain Lupari

Däcker Anthropomorphic Personification (2023) (FR)

Une révélation pour 2023 qui devrait plaire aux fans de Berlin School et de MÉ plus expérimentale

1 Thanathos 9:25

2 Aergia 16:14

3 Hypnos 15:50

4 Chaos 10:42

5 Chronos 20:15

6 Gaia 4:56

(CD/DDL 78:00)

(Progressive EM, Berlin School)

Pareidolia, paru à l'automne 2020, m'avait laissé sur mon appétit tout en laissant la vague promesse de meilleurs lendemains avec une musique électronique (MÉ) inspiré de la belle époque. Les années 70 avec des synthé et des séquenceur analogiques. Toujours appuyé de Remy et de Wouter Bessels, qui fait encore le mastering, Däcker n'est plus cette vague promesse. Peter Dekker livre un puissant album-concept sur la personnification anthropomorphique, ANTHROPOMORPHIC PERSONIFICATION. L'album, disponible en CD manufacturé et en téléchargement, propose une musique électronique (MÉ inspirée par Klaus Schulze et Vangelis où les visions atmosphéricosmiques, les rythmes pulsatoires industriels et la Berlin School défilent sur une distance de 78 minutes sans que nos oreilles, parfois très étonnées, n'en décèlent une de trop.

Des wiisshh un peu maganés révèlent d'intéressantes torsades psychédéliques tout en stimulant une pulsation industrielle en ouverture de Thanathos. Peter Dekker orne cette première invitation à son nouvel album avec des effets sonores des premières années de Klaus Schulze qui se mêlent à ces fascinants effets de Jean-Michel Jarre, sur son titre-fleuve En attendant Cousteau de l'album du même nom. Des nappes de synthé aux orchestrations cosmiques et soporifiques complètent le décor. Purement atmosphérique mais pas méditatif pour autant, à cause de son intensité et son environnement bruyant, avec une touche de drame, gracieuseté d'une ombre de basse synthétisée magnétisante et à des roulements de timbales, Thanathos poursuit son voyage minimaliste sur sa distance de 9 minutes et des poussières en stimulant l'écoute de par la richesse de sa flore tonale. La structure du titre m'a d’ailleurs fait penser que ça faisait un bout de temps que je n'avais pas écouté l'excellent Soil Festivities de Vangelis. Vous voyez le topo! Plus ténébreux, Hypnos, co-écrit avec Rik van der Lande qui y joue la guitare, s'inscrit dans cette lignée avec une délicieuse utilisation des effets de retards sur bande (tape-delay). Si vous aimez entendre un synthé siffler comme un rossignol, Aergia est destiné à vos oreilles. Dans une structure de vieux Berlin School à la Klaus Schulze, son ouverture chante à nos oreilles comme un ruisseau d'arpèges doucement agité par des vents azurés. Un voile d'orchestration tombe, suivi d'une ombre de basse, agrémentant une écoute qui décèle un niveau d'intensité latent. Le synthé débute son opération charme dès la 3ième minute. La texture de son chant fait très analogue des années 70. On pense tout de suite à Schulze, mais en plus musical. La structure de rythme se met tranquillement en place à partir de la 5ième minute. Peu à peu, son mouvement ascensionnel devient spasmodique. Comme à la belle époque de l'analogue! On tapote des doigts sur l'appui-bras de notre fauteuil inclinable et nos neurones voltigent entre nos oreilles. Le séquenceur forge des lignes qui se juxtaposent ou fusionnent avec une juteuse tonalité de caoutchouc mouillé. Pour ce qui est des solos de synthé, Däcker est définitivement dans une classe à part! Un excellent titre!

Chaos nous amène vers un autre niveau plus expérimental-industriel. Des effets sonores percussifs trouvent écho dans des bancs de brises creuses. L'ouverture est de nature atmosphérique avec ces vents qui rugissent et mugissent comme lorsqu'on voyage en train, la fenêtre ouverte. La masse sonore est très compacte avec ces vents où se greffent des voix d'outre-tombe qui ululent en symbiose avec cette tempête de vents sifflant. Le fracas, le chaos sonore s'installe comme une crise psychotique dans la tête d'un schizophrène perdu dans les bourdonnements et les battements incessants d'une usine de production à la chaine. C'est donc la source rythmique de Chaos, avec une suite de pulsations industrielles vives qui défile comme un train fou sur des rails dénivelés. C'est spasmodique, acharné et ça n'a rien de mélodieux. Mais nos oreilles se gavent de cet immense tourbillon de vents acides et de pulsations mécaniques dans un environnement qui est idéal pour faire du headbang. Après un tel raffut, l'ouverture atmosphéricosmique de Chronos est la bienvenue. Ses 150 premières secondes nous incitent à voyager dans les confins du Cosmos avec de longs serpentins organiques qui égrènent leurs tonalités au compte-goutte et en symbiose avec des ondes de synthé planantes qui zigzaguent dans l'infini. Par contre, le plus long titre de ANTHROPOMORPHIC PERSONIFICATION se développe un peu comme le titre précédent, tapage en moins et structure de Berlin School en plus. Le rythme éclot après la seconde minute. Son mouvement ascensionnel est structuré sur 8 marches circulaires qu'on grimpe et dévale les cheveux au vent.  Däcker accélère subtilement la cadence, ajoutant au passage une ligne de basse qui fredonne en harmonie d'un beat devenu hypnotique. À un point tel, qu'un ver-d’oreille rythmique se créer. Les ondes du synthé amplifient leurs présences. Elles miroitent ici et là avec une tonalité parfois plus perçante, sifflant même des solos qui ont une texture ectoplasmique. Elles glissent aussi, plus que slalomer afin de suivre cette cadence qui reçoit l'appui des percussions quelque part après la 10ième minute. Chronos se repositionne alors en un savoureux Berlin School technoïde. Et encore plus lorsque les cymbales pétillent de leurs tssitt-tssitt quelques 4 minutes plus loin. Un excellent titre qui se termine dans une finale plus séraphique que son ouverture. Le court Gaia termine ce puissant album de Däcker avec une belle ballade cosmique où des arpèges, laisser tomber par des doigts penseurs et une âme nostalgique, rayonnent tristement dans les ondes vibratoires des effets de retards sur bande (tape-delay). Le synthé accompagne le clavier en lançant des harmonies remplies de tristesse dans un sublime décor qui nous rappelle oh combien Vangelis nous manque.

J'ai été carrément subjugué par ce nouvel opus de Däcker. Tant que j'ai dû écouter ce ANTHROPOMORPHIC PERSONIFICATION au moins une douzaine de fois pendant la période des Fêtes. J'avoue que mes oreilles ont trébuchés sur des titres tel que Hypnos et, surtout, Chaos. Mais l'apprentissage de ces structures progressives et expérimentales a été plus facile que son contraire tout en affectant pas cette passion dévorante pour les 4 autres titres de ce puissant album. Une révélation pour 2023 qui devrait plaire aux fans de MÉ inspirée par le Berlin School et le style expérimental mais musical de Vangelis. Je pense toujours à Soil Festivities ici!

Sylvain Lupari (08/01/24) ****½*

Disponible au Deserted Island Music 

(NB: Les textes en bleu sont des liens sur lesquels vous pouvez cliquer)

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