“En ce qui me concerne, je n'ai pas le souvenir d'avoir entendu un album aussi sombre et lugubre...”
1 Undergangen 8:04
2 Moseangst 3:51
3Tågens Gåder 2:56
4 Dyster Kold Mörker 3:20
5 Syndernas Förfall 4:06
6 Dödsdans I Skogsbrand 5:06
7 Gråkall Morgen 8:46
(Vinyl/CD/DDL 36:11)
(Dark Ambient, dungeon synth)
Vous connaissez le style Dungeon synth? C'est un mélange de Black Metal et de Dark Ambient qui polarise l'univers des jeux vidéo et des trames sonores pour films Gore. C'est le style que propose Den Sorte Død, ou si vous voulez The Black Death, depuis leur tout premier album Bundløse Søer paru en 2018. Le suédois Daniel Silwerfeldt, du projet ANGST, et le norvégien Anders Nydam, connu sous le pseudo de Offermose, sont les deux artistes derrière ce projet qui niche maintenant sur le label français Cyclic Law. L'album fut initialement sorti en en 2019 en édition vinyle seulement. Depuis cet été, il est aussi disponible en CD manufacturé et en téléchargement. C'est un post sur Facebook, il y a beaucoup de groupes sur la musique électronique (MÉ) dans l'univers de Mark Zuckerberg, qui a attiré mon attention vers ce duo qui a fait vibrer mes sensibles cordes émotives liées au style Berlin School ténébreux. Parce que oui, Den Sorte Død fusionne à merveille le style de Tangerine Dream, dans ses belles années où le mellotron était si inspirant, à du Dark Ambient très théâtral à la ['ramp]. Et j'y ai découvert un superbe album en UNDERGANGEN.
L'onde de synthé qui ouvre la pièce-titre est déjà musicale. Sa tonalité d'orgue et son effet vocal biaisent son état atmosphérique qui oscille entre une vision céleste et son contraire, infernale. Elle établit un pattern répétitif qui conduit à une subtile procession ascensionnelle tout en accroissant sa mainmise sur notre subconscient par la présence de divers éléments tonals ainsi qu’une vague procession sous d'étranges ululements. Le séquenceur fini par sculpter une procession plus cadencée dont la résonnance des accords sert de palladium afin d'introduire une de ces mélodies lucifériennes qui sortent tout droit de l'univers Mark Shreeve dans son album Legion. Les percussions arrivent en même temps. Martelant un rythme lourd et lent, elles enracinent cette perception de MÉ gothique et cinématographique. Undergangen est un excellent prélude qui nous conduit à ce fascinant album de Den Sorte Død. Moseangst est un titre atmosphérique riche de sa nature funèbre. Sa première onde crache une résonnance qui grommèle sous un tapis de radiations sonores. Les accords tombent comme dans une lente procession mortuaire d'où émane un somptueux chant noir du mellotron. Les deux musiciens multiplient les couches d’ambiances sataniques avec des effets de brume et de smog de donjon. Le chant acuité du mellotron donne des frissons qui hérissent encore plus lorsque le séquenceur active un rythme pulsatoire minimaliste qui défile en un fin mouvement stroboscopique circulaire. Tågens Gåder est un titre plus atmosphérique avec un splendide mellotron qui chante comme dans du ['ramp]. Sa beauté réside dans la variation de ses intonations, de cette voix sourde dans le décor et des modulations harmoniques qui nous vissent à nos écouteurs. Sans le savoir, nous sommes dans l'antre d'un film d'épouvante où l’effroi ne nous appartient plus, mais plus à la musique de ce duo suédois-norvégien.
Dyster Kold Mörker débute avec un chant moqueur du synthé. L'enveloppe sonore qui se déploie est aussi intense et gothique que dans l'ensemble de ce UNDERGANGEN. Le mellotron et l'orgue forment un duo qui se plait à créer des textures d'inconfort et d'effroi qui se collent au maximum à un film d'épouvante. Une musique pour errer dans les cimetières! En fait, Den Sorte Død exploite les mêmes thèmes mélodieux en y apportant quelques variations. Ici, c'est au niveau rythmique avec une structure circulaire et chancelante que le séquenceur active sous les sourdes matraques des percussions. Ces coups résonnent comme dans un film où un gros gnome frappe à coups de masse sur les portes géantes d'une barricade. Nous sommes près de la pièce-tire ici. Syndernas Förfall exploite aussi une ténébreuse ouverture de mélodie chtonienne que de sourdes percussions amènent au bord d'une latente peur de la noirceur, du vide. Le synthé lance aussi un chant luciférien qui n'aurait pas la même portée sans les coups répétés des percussions. Le séquenceur tisse aussi un lien rythmique circulaire qui traine comme un long filament stroboscopique cadencé qui accroit sa vitesse dans une vision de mélodie diabolique à la John Carpenter. Dödsdans I Skogsbrand est de loin le titre le plus sombre, cafardeux et angoissant de ce second album de ce duo satanique. Comme chaque titre dans UNDERGANGEN, son ouverture se développe tranquillement vers un rythme construit sur deux éléments; un mouvement circulaire et mélodieux du séquenceur et la résonnance des percussions. Le titre se conclut en une splendide ritournelle sibylline. Gråkall Morgen termine ce voyage dans les frontières du paranormal avec une succession de coups assourdissants. On dirait des gourdins géants martelant un sous-sol avec la placidité d'un métronome. L'orgue lance une superbe onde spectrale après 2 minutes. Chassant les percussions, elle fait dériver son chant dans les abysses de la terreur avec de mélodieuses modulations sataniques et un léger effet de trémolo dans son enveloppe astrale. Angoissant, son chant trouve un complice avec une onde de synthé qui en épouse les formes alors que le séquenceur active une autre structure de rythme circulaire et zigzagante après la 4ième minute. Devenu secret, ce rythme laisse un pâle reflet dans ces ambiances riches et oppressantes qui tamisent des rayons d'espoir aussitôt engloutis par cette noirceur cadavérique qui tangue comme un chat joue avec sa souris juste avant de la mettre à mort.
Mélodies diaboliques, ambiances obituaires, rythmes secrets! En ce qui me concerne, je ne me souviens pas d'avoir entendu un album aussi noir et lugubre mais à la fois aussi poétique que ce UNDERGANGEN de Den Sorte Død. Même si nos oreilles ont cette impression d'entendre les mêmes rengaines chtoniennes et les mêmes cadences gothiques, le duo satanique y ajoute assez d'éléments, aussi mélodieux qu'envoûtants, qui donnent des frissons, autant d'anxiété que de d'extase musicale, comme si nous étions en pleine projection d'un film d’horreur dont nous sommes l'acteur principal. Génial tout au long de ses 36 courtes minutes, UNDERGANGEN est un incontournable si on aime la musique sombre et ténébreuse de ['ramp] ainsi que le fabuleux univers de mélodie diabolique de Mark Shreeve.
Sylvain Lupari (06/09/22) *****
Disponible au Cyclic Law Bandcamp
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