“La plus grande qualité de Blind Watchers of a Vanishing Night est d'être dans la continuité du très bon Return to the Origin”
1 Blind Watchers of a Vanishing Night (9:58)
A Journey through Time (44:01)
a) Solaris
b) Red Clouds over a Misty Swamp
c) The Rise and Fall of Atlantis
d) Waiting for the Day to Come
e) Crystal Tears
f) The Day the Moon will leave Us
2 Moments of Unexpected Sadness (8:08)
3 Conspiracy of Two Forces (7:33)
4 Driving Home on a Rainy Night (4:05)
EH 002 (CD/DDL 73:48)
(Berlin School)
Le séquenceur est lourd. Après une intro aux voiles tamisés de métal, il libère des ions songeurs qui se dandinent prestement dans des brumes remplies de voix ocrées et de tonalités électroniques qui pépient comme des phœnix perdant leurs cendres. Et il dérape. Il prend le contrôle d'un rythme sphéroïdal qui monte et descend dans une spirale horizontale. Dispersant des bruines argentées et effrayant des voix chthoniennes, il crache une fureur à la Ricochet où des nappes de voix flottent comme des spectres sur le bord de fuir l'enfer. Et les solos tombent. S'arrimant à cette chevauchée rythmique débridée, dont Ruud Heij varie les tonalités autant que la vélocité, ils fendent l'air et le rythme. Ils hurlent de passion tout en libérant ces nappes de brume diaphane qui planent comme des rôdeurs sur une cité qui se consume. Enregistré en concert lors du Festival E-Live de 2004, Blind Watchers of a Vanishing Night est l'un des titres les plus lourds, noirs et endiablés de la MÉ contemporaine. Ça crache des ions ravageurs d'ambiances et ça déménagent les airs ambiants avec un rythme infernal qui n'a rien à envier à Redshift. Étonnant, Ruud Heij tisse un très bel univers de séquences où il dompte ses ions en les peinturant de nuances et d'harmonies sur des rythmes qui, s'ils sont stationnaires, allument nos oreilles avec des mouvements et des lignes entrecroisées qui rappellent indéniablement les phases rythmiques de Tangerine Dream dans les années Encore.
BLIND WATCHERS OF A VANISHING NIGHT est le 2ième album d'Emmens & Heij. Il suit les prouesses du duo Hollandais lors de concerts donnés suite à la parution de Return to the Origin, dont un des concerts coïncide avec le lancement de l'album au Festival Alfa Centauri à Huizen en Mars 2004, pour les pistes 2 et 4, l'autre étant une prestation au célèbre Festival E-Live d'Eindhoven en Octobre de la même année pour les pistes 1, 3 et 5. Et comme vous allez l’entendre, il respire de cette même symbiose harmonieuse entre les rythmes de Heij et les canevas cosmiques habilement structuré par Gert Emmens. Si le mouvement des séquences qui papillonnent avec vélocité éveille une empreinte dans votre oreille, c'est qu'il s'agit de Solaris de l'album Return to the Origin. Segmenté en 6 parties, A Journey through Time échange ses rythmes et ses ambiances dans une improvisation qui ne prend pas de temps à cimenter une symbiose. Après les rudes des séquences de Solaris, Red Clouds over a Misty Swamp nous submerge de lentes strates morphiques qui flottent comme de grosses taches d'encres imbibées de voix dans un trou noir aux contours irradiant de lueurs translucides. Les voix et les arrangements éveillent un soupçon de Vangelis alors que la sensation de flotter dans l'hyperespace assaille nos sens. Alors que The Rise and Fall of Atlantis et Waiting for the Day to Come s'échangent les mêmes préceptes de rythmes et ambiances, la 5ième partie de A Journey through Time, Crystal Tears, offre un superbe rythme lent qui ondule avec une fascinante sensualité dans les courbes. Ce rythme tranquille magnétise les sens et nous amène tout doucement à la finale de A Journey through Time qui s'imbibe de lentes et capricieuses strates morphiques pour compléter son voyage entre les rythmes et les ambiances que le duo a appris à développer avec Return to the Origin.
Épousant un peu la même ivresse rythmique que Crystal Tears, Moments of Unexpected Sadness est un superbe titre qui porte son nom à merveille. C'est une mélancolie qui valse dans les ritournelles d'un délicat mouvement de séquences dont les salves morphiques n'arrivent en aucun moment à déchirer cette brume de mellotron aussi musicale que celle des Moody Blues. Et ces voix éthérées qu'Emmens dessine pour nos oreilles, elles sont superbes de tendresse! Elles sont aussi envoûtantes que fragiles et chantent avec la même douceur maternelle que les fins solos que le synthésiste Hollandais parvient à tisser des brumes chantantes. C'est très beau et ça titille l'âme, vous n'avez pas idée! Conspiracy of Two Forces offre aussi une structure de rythme ambiant où les séquences stationnaires de Ruud Heij papillonnent et entrecroisent leurs ailes rythmées avec de fines modulations qui oscillent dans les charmes d'un synthé rêveur aux solos nasillards. Plus lourd et toujours aussi stationnaire et nappé d'une brume mystique qui laisse passer de beaux solos romanesques, Driving Home on a Rainy Night clôture un bel album dont la plus grande qualité est d'être dans la continuité de Return to the Origin.
Sylvain Lupari (16/09/13) *****
Disponible au Emmens & Heij's Bandcamp
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